vendredi 24 mai 2024

BOY KILLS WORLD (Moritz Mohr, 2024)


Boy, un adolescent sourd et muet, est recueilli dans la jungle par le chaman après avoir assisté à l'exécution de sa mère et de sa soeur cadette, Mina, dans le cadre de l'Abattage, rituel annuel organisé par la famille Van Der Koy pour s'assurer de l'obéissance des citoyens de la ville qu'ils contrôlent.


Le chaman entraîne le garçon pour en faire une véritable machine à tuer dans l'objectif de venger sa famille. Un jour qu'ils descendent en ville vendre des fruits qu'ils ont cueillis dans la jungle, ils assistent à la sélection par Gideon Van Der Koy et son beau-frère Glen des douze prochaines victimes de l'abattage. Mais une jeune femme dans la foule des badauds insulte Glen qui, en représailles, dégaine un pistolet et abat un civil.
 

Cela provoque une émeute violemment réprimée par June17, une tueuse à la solde de la famille, et l'armée. Bien que le chaman lui déconseille de s'en mêler car il ne le juge pas encore prêt au combat, Boy désobéit et décide d'en découdre. Il se glisse dans le coffre de la voiture de Glen et pénètre ainsi dans le quartier général des Van Der Koy. Peu après il découvre un atelier où des esclaves assemblent des armes automatiques pour l'armée et un des ouvriers, Bashi, lui propose de le guider jusqu'à Hilda en échange de sa liberté lorsque Glen les surprend.
 

Attention, ça va saigner !...


Sorti au début de ce mois aux Etats-Unis, Boy Kills World s'est méchamment ramassé au box office. Il faut dire que ce n'est pas un spectacle tout public : le film de Moritz Morhr est surtout un ovni complètement barjo, ultra-violent et sarcastique, une sorte de post-John Wick mais vraiment méchant et azimuté.


On s'étonne moins de la nature curieuse de l'objet quand on remarque le nom de Sam Raimi dans les producteurs parce que, justement, Boy Kills World renvoie aux premiers films du cinéaste, la trilogie Evil Dead en particulier, et ses manières débraillées, sans complexes, qui ne laissaient personne indemne tout en ricanant du genre investi (jadis le film de zombies, ici le film de baston).


L'intrigue tient sur un post-it : un garçon façonné par un chaman enfumé comme une machine à tuer (à mains nues la plupart du temps, mais qui vous fera aussi revoir votre façon de vous servir d'une rape à fromage par exemple) veut venger sa mère et sa soeur tuées par la matriarche d'une famille de tyrans. Et c'est parti pour 110' de bagarres folles, quasiment non-stop.

Ajoutez que le héros, Boy, est sourd muet (on lui a percé les tympans et coupé la langue), mais qu'il monologue en voix-off et croit voir sa petite soeur constamment. Les scénaristes, Tyler Burton et Arend Remmen, sur une idée originale du réalisateur, se sont complètement lâchés : rien n'est too much pour eux, ni les combats sanglants, ni les moyens d'éliminer les adversaires innombrables sur la route de Boy, ni la méchanceté et la bêtise crasses des méchants, ni même le twist final et le dénouement encore plus féroce et sentimental que ce qui a précédé.

En fait, Boy Kills World n'a qu'un seul vrai équivalent : celui des cartoons de Tex Avery. Car, même si dans sa dernière partie, l'humour se dissipe pour faire place à une ambiance plus primale, rien n'est réaliste. Le film se joue de lui-même et se vautre dans l'outrance comme un gamin saute dans les flaques pour embêter ses parents. Moritz Mohr pousse les potards à fond, il est grossier, il souligne l'absurdité totale de son projet en testant en permanence la tolérance du spectateur.

Mais le fait est qu'on rigole beaucoup à ces dingueries. Le personnage du résistant Benny s'exprime apr exemple dans un charabia hilarant que fait semblant de comprendre Boy, sur le conseil de sa soeur (ou plutôt du fantôme halluciné de celle-ci). Gideon est le dramaturge de la famille Van Der Koy mais les discours qu'il écrit pour son beau-frère Glen sont remplis de métaphores fumeuses et son vrai moment de gloire est le piège qu'il tend à Boy dans une mise en scène grotesque avant un retournement de situation qui en dit long sur la pathétique du bonhomme.

Même les personnages les plus coriaces sont affublés d'une part de loufoquerie : June27 porte un casque dont la visière voit défiler des propos laconiques remplaçant ses dialogues ("tu vas mourir", "casse-toi"). Melanie se rêve en productrice d'un jeu de massacre qui est surtout très contrariée quand cela ne se déroule pas comme elle l'avait écrit. Quant à Hilda, c'est l'archétype de la matriarche parano dépassée par ce qu'elle a conçu.

Et que dire du chaman ? Il est incarné par Yayan Ruhian qui joue comme s'il était sous LSD, grimaçant à qui mieux-mieux, il est flippant à souhait et révèle des talents de combattant bluffant comme seul un maître des arts martiaux qu'il est en réalité peut l'être (il a déjà brillé dans des actioneers comme The Raid, John Wick...). A tel point qu'il vole chacune des scènes dans lesquelles il apparaît par la folie de son regard et ses prouesses physiques.

Découvrir Boy Kills World après The Fall Guy est instructif car on voit vraiment à quel point les stuntmen créent de véritables exploits. Bill Skarsgard s'est sculpté un corps assez incroyable, tout comme Jessica Rothe dans le rôle de June27 (initialement prévue pour Samara Weaving), et ils ont tous deux assuré un maximum de scènes sans doublures. Mais ce que nous a montrés le film de David Leitch, c'est que si certains acteurs sont capables de faire leurs propres cascades (ou du moins certaines d'entre elles), c'est aussi grâce au travail préparatoire des stuntmen, dont le boulot consiste aussi à prévenir les accidents, à entraîner les comédiens, à superviser le tournage de ces scènes avec le réalisateur.

Famke Janssen, Michelle Dockery, Sharlto Copley et Brett Gelman (particulièrement déchaîné) composent des méchants bien allumés face à Skarsgard, impressionnant (même si c'est vrai que la voix off est parfois un peu envahissante et même superflu dans la dernière ligne droite).

Bref, vous l'aurez compris, Boy Kills World est un long métrage dément, flirtant volontiers avec la série Z mais avec une radicalité sauvage inouïe.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire