mercredi 29 mai 2024

THE GRAY MAN (Joe & Anthony Russo, 2022)


2003. Courtland Gentry reçoit la visite de Donald Fitzroy, officier de la C.I.A., en prison où il purge sa peine pour le meurtre son père violent. On lui offre la liberté contre son recrutement par l'agence au sein du programme Sierra.


Dix-huit ans plus tard. Gentry, nom de code Sierra Six est à Bangkok avec l'agent Dani Miranda pour exécuter un homme sur le point de vendre des secrets d'Etat. Incapable de le tuer sans blesser des civils, Six l'attaque directement et le blesse mortellement. L'homme lui remet un pendentif contenant des documents informatiques accablant pour le nouveau directeur du programme, Denny Carmichael, qui chercher à se débarrasser des agents comme Six.


Intrigué, Six décide de ne pas se rendre au point d'extraction où l'attend Miranda et contacte Fitzroy après avoir envoyé la clé USB contenu dans le pendentif à Prague chez Margaret Cahill, une de leurs alliées communes. Carmichael, mis au courant de l'absence de Six, met Lloyd Hansen, un mercenaire, sur l'affaire avec l'ordre d'éliminer le fugitif et de récupérer la clé.


Hansen, disposant de fonds illimités et d'une liberté de manoeuvre absolue, fait enlever Claire, la nièce de Fitzroy, pour faire pression sur ce dernier afin de localiser Six sur lequel il lance un contrat auprès de tueurs à gages. Suzanne Brewer, adjointe de Carmichael, est chargée de superviser Hansen tandis que Miranda, suspectée d'être la complice de Six, se met elle aussi en tête de le trouver...


Que faire quand on vient de signer le plus gros succès au box office de tous les temps (avec Avengers : Endgame) ? C'est la question qu'ont due se poser Joe et Anthony Russo auxquels Marvel Studios n'a pourtant pas jugé utile de les associer à la suite du MCU (Kevin Feige restant seul maître à bord). Jusqu'à ce que Netflix leur signe quasiment un chèque en blanc avec la mission de concevoir une franchise pour leur plateforme de streaming.
 

Impliquant leurs co-scénaristes d'Avengers, Christopher Marcus et Stephen McFeely dans l'aventure, les Russo jettent leur dévolu sur la série de romans d'espionnage de Mark Greany dont ils sont fans. Le héros, Courtland Gentry alias Six est un espion affecté à des missions clandestines, impliqués dans des assassinats de criminels, dont les aventures l'envoient aux quatre coins du globe. La référence à James Bond est évidente.


Les deus cinéastes savent qu'il faut frapper fort pour accrocher le public de Netflix habitué à consommer des séries et des films mis en avant par un algorithme. Ils mettent donc le paquet en imaginant une adaptation efficace et en recrutant un casting de vedettes grâce à un budget aussi important que celui alloué à Lloyd Hansen.

Le résultat a pu décevoir parce qu'il apparaît assez impersonnel de la part de ceux qui avaient régalé même les détracteurs des super-héros avec Captain America : Le Soldat de l'Hiver, avec une intrigue intense et des enjeux bien plus élevés. Ici, on n'a "que" un divertissement solide et générique mais où la tension est moins électrique. En somme le piège de tout premier épisode d'une franchise où il faut présenter les protagonistes, l'univers dans lequel ils évoluent.

Est-ce que ça fait de The Gray Man un mauvais film pour autant ? Non, mais étrangement son côté luxueux joue contre lui, comme si tout ce pognon l'avait engourdi. En comparaison avec Tyler Rake (également écrit par Joe Russo) qui brille par ses morceaux de bravoure et son concept simple et musclé, il manque de la saveur à ce plat, comme si les Russo avaient trop voulu plaire et pas assez se faire plaisir, essayer de jouer davantage avec les codes du genre et même ceux de Netflix.

L'intrigue s'appuie sur le face-à-face entre deux surhommes, des professionnels implacables, avec le motif du fugitif insaisissable et du tueur sadique. Les seconds rôles sont principalement là pour les mettre en valeur et manquent souvent d'épaisseur pour exister en dehors de Six et Hansen. En fin de compte, tous ces films sont des déclinaisons du western mais avec l'apport de la technologie et le sens du grand spectacle. Tyler Rake s'appuyait sur une mythologie plus basique sans chercher à la transcender autrement que par sa physicalité, là où The Gray Man échoue trop souvent à nous faire vibrer aux exploits de son héros (quasiment seul contre tous) et de son ennemi (à la tête d'une armée incapable de l'arrêter).

Surtout la réalisation de Russo est trop lisse, en dehors d'une scène de chute libre vraiment impressionnante. Le scénario  nous prive trop de vraies confrontations entre Six et Hansen. On suit tout cela avec trop de détachement. Ce n'est pas déplaisant, mais on aurait aimé plus, plus fort, plus fou. Il semble que ce ne soit plus la priorité des Russo qui ont depuis migré sur une autre plateforme, Amazon, pour produire la série Citadel, encore plus terne mais tout aussi friquée.

A quoi s'accrocher alors si l'histoire ne nous comble pas et que la mise en scène paresse ? Aux acteurs qui ne sauvent pas les meubles mais font, eux, le job. On mettra en avant Chris Evans qui se (et nous) régale en campant un méchant aussi vaniteux que mesquin - une véritable moue pour celui qui incarna le vertueux Captain America. Ryan Gosling est parfait en super espion avec ce jeu minimaliste mais cette présence incroyable (sans doute, rétrospectivement, sa dernière composition dans ce registre). Billy Bob Thornton est également excellent en mentor rattrapé par son passé.

En revanche, Ana de Armas déçoit beaucoup, échouant complètement à rendre crédible son personnage qu'elle interprète avec une moue agaçante de petite fille exaspérée. Jessica Henwick semble un peu perdu être aussi dans tout ça. Et Regé-Jean Page n'a absolument pas la perversité requise dans le jeu pour nous convaincre qu'il est en mesure de menacer Six (un acteur plus madré, plus âgé, plus consistant, à la manière de Thornton aurait bien mieux convenu que le minet des Chroniques de Bridgerton).

The Gray Man n'a donc pas bien vieilli. Et les chances d'une suite sont de plus en plus hypothétiques (malgré son succès en nombre de vues), étant donné les agendas bien remplis de Gosling, voire de de Armas, sans parler de celui des Russo. 

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