mercredi 11 juin 2025

MAD MAX : FURY ROAD (George Miller, 2015)


Max Rockantsky est capturé par les War Boys de Immortan Joe et emmené à la Citadelle où on découvre qu'il est donneur universel. Son sang sert donc à soigner Nux, un des War Boy. Immortan Joe envoie son Imperator Furiosa à Pétroville pour se ravitailler en carburant contre de l'eau et des denrées, avec une solide escorte.


Mais, en route, Furiosa change subitment d'itinéraire et sème les uns après les autres les War Boys qui l'accompagnent. Elle veut gagner la Terre Verte où elle est née pour y protéger les cinq favorites de Immortan Joe. Ce dernier s'aperçoit de la trahison de son Imperator et se lance avec son armée à sa poursuite. Nux en fait partie, qui attache Max sur le capot de sa voiture en continuant à être perfusé.


A la faveur d'une tempête de sable, Furiosa engage son camion dans un canyon où elle a préalablement négocié un droit de passage avec un gang de bikers contre le carburant qu'elle transporte. Max, lui, en profite pour s'évader et il se joint à la bande de filles pour, lui aussi, s'éloigner d'Immortan Joe. Un voyage très mouvementé commence...


(Re)voir Fury Road après Furiosa instruit le spectateur sur les raisons possibles de l'échec commercial du dernier film en date de George Miller. Quand le cinéaste australien ranime sa saga Mad Max en 2015, il se débat avec ce projet depuis le début des années 2000 et à l'époque il envisage même de tourner deux longs métrages d'affilée en renouant avec Mel Gibson.


Mais le projet tombe à l'eau : trop cher. Puis Gibson n'est pas très enthousiaste et sombre définitivement dans une succession de scandales. Miller songe alors à faire de son quatrième Mad Max un film d'animation, fort du succès de Happy Feet, mais renonce en comprenant que cette production serait impossible à distribuer convenablement.


Quand il revient à la charge, en 2013, Miller a revu sa copie avec le scénariste Nico Lathouris et le bédéaste Brendan McCarthy (qui officiera aussi en qualité de storyboarder). Exit Gibson, mais aussi les prises de vue en Australie car des pluies torrentielles ont transformé le bush en espace végétal incompatible avec les paysages désolés de la saga. Direction : le désert namibien.


Au terme d'un long casting (qui verra défiler en audition Armie Hammer, Paul Walker, Heath Ledger - une belle brochette d'acteurs maudits, à la carrière brisée), et de repérages polémiques (des écolos reprocheront au réalisateur de dévaster le décor naturel avant que les autorités locales ne donnent leur feu vert), Mad Max : Fury Road peut enfin voir le jour.

On saura lors de la sortie de Furiosa que Miller voulait d'abord tourner l'histoire de la jeunesse de son héroïne et enchaîner avec celle de Fury Road, mais il s'était ravisé, car il n'était pas convaincu par les effets spéciaux permettant de rajeunir numériquement un acteur. Cette décision va en fait impacter toute sa vision et le pousser à exclure le maximum de trucages numériques.

L'autre choix crucial que fait Miller, c'est de couper au maximum les dialogues, il montera même une version muette du film en noir et blanc (qui ne sera finalement disponible qu'en DVD/Blu Ray). Enfin, il donne comme consigne à son chef opérateur John Seale, qu'il convainc de sortir de sa retraite, de toujours cadrer le coeur de l'action au centre de l'image de façon à ce que le spectateur sache toujours où le plus important se trouve.

Tous les véhicules sont construits "en dur", et sont fonctionnels. Les cascadeurs sont le plus souvent des acrobates, dont certains viennent du Cirque du Soleil, et les acteurs principaux sont sollicités pour ne pas être doublés quand c'est possible. Même le guitariste qui est dans la horde de Immortan Joe joue en live sur un véritable instrument capable de lancer des flammes !

Le récit est basique : Miller voulait en faire le film de poursuite définitif et prouver par-là même à quel point Hollywood se fourvoyait avec les CGI, les fonds verts, mais aussi cette manière de désamorcer les situations les plus dramatiques par des plaisanteries au goût discutable. Le film fonce à toute allure en ligne droite, puis revient sur ses pas, toujours pied au plancher. Rien de plus. Rien de moins surtout.

