samedi 22 février 2025

THE NEW GODS #3 (of 12) (Ram V / Evan Cagle, Riccardo Federici)


La guerre fait rage sur Apokolips et Karok Ator décime les armées de la planète sans roi. Metron observe cette débâcle aux côtés du Chroniqueur qui lui rappelle l'histoire de trois dieux du 2ème Monde : Abor Struta, Nyctar et Parzurem. Mister Miracle et Big Barda reçoivent l'aide d'Oberon pour retrouver le néo-dieu...


Bon, c'était prévisible mais Evan Cagle ne signe que quelques planches dans cet épisode (six pour être exact). Alors évidemment, c'est un peu décevant, mais en même temps, on imaginait mal qu'il ferait les douze numéros avec un style aussi détaillé que le sien et si vous n'êtes pas convaincu, il suffit d'admirer la double page d'ouverture sur la bataille pour le trône d'Apokolips.


C'est aussi une bonne occasion de rappeler ce qu'est un dessinateur de comics : sans être un ouvrier à la chaîne comme dans les mangas (où tout est produit par un studio avec un artiste et une armée d'assistants) ou un bonhomme capable d'assumer des pages au km comme dans les fumetti, c'est un job qui exige d'abattre sa vingtaine de pages par mois.


Et, non seulement ça, mais en plus, aujourd'hui, ce n'est pas comme il y a soixante ans : les exigences du lectorat ont complétement changé. Avec l'émergence et l'omniprésence d'artistes au style réaliste (voire photoréaliste), le fan s'est habitué à une certaine norme et donc les éditeurs cherchent de plus en plus à coller à un certain standard graphique, qui explique que peu tiennent les délais.


La solution la plus pratique et la plus courante est désormais d'avoir deux dessinateurs sur une série, qui alternent les numéros ou les arcs, afin de respecter le timing imposé par les éditeurs et contenter le fan accoutumé à une certaine qualité. Bien entendu, ça ne signifie pas qu'il n'y a plus de place pour d'autres formes de dessin, mais c'est tout de même devenu la règle.

C'est particulièrement intéressant d'analyser cela avec un titre comme The New Gods attaché (puisque créé) par Jack Kirby, qui était un stakhanoviste  du dessin, capable de produire jusqu'à quatre mensuels (donc 80 pages) simultanément. Mais Kirby ne faisait "que" dessiner : il ne s'encrait pas et était réputé d'ailleurs pour se ficher de ce que devenait ensuite ses planches dans les mains des encreurs (malgré sa fidélité à des spécialistes comme Joe Sinnott).

En somme, aujourd'hui, on assiste avec The New Gods à un résumé parfait de ce qu'est le dessin d'un comic-book avec un artiste qui ne travaille pas du tout comme Kirby, n'a pas du tout le même style, mais est confronté aux contraintes d'un mensuel. Contraintes qu'il ne peut que contourner en se faisant aider par un confrère.

Récemment, dans sa newsletter, Greg Smallwood expliquait pourquoi son nouveau projet (Batman the Barbarian) tardait à venir : il a expérimenté lors de ses recherches graphiques, au point où il a perdu de vue ce qu'il cherchait vraiment. Pour se recentrer, il a collaboré au dessin animé Batman Caped Crusader, a signé des covers, des commissions, puis a renoué avec l'art séquentiel, animé par la volonté de terminer son Batman the Barbarian.

Smallwood pointe que pour un Chris Samnee qui peut livrer ses épisodes avec une ponctualité infaillible, la majorité de ses pairs bataille avec les délais, les envies d'expérimenter, les ambitions de scénariste... Heureusement, il peut compter sur un éditeur patient et qui le soutient. Mais ça en dit long sur ce qu'est le métier de dessinateur de comics.

Pour en revenir à cet épisode de The New Gods, les seize autres pages sont réalisées par Riccardo Federici. Sur le principe, c'est dans la droite ligne de la série qui accueille un invité chaque mois. Mais c'est aussi assez ironique puisque Federici est aussi lent, sinon plus que la moyenne et pour le coup, son style est hyper réaliste.

Il dessine à l'ancienne, au crayon, sans encrage, avec les couleurs appliquées ensuite par celui qui s'en occupe, Francesco Segala. Federici est l'archétype du dessinateur classique, qui a étudié dans une école des Beaux-Arts, avec une technique académique très solide. Après, ça peut ne pas plaire parce que narrativement, c'est ce qu'on demande quand même pour une BD, c'est totalement plat.

Pas de découpage à proprement parler, de travail sur les enchaînements : ça tient plus de l'illustration en vérité. C'est costaud, mais est-ce de l'art séquentiel ? Je n'en suis pas sûr. Les six pages de Cagle en comparaison ont une énergie, une puissance absentes de celles de Federici, malgré quelques beaux passages.

Et l'histoire alors ? Ram V semble avoir pensé au fait que Cagle serait en service minimum et son script est donc davantage tourné vers l'explication, l'exposition, que vers l'action. A la manière d'un conte, il nous sert un flashback sur trois anciens dieux, dont l'un (Nyctar) a corrompu l'autre (Arbor Struta) tandis que le troisième (Parzurem) a été emprisonné pour avoir refusé de fournir des armes.

Mais Parzurem, dans son cachot, a réussi à partager son esprit et à en expédier une moitié dans l'espace pour arriver sur notre Terre où il s'est incarné à travers les siècles en différents personnages, guidant l'humanité. Craignant que Nyctar ne le découvre et ne conquiert notre monde, il est revenu sur sa promesse en créant une arme bien spéciale : un nouveau dieu !

Si vous reliez ça à la quête de Mister Miracle et Big Barda, vous devinez facilement que ce néo-dieu est celui qui est également la cible d'Orion. Je spoile, mais, honnêtement, ce n'est pas préjudiciable : l'intérêt est moins de savoir ça que de découvrir la suite de l'aventure.

Le résultat n'est pas déplaisant et on sait gré à Ram V d'éclaircir notre lanterne si vite sur les origines du néo-dieu, dont on ignore toujours toutefois s'il incarne la chute prochaine du Quatrième Monde ou s'il représente son salut, surtout avec ce que Karok Ator accomplit sur Apokolips et ce qu'il ambitionne pour New Genesis...

On espère quand même que le mois prochain, Cagle sera à nouveau à la manoeuvre et que l'action va progresser significativement (comme le suggère la dernière page). Mais je suis confiant car The New Gods a tout pour continuer à nous impressionner.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire