vendredi 10 mai 2024

OLD BOY (Spike Lee, 2013)


1993. Mari Infidèle, père absent, publiciste alcoolique, Joe Doucette croise, ivre mort, une femme avec un parapluie jaune un soir après un dîner d'affaires qui a mal tourné. A son réveil, il se trouve enfermé dans une chambre d'hôtel sans fenêtre ni poignée à la porte. Ses ravisseurs invisibles lui fournissent de la nourriture, de l'alcool et des articles d'hygiène mais sans aucune explication sur sa captivité.


La télé dans sa chambre l'informe du viol et du meurtre de sa femme pour lequel il est le principal suspect. Sa fille, Mia, a été placée dans une famille d'adoption. Durant les 20 années suivantes, Joe reste ainsi détenu. D'abord désespéré, il se laisse aller puis se ressaisit avec l'intention de s'évader et de se venger. Il dresse une liste d'individus capables de lui faire endurer ce calvaire et rédige des lettres qu'il remettra à sa fille pour lui expliquer son absence.


Drogué, il reprend connaissance dans une malle au milieu d'un champ. Dans ses poches, il trouve de l'argent et un téléphone portable puis remarque la femme au parapluie jaune. Il la poursuit mais elle le sème en donnant son parapluie à un homme dans la file d'attente d'une camionnette où un médecin et une infirmière dispensent des soins gratuits aux nécessiteux. L'infirmière, Marie Sebastian, lui donne sa carte en cas de besoin.


Joe se rend ensuite chez son ami Chucky, qui tient un bar et lui raconte son histoire. Il l'aide à localiser les individus sur sa liste et à en rayer ceux qui sont décédés lorsqu'il reçoit un appel anonyme d'un homme qui déclare être celui qui l'a fait enfermer et qui le défie de le retrouver. Joe fait un malaise. Marie vient le perfuser et lui propose son aide après avoir lu quelques-unes des lettres adressées à Mia. Ni Joe ni Marie ne savent dans quel engrenage ils s'apprêtent à plonger et à quelles révélations ils vont s'exposer...


Les remakes ont toujours suscité la polémique, particulièrement évidemment quand il s'agit de refaire des films considérés comme (presque) parfaits. Old Boy de Park Chan-wook, sorti en 2003, avait fait sensation grâce à son intrigue et sa mise en scène et ce film noir au twist renversant semblait intouchable. Mais le studio Universal n'a pas résisté à la tentation de l'adapter pour le marché américain.


Steven Spielberg a longtemps été attaché au projet avec Will Smith pour le rôle principal avant que finalement Spike Lee n'en hérite. Le cinéaste reniera plus ou moins le produit final car son montage initial de 140' a été rejeté et raboté pour en faire un long métrage de 105'. Josh Brolin exprimera aussi son mécontentement à ce sujet, estimant que le résultat sorti en salles ne rendait pas justice au script de Mark Protosevich et à la vision de Lee.
 

Et, partant de là, on revient au principe même du remake. Pourquoi refaire des films ? Sur ce sujet, j'ai un avis : je n'ai rien contre les remakes, je ne cours pas après mais quand j'ai l'envie d'en découvrir un, je le regarde sans a priori négatif. En fait, je considère la chose comme un faux problème.

En effet, si on compare cette démarche avec ce qui se fait au théâtre, cela diminue la polémique. Au théâtre, il existe un répertoire de pièces et les metteurs en scène, les compagnies qui se les approprient en donnent tous des versions différentes. En réalité, il s'agir de remakes. Et quand on considère le nombre de versions qu'il existe de Hamlet ou du Bourgeois Gentilhomme, on peut les voir comme des remakes : c'est la même histoire, les mêmes personnages, mais pas la même manière de les mettre en scène, de les jouer. Sans parler des éléments cosmétiques : il arrive fréquemment que l'action soit resituée dans une autre époque, avec d'autres décors, d'autres costumes, etc.

Donc, il n'y a rien de sacré, rien de définitif. On peut bien sûr hurler en imaginant un remake de Citizen Kane ou de La Règle du Jeu. Mais qui sait si celui qui oserait faire cela n'en  tirerait pas un bon film, peut-être aussi bon que l'original, voir meilleur ? C'est peu probable, mais pas impossible.

Je n'ai jamais vu le Old Boy de Park Chan-wook, encore moins lu le manga dont il est tiré (et paraît-il très librement adapté, ce qui prouve bien que déjà d'un média à l'autre il y a des altérations). J'ai découvert cette histoire avec le remake de Spike Lee, dont il n'existe au demeurant aucun director's cut. Donc, c'est dire s'il s'agit d'un objet bâtard.

Mais évidemment ça n'empêche en rien d'apprécier la virtuosité de ce récit et de son twist. Lee l'illustre avec un vrai talent, mais si, bien sûr, il ne s'agit pas de son film le plus personnel. On sent bien ce que le cinéaste a vraisemblablement dû laisser dans la salle de montage : il y a des transitions un peu abruptes, des baisses de rythme, c'est un film "malade" comme aurait dit Truffaut. Par ailleurs, il est étrange que Lee, si attaché à la représentation des afro-américains dans son cinéma (et le cinéma en général), n'ait pas dirigé Denzel Washington dans le rôle de Joe  Doucette (bon, il y a quand même Samuel L. Jackson dans un rôle secondaire), même si cela aurait imposé de recaster un autre personnage.

Mais, ça et là, il y a des fulgurances qui ne trompent pas, des éclairs de violence notamment que Spike Lee met en valeur formidablement, avec notamment un superbe plan-séquence et une baston terrible quand Joe Doucette revient là où il a été détenu. La scène de sexe entre Joe et Marie a aussi une forme de crudité qui appartient bien au réalisateur de Nola Darling.

L'essence est là, mais il est indéniable que l'ensemble manque de liant, de fluidité. On sent trop vite l'attirance de Marie pour Joe, qui n'a pas qu'à voir avec l'affection qu'éprouve la jeune infirmière pour les chiens errants. Joe passe un peu trop vite de l'abattement à la reprise de soi durant sa détention. Sur ce dernier point, le film échoue franchement à faire ressentir le temps qui passe et à quel point il marque le personnage principal, qui n'a pas l'air assez vieux quand il recouvre sa liberté (alors qu'il a pris 20 ans - mettons qu'il en ait 30-35 quand il est piégé, ça signifie qu'il en a 50-55 à sa sortie, et ça ne se voit pas ici).

Josh Brolin n'a rien à se reprocher : il a cette gueule de brute démolie, marmoréenne, un peu à la Charles Bronson, qui convient parfaitement au rôle. Il est crédible. Et il a avec Elizabeth Olsen une partenaire excellente, troublante à souhait. Sharlto Copley est dérangé à souhait. Et, bon sang, Pom Klementieff est affolante en assistante badass !

Inabouti donc. Mais pas indigne.

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