Mais, allez-vous dire, où est l'intrigue ? Où est l'émotion ? Elles ne sont pas supplantées par ce déferlement de sensations fortes mais ici, tout est primal, basique, réduit à l'essentiel. Le film vise une sorte d'épure en vérité. Les personnages n'ont pas le temps de dialoguer sur le sens de leurs actions, ils agissent, réagissent, survivent.

Un regard, une mimique, un grognement, en disent plus long que tous les discours. Quand Miller s'autorise un peu de légèreté, il le fait encore en jouant sur l'aspect technique de son filmage, en accélérant le débit de l'image, comme dans une comédie slapstick du muet ou en soulignant l'énormité grotesque de certains personnages.

Et puis Fury Road acte aussi ce qu'il veut évoquer : Mad Max Rockantasky n'est plus le personnage principal, ici c'est Furiosa et les cinq favorites. Le film est féministe, Eve Ensler (l'auteur des Monologues du Vagin) a été consultante sur le script, car il met en avant des femmes puissantes, qui refusent d'être les esclaves des hommes, tout en appréciant l'aide que peut leur apporter Max ou Nux (un War Boy qui se repent au fil de l'histoire).

Furiosa s'impose comme une protagoniste fascinante, certainement un des plus beaux rôles féminins et le plus fort qu'on ait vu dans un film d'action (depuis, allez, Alien - d'ailleurs, au départ du projet, Miller avait pensé à Sigourney Weaver pour l'incarner). Handicapée, prête à l'ultime sacrifice, elle n'est pas une caricature de gonzesse masculinisée, mais bien une guerrière, une survivante voulant offrir à ses protégées une meilleure vie, la liberté.

Tous les personnages principaux de Fury Road visent un objectif, un dernier périple : pour Nux le Valhalla dont Immortan Joe lui a promis qu'il en reviendrait glorieux, pour Max la rédemption pour les vies qu'il n'a pu sauver, pour Furiosa la Terre Verte où elle est née, pour les favorites l'avenir et l'indépendance, pour Immortan Joe la récupération de Splendide, enceinte de son héritier.

Evidemment, la dimension spectaculaire du film est ébouriffante, à tel point qu'à chaque scène démente on croit avoir vu le plus fort et il suffit d'attendre quelques minutes pour que Miller se surpasse. Mais ce n'est pas de la surenchère : c'est la démonstration par un cinéaste au sommet de son art que le spectateur est (ou sera) lassé (bientôt) de l'artificialité des films d'action et qu'il faut revenir à quelque chose de brut, de viscéral, de vibrant.

Après tous les rebondissements de la pré-production, le casting tel qu'on le découvre là était attendu au tournant. Si Tom Hardy a harassé toute l'équipe en se plaignant du cagnard, son Mad Max taiseux fait le job. Courtney Eaton, Rose Huntington-Whiteley, Zoë Kravitz, Riley Keough et Abby Lee Kershaw sont formidables dans le rôle de favorites qui ne sont pas là que pour faire joli. Nicholas Hoult peut composer un War Boy qui progresse tout du long.

Mais surtout c'est bien Charlize Theron qui met tout le monde d'accord : la comédienne sud-africaine investit le rôle avec une intensité et une sobriété impressionnante, éclipsant sans forcer Hardy. Elle vole chaque scène et transfère au film ce magnétisme affolant qui l'empêche de sombrer dans le wtf. C'est grâce à elle que Furiosa entre dans le panthéon des grandes héroïnes.

Ni suite ni reboot de la trilogie avec Gibson, Mad Max : Fury Road est une réinvention de l'univers post-apocalyptique de George Miller. C'est un chef d'oeuvre, une forme de cinéma total, qui emporte tout sur son passage, avec une intelligence et une maîtrise à couper le souffle.

1 commentaire:

  1. Vraiment, un GRAND GRAND merci d'avoir repris le flambeau des critiques cinéma… et particulièrement pour ces deux dernières de Fury-Furiosa qui mer redonnent encore envie de les revoir.

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