jeudi 13 février 2025

WELCOME TO THE MAYNARD #3 (of 4) (James Robinson / J. Bone)


Pip se rend à son travail à l'hôtel Maynard et, dans le hall, deux mages en viennent aux mains pour un différend stupide, auquel Margot, la directrice, met rapidement fin. Le personnel s'affaire ensuite aux préparatifs de la soirée au cours de laquelle des récompenses vont être remises à des magiciens. La voleuse surgit pour s'emparer d'une broche...


Avant-hier, je me suis fâché tout rouge contre la nullité des scénarios de Alyssa Wong et Ashley Allen pour leurs épisodes de Psylocke et Magik sortis cette semaine. Je ne m'en suis pas prise à elles parce qu'elles sont des femmes, mais parce qu'elles sont de mauvais auteurs, incapables même d'avoir des idées différentes pour leurs histoires, et également dans la caractérisation de leurs héroïnes.


Après avoir lu le pénultième épisode (déjà !) de Welcome to the Maynard, j'aurai envie d'une chose : que tous les scénaristes (hommes comme femmes) le lisent pour apprendre comment écrire bien une héroïne  en développant une intrigue. Parce que, sous son allure modeste, la série de James Robinson et J. Bone, c'est quand même un peu une masterclass.
 

Je vais même pousser un peu plus loin le bouchon : j'ai souvent critiqué Marvel pour ses mini-séries, très anecdotiques, comme produites pour inonder un peu plus le marché (des fois que l'éditeur ne publierait pas assez de comics), tandis que DC met au contraire le paquet (via des labels dédiés comme le Black Label, Elseworlds, Vertigo), pour valoriser des séries limitées.


Bon, hé bien, Welcome to the Maynard, c'est quatre épisodes. Peut-être qu'on aura droit à une suite (tout dépendra de l'issue de cette histoire, du succès commercial, de la volonté des auteurs... Mais moi, j'adorerai une suite). Mais, en attendant, quatre épisodes, c'est très peu, et ça exige du scénariste de la concision et de la densité.

Robinson est un auteur avec beaucoup d'expérience, qui a signé des chefs d'oeuvre et eu son comptant de bides (artistiques et commerciaux). En tout cas, il connaît son métier et le milieu, et Welcome to the Maynard, c'est son grand retour, mais en douceur. Sauf que, malgré la modestie de la démarche, c'est la preuve qu'il n'a pas perdu la main.

En trois épisodes, il a réussi, plus que brillamment, à établir un univers, à installer un cadre, à donner de la chair à des personnages, à développer une intrigue. Qui dit mieux ? Ah, et c'est aussi très frais, faussement léger, palpitant, très beau, sensible. Essayez de faire aussi bien en aussi peu de temps, avec aussi peu de place.

Dans ce numéro, l'intrigue en question connaît une avancée décisive puisque Sam Flynn, le détective du Maynard, opère quelques déductions qui non seulement expliquent ce qui relie tous les objets volets dans l'hôtel et qui jusque-là semblaient assez quelconques, mais en prime désigne au moins un suspect solide, avec un mobile (celui-là même qu'on nous suggérait dans le précédent n°).

Evidemment, c'est trop simple, trop évident pour que le coupable cité soit le bon et nul doute que l'ultime épisode nous réservera une surprise et un dénouement à la hauteur. Mais voilà, on en est là pas au bout de cinq-six épisodes, seulement trois. Densité ! Mais pas saturation. Les infos ont été distillées savamment, on a cherché avec les héros, on a soupçonné untel, en évoluant dans un décor spécial...

... Et le mieux, c'est que Robinson a trouvé de la place pour creuser ses personnages en dehors de l'intrigue principale : Pip est lesbienne et en couple avec Ronnie mais la barmaid du Maynard est sous le charme de l'héroïne et va semer la zizanie. Margot, la directrice de l'hôtel, est aussi un cas : privée de sa magie, elle dirige un établissement dont la clientèle est exclusivement surnaturelle.

La fluidité de la narration de Robinson a quelque chose de magistral, et d'autant plus qu'elle est soutenue par celle, graphique, de J. Bone. Son dessin, qu'on qualifiera rapidement de naïf et cartoon, est en vérité d'une élégance folle. Elle prend le lecteur par la main et l'entraîne dans ce monde étrange et merveilleux où, pourtant, tout est perturbé.

J. Bone est un émule de Darwyn Cooke (comme Dave Bullock ou Michael Cho) : le réalisme ne l'intéresse pas. Ce qui compte dans ce genre de dessin est ce qui devrait compter dans tous les genres de dessin : la justesse. Et c'est particulièrement vérifiable dans la manière dont Bone réussit à traduire les émotions qui traversent les personnages.

Ainsi, quand on apprend en voix off que Pip et Ronnie se sont disputées à cause de Raylene, Robinson fait l'impasse sur la scène elle-même, il ne fait que l'évoquer. Du coup, à charge pour Bone de montrer les conséquences de cette dispute sur Pip, sans s'appuyer sur un dialogue ou des effusions : à la place, on a une simple page où Pip est dans le tramway en route pour l'hôtel, la mine triste.

Et c'est superbement émouvant, très simple, très sobre, d'une beauté imparable. Il faut un talent énorme pour communiquer ça. A côté, Bone réussit aussi en une page une pure scène d'action quand la voleuse dérobe la broche d'Hamilia Cape et que Pip manque de peu de l'arrêter. Quatre bandes, quatre cases, c'est tout, mais c'est dynamique et suffisant.

Welcome to the Maynard, c'est l'école de la justesse : en lisant cette bande dessinée, on apprend non seulement à savourer une bonne histoire, joliment dessinée, mais surtout oserai-je dire qu'on apprend à la lire. En se débarrassant de tout le superflu, mais sans sacrifier l'essentiel, et sans oublier de remplir les espaces tout en laissant l'ensemble respirer, Robinson et Bone nous donne une leçon. Pas péremptoirement, mais avec une classe folle.

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