SUPERMAN, VOL. 1 : SUPERCORP
(Superman #1-5 + Annual 2023)
Superman neutralise Livewire après qu'elle a agressé le patron de la plateforme de streaming où elle tenait un podcast. Ce que tout le monde ignore, c'est durant ce bref combat, Superman était en liaison radio avec Lex Luthor, actuellement incarcéré au pénitencier de Stryker et qui tente de lui prodiguer des conseils pour vaincre plus rapidement ses adversaires.
Mais Superman, comme il l'explique à Lois Lane, doute de la sincérité de Luthor, bien qu'il souhaite lui donner une chance de se racheter. Pour convaincre son ancien adversaire de ses bonnes intentions, Luthor met à disposition du champion de Metropolis toutes les ressources de sa compagnie, allant même jusqu'à la rebaptiser en SuperCorp, dont la direction est confiée à son assistante Mercy Graves.
Le Parasite, victime des manipulations génétiques de deux vilains, Graft et Dr. Pharm, éprouve cette alliance et Superman fait la connaissance d'une héroïne mystérieuse, Marilyn Moonlight, à cette occasion. Puis c'est au tour de Silver Banshee d'être manipulée pour attaquer l'Homme d'Acier. Mais Graft et Pharm sont-ils à l'oeuvre contre Superman ou Luthor ?
Bendis est associé à Ivan Reis, artiste vedette de DC (qui sera secondé par Brandon Peterson), tout en signant également les scripts de Action Comics, le titre historique de Superman (avec Patrick Gleason, Yanick Paquette, Steve Epting, John Romita Jr. au dessin). Il a donc la main sur le personnage et même ses détracteurs reconnaîtront qu'il fait le job plus que bien.
Mais en 2021 le conte de fée s'interrompt brutalement. DC procède à une vague de licenciements massive et plusieurs auteurs/artistes voient leur contrat d'exclusivité rompu. Ce sera la cas de Bendis qui se voit retirer Superman (et Action Comics) après 28 numéros. Il rebondit brièvement sur la série Justice League, sans briller, puis fait ses valises, direction Dark Horse.
Philip Kennedy Johnson lui succède sur Superman (pour quatre épisodes) et Action Comics (jusqu'en Décembre 2023). DC confie alors le titre Superman à Joshua Williamson (tandis que Action Comics voit défiler plusieurs auteurs vedettes pour un arc chacun depuis). La série redémarre au n°1, histoire de lui redonner de la visibilité et aussi pour rompre avec le précédent volume.
Cependant Williamson, qui a été un des protégés de Scott Snyder, ne cède pas à la facilité d'effacer ou oublier ce qui vient d'être fait avant lui. Simplement, il se distingue de ses prédécesseurs récents en adoptant une nouvelle manière d'aborder le héros, sans complexes, en tentant une approche plus fraîche, positive, avec la volonté d'en refaire le pilier du DCU.
C'est ce qui frappe dans ces cinq premiers épisodes et l'Annual 2023. Le ton se veut enlevé, l'ambiance lumineuse, la narration directe, avec des parti-pris nets mais hérités de ce qui vient de se faire. par exemple, Philip Kennedy Johnson avait été chargé d'annuler une des idées de Bendis (la révélation publique par Superman lui-même qu'il est également Clark Kent) : sur le principe, ce n'est pas très élégant, mais l'éditeur ne semblait pas vouloir pérenniser ce statu quo.
Donc, à nouveau le monde ignore qui est Superman dans le civil, à l'exception de ses proches comme sa femme Lois Lane ou son ami Jimmy Olsen, et son ennemi Lex Luthor (c'est d'ailleurs lui qui a rendu son anonymat à Clark Kent en torturant le magicien Manchester Black pour qu'il fasse oublier au monde qui est Superman).
Perry White a également abandonné son poste de rédacteur en chef du Daily Planet et Lois Lane le remplace. On va également apprendre que Jimmy Olsen est en couple avec Siobhan McDougal alias la super vilaine Silver Banshee, qui souhaite refaire sa vie loin du crime organisé. Et surtout, pour le meurtre de Manchester Black (entre autres méfaits), Luthor croupit dans la prison de Stryker.
