Jamais Ari Nassar et Johannes Vale n'ont été aussi proches. Mais le second vient d'assassiner sauvagement Oddell Watts et le premier est accusé du meurtre. Obligé de se cacher, Nasar est déterminé à laver son nom en même temps qu'à arrêter Vale...
Le mois prochain, c'en sera fini de The One Hand comme de The Six Fingers, et on peut s'attendre à un double dénouement vertigineux comme ces deux séries l'auront été. Ram V a complètement renversé la table dans ce pénultième épisode puisque son héros, le flic Ari Nassar, devient un fugitif recherché et qui est soupçonné d'être le tueur en série qu'il a toujours traqué.
Ce twist, cruel, est une convention de la série noire, celle de la figure du faux coupable, de l'innocent accusé à tort. A moins que le scénariste (et son collègue Dan Watters) ne nous réserve encore une ultime surprise. Et si, après tout, le policier était réellement un tueur en série, atteint d'une sorte de trouble dissociatif de la personnalité ?
C'est une hypothèse crédible tant The One Hand (et The Six Fingers) interroge la notion d'identité. Cela fait penser à la série télé The Mentalist sur laquelle certains fans avaient théorisé que Patrick Jane était John Le Rouge, l'assassin de sa femme - théorie on retenue par les scénaristes, c'est bien dommage car cela aurait donné une autre dimension à cette production.
En revanche, il me paraît censé de penser que Ram V a dû lire Paul Auster car ses réflexions sur le langage s'en inspirent ouvertement. Dans une scène au coeur de cet épisode, Nassar retrouve Elizabeth, l'androïde qui fut autrefois Nemone la cyber-prostituée qu'il fréquentait et qui a été reconditionnée.
D'abord, vous remarquerez que Nemone est un palindrome, un mot qu'on peut lire dans les deux sens (comme Laval). Or cette symétrie est centrale dans l'intrigue des deux séries : le flic, le tueur, l'humain, l'androïde. Et il y a cette formule employée par Elizabeth quand elle évoque un langage qu'on reconnaît mais qu'on ne comprend pas, référence explicite aux glyphes tracés par le tueur et aujourd'hui repris par Johannes Vale qui, justement, identifie ces signes comme un langage familier mais qu'il cherche à décrypter.
Johannes Vale est un étudiant archéologue, souvenez-vous, c'est-à-dire qu'il se destine à étudier les civilisations préhistoriques avant l'apparition de l'écriture, d'où son intérêt obsessionnel pour les glyphes du tueur. Ari Nassar est un inspecteur de police, qui lui investigue sur les criminels, c'est lui aussi une sorte d'archéologue donc qui cherche dans les indices laissés sur une scène de crime ce qui le ménera au criminel, et il a un comportement aussi obsessionnel que Vale.
Si on creuse encore un peu profond et qu'on se penche sur Nemone/Elizabeth, on se rend compte qu'elle a commencé à mal fonctionner quand elle a aussi été obsédé par des événements inquiétants, comme les crashs d'avion qu'elle pensait provoqués, comme l'imaginerait un complotiste. Comme elle était un modèle ancien, dépassé, elle a dû être recyclée, reconditionnée, car elle ne pouvait plus être réparée. Elle a changé d'identité, de fonction, tout en semblant conserver des souvenirs fragmentaires de son ancienne existence. Et cela aussi semble l'obséder, comme quand elle reconnaît à demi-mots son attachement à Nassar mais aussi son attirance pour Vale qu'elle n'a pourtant jamais vu mais vers lequel une force étrange la guide.
Ces trois personnages convergent inéluctablement les uns vers les autres. Mac, le collègue et ami de Nassar, lui apprend qu'au moment du meurtre de Watts, les caméras de surveillance de l'hôpital situées à proximité de la scène ont cessé providentiellement de fonctionner. Mais ce n'est pas tout : ensuite d'autres caméras dans des rues et quartiers alentours ont cessé d'enregistrer et cela forme un itinéraire qui conduit chez... Johannes Vale (même si quand Nassar s'y rend, il ne l'y trouve pas : c'est Ada, la galériste qui y est et qui va fournir au détective une dernière piste évidente).
Ce fascinant jeu de pistes est superbement mis en images par Lawrence Campbell dont les à-plats noirs mangent d'importantes portions de chaque plan, comme si les ténèbres engloutissaient toujours davantage Ari Nassar. La seule scène vraiment éclairée, lumineuse, est, ce n'est pas un hasard, celle où Nassar dialogue avec Elizabeth/ Nemone, à la table d'un café sur une terrasse ensoleillée. Lumière est faite sur une partie importante, cruciale du mystère alors.
Dans ce ténèbres angoissantes, oppressantes, ce qui n'est pas englouti revêt alors un rôle déterminant : ce sont les verres des lunettes de Nassar (donc ses yeux, donc ce qu'il voit, ce qui va le guider), l'éclat métallique d'un pistolet automatique, le raie de lumière par une porte ouverte d'un appartement plongé dans le noir, le feu d'un brasero, l'écran d'un ordinateur. Les seules manifestations lumineuses dans ce monde nocturne.
On ne peut toujours pas anticiper l'issue de cette histoire à double fond mais c'est ce qui la rend encore plus excitante. Et qui en fera un des projets phares de 2024.
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