jeudi 16 mai 2024

DOOM #1 (Jonathan Hickman / Sanford Greene)


Valeria Richards récupère son oncle, Dr. Fatalis, dans l'espace, quasiment mort après une bataille féroce qui l'a opposé à Galactus. Elle le remet sur pied en revenant sur les événements des deux dernières années durant lesquelles le dévoreur de mondes semble avoir perdu la raison.


Las d'attendre la fin de l'univers pour en voir naître un nouveau qui, peut-être, le libérerait de sa faim inextinguible, Galactus a détruit tous les mondes habités qui se trouvait sur sa route. Reed Richards a organisé une riposte sur Terre - sans succès. Puis les héros cosmiques ont résisté - en vain. Fatalis réussira-t-il là où tous ont échoué ?


C'est vraiment un curieux objet que ce one-shot, co-écrit par Jonathan Hickman et Sanford Greene, qui a également dessiné la cinquantaine de pages du récit. Cela aurait pu s'appelait "la dernière histoire de Dr. Fatalis", si John Byrne n'avait pas déjà tenté de raconter "la dernière histoire de Galactus" (projet hélas ! inachevé, paru à l'époque dans Epic Illustrated, il y a juste 40 ans).


Mais pour Hickman, Dr. Fatalis ou Dr. Doom en vo, c'est peut-être son personnage favori. Il l'a utilisé dans son run sur Fantastic Four et surtout placé au centre de son event Secret Wars de 2015, investi de pouvoirs divins. Le scénariste perçait alors magnifiquement la personnalité de ce vilain emblématique, némésis des FF, dictateur de la Latvérie, mais aussi oncle de Valeria Richards, la fille de son rival Reed Rchards et de Sue Storm.


On le sait, Hickman est à son aise avec ce genre de personnages, ambigu et puissant, trouble et charismatique, et le registre cosmique lui va comme un gant (en témoigne G.O.D.S. actuellement, qui rafraîchit le panthéon de l'univers Marvel). Et donc Doom fait directement écho à ce passage de Secret Wars de 1984 dans lequel Fatalis réussissait à absorber les pouvoirs du Beyonder, dominant Galactus et tous les super-héros et vilains, tout comme dans Secret Wars de 2015.


Ce maxi épisode est grandiose visuellement : on y dénombre quantité de pleines pages ébouriffantes qui traduisent parfaitement le souffle épique de l'histoire, avec une succession de moments se déroulant sur deux années via un flashback, au cours desquelles Galactus entreprend de détruire toute vie dans l'univers pour en accélérer la fin et la renaissance, sans doute dans l'espoir d'être lui-même reformé mais délivré de sa faim dévorante.

De Sanford Greene jusqu'à présent, je ne connaissais que son run sur Power Man & Iron Fist (écrit par David F. Walker en 2016) et Bitter Root (toujours avec D.F. Walker et aussi Chuck Brown, chez Image Comics à partir de 2018). Son style est très tonique et ses personnages ont des apparences semi-réalistes, avec une expressivité, des physionomies et une gestuelle disproportionnées. Tout ça convient très bien ici puisque le récit possède une extravagance, une outrance en adéquation avec son dessin. Tout est over the top, les destructions sont cataclysmiques, les forces en présence colossales, les combats too much. Et Greene s'est également investi dans la construction de l'écriture de l'épisode, fait assez rare pour un auteur comme Jonathan Hickman.

Mais justement où veut en venir ce Doom ? Visiblement, c'est hors continuité. Tout ce qui est raconté là n'a aucune incidence sur ce qui se joue(ra) dans l'univers Marvel des comics, ce n'est même pas le prologue d'un futur event, ou comme pourrait l'être les numéros Timeless que sort annuellement Marvel pour teaser ce qui va se passer dans ses séries les plus populaires. C'est pour cela que ça m'a d'abord fait penser à la collection The End/La Fin, ces mini séries où des auteurs s'amusaient à imaginer la dernière aventure des héros phares de la maison des idées.

Le souci, en quelque sorte, c'est que, sans trop spoiler, la fin reste ici très ouverte, Hickman laisse le lecteur sur une note qui ressemble davantage encore à ce que serait un épisode inachevé. Et là, donc, on rejoint beaucoup plus The Last Galactus Story de Byrne (même si Byrne avait ensuite publié sur son blog le synopsis intégral de sa mini-série et donc son dénouement). Mais on ne peut penser que Hickman a livré ce numéro sans avoir de fin à Marvel : l'éditeur passe tout au scénariste et donc ne l'aurait pas empêché de conclure.

Donc, pour résumer, ce n'est ni un tome façon The End/La Fin, ni une histoire inachevée. C'est un épisode sans dénouement. Ou plutôt un épisode dont le lecteur est libre d'imaginer l'issue. Un procédé qui peut être très frustrant ou très audacieux, voire les deux à la fois. Pour ma part, je ne sais pas quel sentiment l'emporte. J'ai été pris au dépourvu. Je n'attendais rien de spécial de tout ça mais j'ai été surpris, à la fois en bien (parce que ça se lit tout seul, c'est très spectaculaire) et en moins bien (parce que, à la dernière page, je me suis dit : "déjà ?").

Enfin, il faut préciser que si c'est consistant en soi, ce numéro comporte en plus de l'épisode proprement dit une bonne dizaine de pages de sketches par Sanford Greene, qui a pris soin de croquer tous les personnages figurant dans cette histoire, même quand ils ne font qu'une apparition, souvent noyés dans une multitude d'autres héros et vilains. Un travail incroyable, qui témoigne là encore de l'engagement de l'artiste dans ce projet hors normes.

Disons donc que Doom #1 (ce #1 signifie-t-il d'ailleurs que ce ne serait pas un one-shot, qu'il pourrait y avoir une suite ? J'en doute, mais sait-on jamais si les ventes sont au rendez-vous et que Hickman et Greene sont motivés) est une expérience. Et comme le mois prochain s'achève G.O.D.S., peut-être est-ce ce genre de projets dans lequel veut s'investir Hickman, des récits imprévisibles aux côtés d'artistes capables de soutenir ses idées toujours inattendues ?

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