Mais la grande trouvaille de Williamson, c'est qu'il va faire de Luthor l'allié de Superman. Au tout début, ce dernier est plus que réticent, mais en même temps il a envie de donner sa chance à Lex, qui, pour le convaincre, met carrément à sa disposition toutes les ressources de son empire, débaptisant sa compagnie en SuperCorp ! C'est aussi culotté que si Wilson Fisk se mettait à financer Daredevil sans chercher à le manipuler.
Pour exploiter cette situation, Williamson ne perd pas son temps : la toute première scène du premier épisode montre un bref duel entre Superman et Livewire, puis le Parasite pompe toute l'énergie de Metropolis et de ceux qui se trouvent sur sa route, et enfin Silver Banshee affronte Superman... Sauf qu'il y a un twist.
Luthor révèle à Superman qu'il a été le héros de Metropolis avant lui et que durant cette période il a contrarié les projets de deux frères, Graft et le Dr. Pharm. Et toutes les attaques menées contre Superman sont peut-être leur revanche contre Lex... On se doutait qu'un individu comme Luthor avait des cadavres dans son placard mais en vérité, c'est tout Metropolis avec lui qui devient la cité des secrets.
Cet aspect-là est exploré dans l'Annual 2023 où Lois Lane dispatche ses reporters à travers la ville mais en leur confiant des missions hors de leur zone de confort pour découvrir ce que cacherait Luthor à Superman. Et ainsi elle va commencer à mettre à jour une association inattendue entre deux personnes... Tandis qu'à Stryker se joue un autre mouvement dramatique - mais ça, ce sera pour le prochain tome.
C'est tout le brio de cette relance : Joshua Williamson donne l'impression de survoler les événements, d'aller très vite, mais en vérité il pose les jalons d'une saga au long cours, met en place ses pions, redistribue les cartes, et c'est jubilatoire. Sa façon d'appréhender les péripéties et les personnages, Superman en tête, témoigne du fait qu'il n'est pas impressionné par sa mission : au contraire, il revitalise la série.
Pour cela il est formidablement aidé par Jamal Campbell au dessin. L'artiste révélé par la mini Far Sector (écrite par N.K. Jemisin) et Naomi (écrite par David Walker et... Bendis) assume aussi la colorisation de ses planches et si, au premier abord, on peut trouver le résultat trop infographié, le dynamisme de sa narration, l'énergie qui transpire de ses pages, est vite irrésistible.
Le Superman de Campbell est un solide gaillard mais il n'est pas bodybuildé, avec un costume trop près du corps. Il est aussi très expressif, ce qui colle avec les nombreux soubresauts que connait son existence avec SuperCorp, son couple avec Lois, la découverte de la liaison entre Jimmy Olsen et Silver Banshee, sa méfiance envers Luthor doublée d'une envie de lui donner sa chance, etc.
On sent que Campbell donne tout ce qu'il a et qu'il aime cet univers, qu'il veut y laisser son empreinte (même si, au final, il ne dessinera que peu d'épisodes). Mais une preuve de tout cela est résumé avec le personnage inédit de Marilyn Moonlight, nouvelle héroïne de Metropolis, aussi mystérieuse que superbement designée.
Les scènes d'action ont un punch incroyable, comme en témoigne les épisodes avec Silver Banshee. Campbell lâche les chevaux également quand il s'agit de représenter l'invasion de Metropolis par tous les clones du Parasite.
Nick Dragotta intervient avec brio pour quelques pages dans l'épisode 4, lors du flashback concernant la jeunesse de Lex. Pour l'Annual, plusieurs dessinateurs se relaient : Mahmud Asrar fait le minimum syndical, Edwin Galmon assure dans un style similaire à Campbell, Caitlin Yarsky épate, Max Raynor est transparent, et Jack Herbert tranche avec des dessins évoquant Gary Frank (et donnant à Superman les traits de Christopher Reeve).
C'est donc une reprise très réussie et dont les qualités resteront intactes par la suite. J'aurai préféré rédiger les critiques de ces épisodes avant l'arc en cours actuellement, mais je vais tâcher d'aller vite pour rattraper ce retard, en espérant vous donner envie de vous y plonger (même si la vf a été conçue de manière complètement foireuse par Urban Comics avec de gros tomes réunissant à la fois les numéros de Superman et Action Comics. Mais l'éditeur a, semble-t-il, décidé de changer de formule)...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire