jeudi 30 mai 2024

ULTIMATE SPIDER-MAN #5 (Jonathan Hickman / David Messina)


"Suis-je un garçon... Ou homme ? Suis-je un héros... Ou quelque chose d'autre ?" : c'est ce que se demande Harry Osborn au terme d'un récit qui revient sur les origines du Bouffon Vert...


Et si le vrai personnage principal de Ultimate Spider-Man version 2024 était Harry Osborn, le Bouffon Vert ? C'est une théorie qui peut surprendre mais qui ressemblerait bien à Jonathan Hickman. Souvenons-nous de ce qu'il avait dit lorsqu'il avait rebâti les X-Men...


"J'ai appris que certains d'entre vous n'appréciez pas ma façon d'écrire les X-Men. A vous, je veux dire ceci : chaque mois, je vais écrire cette série en faisant tout pour qu'on me vire. Mais ça n'arrivera pas..." Hé bien, j'ai comme l'impression que le scénariste est en train de refaire le même coup.


Je m'explique : je ne lis pas de critiques avant de lire un comic-book (ou d'aller voir un film ou d'écouter un disque). C'est ma règle et j'y tiens, comme disait Brassens. En revanche, après, je suis parfois curieux de voir comment mes contemporains, qui s'essaient à l'analyse critique, comme moi avec ce blog, parlent de leur lecture.


Ce que j'ai retiré de l'avis des autres à propos d'Ultimate Spider-Man version Hickman, c'est généralement que son Peter Parker semblait s'engager à reculons dans sa nouvelle vie de super-héros tout en sachant qu'il avait accepté le "cadeau" de Tony Stark parce qu'il avait toujours senti qu'il manquait quelque chose dans sa vie, comme si on l'avait empêché d'être celui qu'il était destiné à devenir.

Cette remarque (ou ce reproche, c'est selon) n'est pas faux : Peter Parker ici est hésitant, il paraît dépassé par ce qu'il a accepté, il avance avec le frein à main. Et d'ailleurs n'est-ce pas d'abord pour cela qu'il n'a guère brillé jusqu'à présent dans le feu de l'action ? En revanche, sa rencontre avec Norman Osborn l'a bousculé : d'abord parce que ce dernier l'a aussitôt démasqué et ensuite parce qu'il l'a interrogé sur ce qu'il comptait faire avec les pouvoirs qu'il a acquis.

Ce cinquième épisode, qui est aussi le pénultième de ce premier arc de la série, va dévoiler les origines de Harry Osborn, comment il est devenu le Bouffon Vert, ce qui l'anime, le motive, ses méthodes d'action. Et c'est là qu'on voit la déviation opérée en profondeur par Hickman, c'est-à-dire faire de ce personnage peut-être le véritable héros, ou du moins le moteur de la série.

Tout démarre par l'attentat commis par les maîtres du monde, le Conseil du Créateur, mais imputé à Tony Stark/Iron Lad. Dans cette tragédie, Harry a perdu son père, Norman, et sa mère, Emily. Peu après, il apprend par l'avocat de son père (ici représenté avec les traits de John Romita Sr., ce qui a tout d'une adresse à celui que Hickman considère comme le père graphique de Spider-Man - et c'est assez amusant quand on se souvient du portrait décalé de Steve Ditko par Tom King et Jorge Fornes dans Rorschach) qu'il hérite de tout son empire avec sa propre épouse, Gwen Stacy. 

Peu après, Harry rencontre Wilson Fisk qui, ne voulant pas être associé au nom de Stark (le terroriste qui a tué des innocents à New York), lègue la compagnie de ce dernier au fils Osborn. Et, une fois dans la place, Harry, Gwen et un ingénieur du nom d'Otto Octavius découvrent les armures d'Iron Man et des fichiers stupéfiants sur le Conseil du Créateur...

La façon dont Hickman s'y prend est tout à fait sidérante : d'une part, il consacre un épisode entier à cette origin story, comme ça à la presque fin de l'arc ; ensuite il réussit à injecter dans le récit des éléments déterminants de façon très concise et percutante (les révélations sur Howard Stark, les secrets du Conseil du Créateur) ; et enfin il rédige un dialogue vif entre Harry et Peter sur ce qu'ils pourraient (devraient !) faire ensemble. Avant une ultime scène glaçante sur les moyens que se donne Harry pour obtenir des infos supplémentaires...

Je vais vous dire : quand j'ai commencé cette lecture, j'étais un peu échaudé parce que Marco Checchetto ne fait que dessiner la couverture, laissant encore une fois David Messina se charger des pages intérieures. Mais Messina se montre beaucoup plus en forme que le mois dernier, assumant un numéro avec des scènes et un découpage plus variés, plus exigeants : son style est différent de celui de Checchetto mais, définitivement, si c'est lui qui doit continuer à le suppléer, je dis "banco".

J'étais aussi perplexe parce que, en tournant les pages, ne voyant pas Peter, je m'interrogeai sur le procédé de Hickman, sa capacité à rendre Harry intéressant, et surtout à faire avancer l'intrigue. Et puis, paf ! il m'a eu, encore une fois. C'est passionnant, c'est efficace, ça progresse drôlement, et donc ça fonctionne, carrément. C'est inattendu, déroutant, mais à la fin de l'épisode, vraiment, rien n'est plus pareil et je suis motivé comme jamais pour lire la suite.

Il est quand même très fort, Hickman. Le reste des publications Ultimate ne m'attire pas du tout (même si je vais peut-être donner sa chance à The Ultimates). Mais Ultimate Spider-Man, c'est un carton plein : c'est intelligent, malin, original, captivant, et bien dessiné, ce qui ne gâche rien. Je n'ai pas l'impression que Hickman ait autant de contrôle sur tout cet univers qu'il en avait sur celui des X-Men (où il était toujours crédité comme "Head of X"), et c'est sans doute dommage (même si c'est certainement aussi un choix de sa part de se cantonner à une série, après avoir redémarré la machine). Mais ce qu'il fait avec ce titre, c'est parfait.

De quoi regretter que Panini ne traduise pas ça comme à l'époque du premier univers Ultimate, avec des revues dédiées à chaque série (à la place, les vf-istes auront droit à une revue anthologique), parce que s'il y a bien un titre immanquable, c'est celui-ci (alors que Ultimate Black Panther est jugé moyen, et Ultimate X-Men complètement hors sujet). Mon conseil donc : procurez-vous le trade peperback (en Septembre prochain), ça vous coûtera moins cher que la revue vf et vous n'aurez pas besoin de vous taper le reste de la gamme.

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