Dick privé de patrouille après avoir failli se faire renvoyer de l'école, Bruce participe à une soirée chez un ami et se rend compte qu'un usurpateur a pris la place de ce dernier. Certainement le même homme qui, au service du général Grimaldi, sème la confusion parmi les gangs rivaux de Gotham City... Cependant Robin fait des siennes et va le regretter...
Commençons par la (petite) mauvaise nouvelle : Batman and Robin : Year One fera un bref break en Avril pour revenir en Mai, le temps pour Chris Samnee de souffler. Le bonhomme ne se contente pas en effet de dessiner cette série, il signe plusieurs variant covers pour arrondir ses fins de mois. Mais bon, l'excuse car il est exceptionnel.
Et je pèse mes mots parce que ce cinquième épisode est une nouvelle démonstration de son talent de narrateur. Hier, en vous parlant de The New Gods #3 et des pages de Riccardo Federici, je pointais du doigt le fait que ces planches relevaient plus de l'illustration que de l'art séquentiel, dans un récit il est vrai qui était plus dans l'exposition que l'action.
Stuart Immonen ne sortant pas de sa retraite, Valerio Schiti ne revenant aux affaires sérieuses qu'en Juillet prochain (avec Captain America, écrit par Chip Zdarsky - enfin une bonne nouvelle en provenance de Marvel !), il faut plus que jamais compter sur Samnee pour nous rappeler ce qu'est la vraie bonne bande dessinée et un vrai storyteller.
Car, bon, sans être désobligeant avec ses pairs, Samnee se distingue par sa science du récit dessiné : il sait faire vivre une histoire par l'image et on le voit dans les scènes d'action, qui sont le passage obligé pour savoir à qui on a affaire. Cet épisode lui donne l'occasion de nous enseigner de quoi il retourne et c'est juste un régal.
La complicité d'un artiste avec un scénariste repose essentiellement sur ce que ce dernier juge inutile de mettre en mots parce que l'image va suffisamment parler par elle-même. Bien entendu, il faut une bonne histoire et Mark Waid sait faire, mais surtout Waid a compris que comme ses meilleurs partenaires par le passé, Samnee savait tirer un script vers le haut.
Comment s'en assure-t-on ? C'est simple : si vous lisez de la vo en particulier et que quelques passages peuvent échapper, faute de maîtriser suffisamment l'anglais, mais que vous saisissez l'essence des scènes, le propos du récit, sans s'appuyer sur le texte, alors c'est que le dessin fait son travail en vous prenant par la main et vous rendre lisible votre BD.
Les exemples sont pléthore : en quelques traits, avec un découpage qui est toujours imparablement fluide, par le jeu des "acteurs" de l'histoire, la composition des plans, la justesse de la valeur de ces plans, Samnee vous raconte ce que vous devez savoir. Le texte qui s'y ajoute n'est "que" là pour orner ce dessin magnifiquement narratif.
Dans le cas présent, l'épisode sépare Batman de Robin puisque Dick Grayson a failli se faire renvoyer de l'école où Bruce Wayne l'a inscrit. Puni en conséquence, il est privé de patrouille. Mais évidemment il ne s'y résout pas et fait le mur. A ses dépens...
Ces scènes avec Robin sont à la fois drôles et captivantes et une fois encore Waid saisit à la perfection la personnalité du garçon, intrépide, incorrigible. Pendant ce temps, Bruce Wayne fait une découverte lors d'une soirée chic à laquelle il participe chez un ami puis Bruce Wayne mène l'enquête, qui confirme ses soupçons et doit affronter Gueule d'argile (ce n'est pas un spoiler : la couverture le révèle).
Qu'il s'agisse des moues d'abord vexées puis de la mine espiègle de Robin ou de la façade impassible puis déterminée de Batman, Samnee appuie juste ce qu'il faut sur les expressions pour qu'on capte ce qui se joue chez les deux personnages et ce qui les anime. Mais en prime, Waid lâche la bride à son artiste, conscient qu'en rajouter par le texte ne ferait que gâcher leur puissance narrative.
A ce stade de la série, on peut faire une croix sur l'originalité de l'intrigue, au moins provisoirement : pour le moment, avant peut-être le second acte, tout repose sur la caractérisation, et le lecteur s'attache au plaisir de voir le dynamic duo à ses débuts. On peut déplorer que Waid prenne son temps pour camper son propos mais ça fonctionne parce qu'il réussit à nous montrer Batman et Robin avec une épatante fraîcheur.
A fond, Waid renoue avec Samnee sur ce qu'il a accompli avec Mike Wieringo : faire aimer des personnages dont on croit tout savoir en les plaçant dans une perspective inattendue. Batman, Robin, les Fantastic Four, ont en commun d'être des héros établis, dont on a fait le tour (et pas qu'une fois). Mais le talent, le génie même, c'est de nous les rendre à nouveau comme neuf.
Par la grâce d'une écriture aérienne et de dessins remarquables, bref d'une narration virtuose mais jamais prétentieuse, on obtient la quintessence d'une BD : un divertissement élégant, un récit palpitant, et une masterclass de réalisation.
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