dimanche 5 mai 2024

DAREDEVIL, VOLUME 6 : DOING TIME (Chip Zdarsky / Marco Checchettto & Mike Hawthorne)


Knull, le roi des symbiotes, attaque la Terre et donc New York et le quartier de Hell's Kitchen, obligeant Elektra, qui a endossé le rôle de Daredevil depuis l'incarcération de Matt Murdock, à agir pour protéger des civils. Parmi eux, une jeune fille, Alice, dont la mère est infectée et qu'elle va ensuite prendre sous son aile lorsque Typhoid Mary, également infectée, tuera sa mère.


Dans le pénitencier où croupit Matt Murdock, c'est aussi la panique à bord. Matt laisse un symbiote l'infecter pour protéger ses co-détenus et les gardiens. Il arrivera à se défaire de l'emprise de Knull au prix d'une intervention très risquée. Wilson Fisk, inquiet d'être sans nouvelles de Typhoid Mary, part à sa recherche.



La crise des symbiotes terminée, Matt doit faire face à de nouvelles épreuves en prison : un détenu qui a cherché à se rapprocher de lui est retrouvé mort dans sa cellule, puis lui-même est victime d'un empoisonnement commandé par Fisk. Elektra quant elle entreprend de former au combat Alice puis aborde Butch Pharris, à qui Izzy Libris a donné les clés de Hell's Kitchen, pour connaître ses plans. Une mauvaise nouvelle attend la nouvelle Daredevil...
 

La couverture de ce tome 6, qui regroupe les épisodes 26 à 30, annonce la couleur : Matt Murdock n'est plus Daredevil, Elektra Natchios a repris son rôle depuis qu'il est en prison. Chip Zdarsky entreprend donc ici une manoeuvre que Marvel, dans différentes séries ces dernières années, a fréquemment mis en oeuvre.


On sait que certains fans "virilistes" n'apprécient pas ce genre d'opérations, estimant qu'il s'agit d'une conséquence de l'émergence de la mentalité woke, destinée à remplacer les héros masculins par des femmes ou des minorités issues de la diversité. A ceux-là, j'ai juste envie de dire : grandissez un peu. Non, les éditeurs de comics ne sont pas en train de castrer tous les héros et encore moins d'imposer une lecture woke aux fans. Et si ça ne vous convainc pas et que ça vous file des boutons, hé bien, arrêtez de lire ces séries : de toute façon, le mâle revient toujours !
 

Dans le cas de Daredevil par Zdarsky, l'intention est plus claire : il ne se cache pas pour dire franchement que Matt Murdock est casse-couilles avec son auto-flagellation permanente, son moralisme pesant. Cette logique sacrificielle est poussée jusqu'à l'absurde ici : en voulant expier ses fautes en prison, il se met en danger et oublie complètement sa propre mission (protéger les habitants de Hell's Kitchen). Mais surtout, son procès n'a même pas encore eu lieu, le chef d'inculpation retenu par le procureur contre lui est un homicide involontaire, donc il se punit sans même savoir s'il sera condamné.

Par ailleurs, Zdarsky ne fait pas non plus d'Elektra une remplaçante parfaite : elle est constamment tiraillée par ses réflexes. C'est une tueuse professionnelle, une arme vivante, et elle doit sans cesse se faire violence pour ne pas éliminer les obstacles qui se dressent devant elle. C'est particulièrement frappant dans les deux épisodes tie-in à l'event King in Black qui ouvre ce tome où elle se retient pour ne pas abattre la mère d'Alice ni Typhoid Mary (qui, elle, tuera la mère d'Alice).

Les cinq épisodes jouent à fond sur ce parallèle entre Murdock qui s'enfonce dans l'auto-dénigrement et manque d'y laisser la peau par deux fois et Elektra qui s'évertue à être digne du rôle de Daredevil, quitte elle aussi à manquer d'y passer. A la fin, on n'est pas loin de penser qu'en vérité Elektra est une meilleure Daredevil que Murdock, plus pragmatique, directe et considérant les situations plus globalement lorsque Murdock a toujours été la tête dans le guidon.

Le seul bémol que j'exprimerai concerne le rôle d'Alice que Elektra décide d'adopter et d'entraîner jusqu'à l'emmener avec elle lors de sa visite auprès de Butch Pharris. Là, ça ne colle pas : d'abord elle prend chez elle une gamine en sachant très bien qu'elle n'a pas le temps de s'en occuper sinon en la formant à devenir une guerrière comme elle le fut mais dans des circonstances très différentes. Ensuite, la gamine s'avère prodigieusement douée pour les exercices périlleux que lui enseigne Elektra. Enfin, lorsque la gamine accompagne carrément Elektra chez Pharris, ça donne une séquence wtf au possible, en totale contradiction avec le sens des responsabilités que tente d'avoir désormais Elektra.

Par contre, l'album contient une autre séquence complètement dingue, d'une intensité dramatique rarement atteinte, lors d'une bagarre dans la cour de la prison, avec Matt très en difficulté (je ne vous dis pas pourquoi).

Et justement, cette séquence permet d'apprécier tout le génie de Marco Checchetto. Le dessinateur italien s'acquitte seul des épisodes 28 et 29 : c'est peu mais c'est inévitable, vu qu'il est également désormais le cover-artist de la série (était-ce un souhait de sa part ? Ou une décision éditoriale ? Si c'est la seconde option, c'est une absurdité car on ne confie pas cette tâche à un artiste qui a déjà du mal à livrer un épisode entier à l'heure).

En fait, la série est désormais co-dessinée. Marco Checchetto se réserve la part du lion, c'est-à-dire les scènes avec Elektra dans le rôle de Daredevil. Il peut ainsi donner libre cours à ses découpages très dynamiques pour les moments les plus mouvementés et ça ne manque pas dans ce tome, entre les symbiotes, ou la bagarre dans le club de Pharris. Je suis toujours fou de sa manière de dessiner Elektra avec cette chevelure insensée, même si j'aurai aimé qu'il lui designe un costume un chouia moins chargé.

Et Mike Hawthorne alors ? Hé bien, il s'occupe de ce qui reste, des scènes avec le Caïd principalement, ou de Matt dans la prison au moment où les symbiotes attaquent. Qu'en dire ? Je vais être franc : je trouve ça affreux. Déjà, passer après Checchetto, c'est dur pour n'importe qui, mais là, c'est juste pas possible de laideur. Pourquoi Marvel n'a pas laissé Francesco Mobili en fill-in artist ? Honnêtement, chaque page dessinée par Hawthorne fait mal aux yeux et gâche le plaisir de la lecture.

Ce volume de la série (le 6ème depuis sa création) touche bientôt à sa fin (Zdarsky clôt sa première saga au #36). Après quoi, l'event Devil's Reign prendra le relais, ouvrant la voie à la fin du run du scénariste avec les quinze épisodes de Daredevil & Elektra. A suivre donc...

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