mardi 11 février 2025

SUPERMAN, VOLUME 2 : THE CHAINED (Joshua Williamson / Gleb Melnikov, David Baldeon, Bruno Redondo)


SUPERMAN, VOL. 2 : THE CHAINED
(Superman #6-12)


Alors que Lex Luthor est à l'hôpital, entre la vie et la mort, Superman découvre qu'il a jadis enfermé un homme, Samuel Stryker, le fils du fondateur de la prison de Metropolis, dans une cellule située sous le pénitencier. Accompagné des agents de SuperCorp, il va le libérer mais Stryker croit qu'ils sont au service de Luthor et les écarte violemment.


Causant d'énormes dégâts dans Metropolis pour se venger de ce qui lui a infligé Luthor et le débusquer, Stryker ne fait qu'une bouchée de la Super Famille qui tente de le stopper. En revanche, Mr. Graft et le Dr. Pharm profite de la situation pour lui proposer de l'aider dans son projet... Cependant, Lex se rétablit et apprend ce qui se passe depuis la libération de Stryker.


Avec l'aide de Luthor, Superman conçoit un plan pour neutraliser Stryker, mais le remède est presque aussi pire que le mal pour le kryptonien. Les séquelles du combat et la tentative de Graft et Pharm d'enrôler Marilyn Moonlight vont ensuite projeter Superman vers une déviation inattendue...


C'est avec un copieux sommaire de sept épisodes que ce tome 2 de Superman de Joshua Williamson se présente après la relance de la série. Le scénariste passe à la vitesse supérieure en augmentant les enjeux, en mettant en scène des adversaires encore plus puissants, en nous éclairant sur les manigances de Mr. Graft et du Dr. Pharm... Bref, il y a de quoi lire !


L'ensemble est à la fois très dense et assez fluide. "Assez" seulement ? Oui, parce que Williamson doit composer avec deux éléments qu'il ne maîtrise pas : tout d'abord, l'épisode 7 de son run coïncide avec le 850ème du titre tous volumes confondus (je n'ai pas vérifié si c'était vrai, mais on va faire avec), ce qui implique donc un chapitre plus long ; et ensuite avec le fait que plusieurs dessinateurs se succèdent.


On a donc en vérité trois parties qui s'enchaînent, mais à cause du changement d'artistes, le lecteur éprouvera (ou non, c'est selon votre degré d'adaptation) le sentiment que tout n'est pas aussi cohérent que dans les cinq premiers numéros. Ensuite, pour le #7/#850, Williamson compose là encore avec des guests et en profite pour préparer le terrain pour la suite (à partir du #13 donc - vous suivez ?).


Donc, si on résume : on a d'abord l'arc qui donne son titre à ce tome, The Chained (L'Enchaîné) ; puis deux épisodes situés dans le passé ; et enfin la conclusion de la première année du run de Williamson. Pris indépendamment les uns des autres, ces trois actes sont excellents, même si la fin est peut-être un peu trop peuplée et expéditive. Pris dans l'ensemble, cela manque de liant.

Gleb Melnikov, un jeune artiste que DC emploie surtout pour des covers, illustre les épisodes 6 à 8, même si sur le 7 il est aidé par Dan Jurgens et Edwin Galmon puis sur le 8 par David Baldeon et Jamal Campbell (qui signe également toutes les couvertures). Melnikov a un style qui évoque un mélange étonnant entre Jim Lee (avec l'utilisation de hachures notamment, et un trait parfois anguleux) et Ed McGuinness (pour les proportions exagérées).

Ce qu'il produit tranche complétement avec ce qu'a fait Jamal Campbell précédemment et cela peut dérouter. Cependant, ce n'est pas désagréable même si ça manque de maturité. Melnikov a de l'énergie à revendre, notamment dans l'action, mais comme beaucoup de jeunes dessinateurs, il éprouve des difficultés manifestes à doser ses efforts, ce qui l'empêche de compléter son dernier épisode.

