samedi 11 mai 2024

DAREDEVIL & ELEKTRA , VOLUME 1: THE RED FIST SAGA, PART 1 (Chip Zdarsky / Marco Checchetto & Rafael de Latorre)

Attention ! Ce qui suit contient des spoilers concernant Devil's Reign.


Matt Murdock est mort - ou du moins c'est ce que lui veut faire croire. Seuls quelques amis de Daredevil sont dans la confidence que c'est en vérité Mike Murdock qui a été tué par Wilson Fisk (introuvable depuis) et enterré. Daredevil veut profiter de cette situation pour quitter New York sans qu'on s'inquiété de la disparition de son alter ego.


Elektra de son côté a rejoint Stick à Makanrushi, une île située au large du Japon et de la Russie (qui prétend qu'elle lui appartient). C'est là qu'ils veulent établir une base pour préparer la guerre qui va opposer le Poing à la Main pour le sort du monde. A New York, pendant ce temps-là, Daredevil s'apprête à faire ses adieux à Kirsten McDuffie lorsque surgit sur sa route Robert "Goldy" Goldman...


Goldy a étudié le Droit avec Murdock et Foggy Nelson et il est investi de pouvoirs quasi-divins dont il aurait usé pour manipuler Matt toute sa vie afin d'en faire le héros qu'il est devenu et celui qu'il doit se préparer à être. Après l'avoir éprouvé mentalement en lui faisant croire à la mort de Kirsten McDuffie, il se rend finalement à la police.


Avant de rejoindre Elektra et Stick, Daredevil croise Aka, qui a été formée aux côtés d'Elektra au sein de la Main et qui lui révèle qui en est désormais le chef : Frank Castle/ le Punisher ! Face à cet ennemi redoutable, Daredevil et Elektra doivent traverser un rite de passage destiné à les unir puis recruter des soldats...


Quand Chip Zdarsky se lance dans Daredevil & Elektra, il a déjà écrit 45 épisodes en comptant son run sur Daredevil, l'event Devil's Reign et les 3 épisodes de la mini-série Elektra : Woman without Fear (publiée en même temps que Devil's Reign). Il aurait pu en rester là, sauf qu'il avait encore une histoire en réserve, dont il avait semé les graines auparavant.


En effet, dans son run sur DD, à quelques reprises, discrètement, est évoqué le Poing, une organisation rivale de la Main mais vaincue par cette dernière. Or, selon Elektra, la Main s'apprête, avec l'appui d'alliés puissants, à prendre le contrôle des grandes puissances gouvernementales dans le monde. Elle cherche donc à convaincre Daredevil de s'engager dans une guerre en ressuscitant le Poing.

Sauf qu'au moment où elle s'y prend, Daredevil est au plus mal : il s'est livré aux autorités et est incarcéré en attendant son procès pour le meurtre de Leo Carraro. De plus, il pense que Elektra le manipule et il lui fait d'autant moins confiance qu'elle est un assassin professionnel quand lui-même cherche à expier un crime qu'il a commis. Puis pris dans la tourmente de Devil's Reign, le sujet n'est plus à l'ordre du jour, même si, entre temps, Elektra lui a prouvé qu'elle méritait une seconde chance en ayant endossé le costume, le nom et la mission de Daredevil en protégeant Hell's Kitchen en l'absence de Murdock.

On en arrive donc à Daredevil & Elektra, sorte de deuxième run, ou deuxième acte du run de Zdarsky. A l'issue de Devil's Reign, tout le monde croit Matt Murdock mort, tué par Wilson Fisk - en vérité, ce dernier a tué Mike Murdock, le "jumeau" de Matt. Pour Daredevil, c'est un "fresh start" providentiel : i va quitter New York après avoir accepté de relancer le Poing aux côtés de Elektra contre la Main.

Zdarsky commence par deux épisodes déroutants où Daredevil croise Robert "Godly" Goldman, assistant du procureur, qui s'était chargé de sa mise en accusation dans l'affaire Leo Carraro. Mais les deux hommes se connaissent depuis longtemps puisqu'ils ont étudié le Droit ensemble, aux côtés de Foggy Nelson, à l'époque où Matt Murdock n'était pas encore Daredevil et qu'il sortait avec Elektra Natchios, avant la mort du père de celle-ci.

Goldman est investi de pouvoirs quasi-divins, il connaît la double identité de Daredevil et surtout il prétend avoir manipulé les événements qui en ont fait le héros qu'il est et celui qu'il doit devenir. Pour le prouver, il l'éprouve avec la mort supposée de Kirsten McDuffie puis se rend à la police. Zdarsky va ressortir Goldy plus tard en entretenant le doute sur ce qu'il raconte, face à un Daredevil qui ne sait plus quoi en penser. C'est perturbant, surtout pour un héros comme lui qui, fervent catholique, s'est toujours considéré comme l'instrument de Dieu. Et pour le lecteur aussi qui se demande franchement si c'est du lard ou du cochon.

Puis le récit emprunte l'itinéraire qui va être celui des épisodes suivants jusqu'à la fin de La Saga du Poing Rouge. Et là Zdarsky tente quelque chose de très original et très baroque à la fois, certainement une des histoires les plus bizarres depuis celle écrite par Ann Nocenti et mise en images par John Romita Jr quand Daredevil, après l'event Inferno, quitte New York, parcourt l'Amérique profonde, fait équipe avec Karnak et Gorgone des Inhumains jusqu'à descendre littéralement en Enfer.

Si vous n'avez pas aimé ceci, alors autant vous prévenir tout de suite, The Red Fist Saga risque de vous laisser complètement perplexe. C'est peut-être encore plus barjo et épique. Mais, pour moi, c'est ce que Zdarsky a fait de mieux avec Daredevil. Non pas que ce qui a précédé soit mauvais : il y a eu des passages formidables, et d'autres franchement médiocres (en fait tout ce qui a conclu le premier acte, avec Bullseye). Mais là, il se lâche, il lâche les chevaux : le succès de ses précédents épisodes lui a valu des critiques dithyrambiques, de très bonnes ventes, Devil's Reign a été une agréable surprise pour un event, donc Marvel lui a laissé carte blanche. Et il la joue à fond.

En vérité, c'est souvent quand Daredevil (la série comme le personnage) sort des sentiers battus, par la volonté de ses auteurs, que c'est pour le meilleur. Et là, on est servi : c'est mystique, déjanté, épique, spectaculaire, imprévisible, et pas consensuel pour un sou. Mais si j'ai adoré, je comprends aussi que d'autres aient détesté ou n'aient pas compris. Il faut être prêt, ouvert. Dès le début.

Ces cinq premiers épisodes regorgent de moments incroyables, dès les premières pages dont une, découpée en un "gaufrier" de neuf cases, avec seulement la tête de DD, barbu, dans la pénombre, qui est une sorte de teaser pour tout ce qui va suivre. Le deuxième numéro correspond au 650ème épisode de la série, tous volumes confondus, et comme le premier, il a une pagination plus fournie mais aussi des guests au dessin - et du beau monde : Alex Maleev, Paul Azaceta, Chris Samnee (pour le meilleur. Pour le pire : John Romita Jr., Klaus Janson, Phil Noto et Mike Hawthorne...).

Marco Checchetto dessine l'intégralité du premier épisode et les scènes au présent du deuxième, puis revient pour le n°5. Ses planches sont magnifiques, d'une intensité et d'une énergie folles. Qui plus, après avoir épuisé plusieurs coloristes (Sunny Gho, Nolan Woodward, Marco Meniz...), cette fois il peut compter sur l'épatant Matthew Wilson pour valoriser son trait avec des nuances sublimes. Il signe de scènes mémorables, notamment celles dans la prison du Myrmidon ou le face-à-face entre DD et Godly.

Rafael de Latorre dessine les épisodes 3 et 4 et les flashbacks de l'épisode 2 plus l'épilogue du 1. Je ne connaissais pas cet artiste avant, mais il s'impose avec une autorité impressionnante. C'est le meilleur remplaçant qu'ait eu Checchetto, avec lequel il partage une certaine rudesse, un côté anguleux dans le trait, même s'il est moins détaillé au niveau des décors. Mais avec ces deux dessinateurs à la barre, le résultat est vraiment balèze.

C'est donc un démarrage en boulet de canon pour une saga très atypique et déconcertante, mais stimulante et dynamique. A suivre donc...

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