Ensuite, Bruno Redondo vient jouer les fill-in de luxe pour deux épisodes. Quand il réalise cette prestation, il est encore l'artiste de la série Nightwing (écrite par Tom Taylor), mais il est suppléé par Stephen Byrne et vient donc jouer dans un autre bac à sable. Il est accompagné par son fidèle coloriste Adriano Lucas, à la palette si reconnaissable (des tons très vifs).

Là, on voit la différence immédiatement avec Melnikov : en termes de découpage, Redondo fait preuve de beaucoup d'inventivité, ses personnages ont une allure folle (on retrouve Marilyn Moonlight), et les décors sont soignés. J'espère quand même qu'on le retrouvera sur une série régulière bientôt au lieu de lui faire jouer les intérimaires (et justement, pourquoi pas un arc entier de Superman ?).

Enfin, David Baldeon ferme le banc. Après ses quelques planches sur le #7, il a droit à deux épisodes entiers pour prouver qu'il a sa place ici. Personnellement, son style me fait un peu tiquer : il frôle la caricature souvent, avec un trait tout en courbes, hyper expressif, mais au découpage moyen. Il assume aussi son encrage et cela appuie ces effets.

Néanmoins, il s'est beaucoup amélioré depuis que je l'avais découvert sur la série Nova, et DC semble vouloir miser sur lui puisqu'il est désormais l'artiste régulier de la série Power Girl (écrite par Leah Williams). Disons donc qu'il s'en sort avec les honneurs.

Il est délicat de parler de ces épisodes sans trop les déflorer, passé la première menace de l'Enchaîné. Mais ce qui est certain, c'est que Joshua Williamson entraîne Superman dans des directions inattendues et très stimulantes, à la fois pour le personnage, challengé comme rarement, et le lecteur, franchement dépaysé.

Je vais répéter ce que j'écrivais pour le tome 1 : Williamson présente un énorme avantage, c'est qu'il n'est pas intimidé par Superman. Il l'écrit, le développe comme un héros presque comme les autres. Il ne le fétichise pas et c'est très rafraîchissant et tonique. Pour cela, il s'appuie encore et toujours sur cette situation qu'il a établi, où il doit collaborer avec Luthor.

Et cette dynamique narrative apporte une vivacité, une singularité à la série qui déringardise Superman, et rejaillit sur les seconds rôles. Malmené, Superman est-il vraiment en mesure de battre ceux qui se dressent sur son chemin ? Luthor est-il digne de confiance ? Et ce n'est pas tout !

Car, par exemple, on découvre que Perry White, qui s'est mis en congé du Daily Planet, candidate pour devenir maire de Metropolis... Mais, comme on l'a appris dans l'Annual 2023, on sait aussi qu'il a scellé un pacte avec Luthor - même si on en ignore la nature. Lois Lane et Mercy Graves occupent aussi une place stratégique dans le déroulement de l'intrigue, la première a droit à une scène très touchante, la seconde jurant qu'elle est entièrement au service de Superman.

Et puis, ces épisodes voient le retour de Lena Luthor, la fille de Lex, qui a subi des expériences de la part d'un vieil ennemi de Superman. Sa place devient essentielle dans le plan de Williamson, notamment parce qu'elle revient avec Leticia Luthor, sa grand-mère, qui, elle aussi, a un rôle très inattendue dans l'histoire.

Williamson est un auteur pressé, il écrit comme si son temps sur la série était compté (alors qu'elle se vend très bien et qu'il n'est pas menacé). Cette espèce d'urgence entraîne le lecteur dans un tourbillon, parfois un peu précipité ici, mais sacrément revigorant. Surtout, on devine que le scénariste a une tonne d'idées, qu'il voit loin, tout en sachant ménager le suspense, les surprises.

Pour toutes ces raisons, malgré un manque de cohérence graphique, ce volume 2 confirme tout le bien que je pense de Superman en ce moment. Alors que Marvel patauge depuis un moment avec Spider-Man et qu'on croyait DC favorisant Batman, c'est un régal de constater que le kryptonien est aussi en forme et entre de bonnes mains. A suivre...

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