Hollywood. 1951. Eddue Mannix est responsable de production pour le studio Capitol Pictures : son job consiste à s'assurer que tout se passe bien pour les vedettes sous contrat sur et en dehors des plateaux de tournage. Il doit notamment les préserver des chroniqueuses mondaines toujours à l'affût d'un scandale comme Thora et Thessaly Thacker, deux jumelles rivales. A cette époque, Mannic est courtisé par la concurrence, la Lokcheed Corporation, qui lui offre un salaire et des horaires plus avantageux.
Après avoir appris que DeeAnn Moran était enceinte mais séparée du père de son futur enfant, Mannix apprend que Baird Whitlock, la plus grande star du studio, qui tourne un péplum sur la vie de Jésus, est introuvable. Il vient d'être drogué et enlevé par deux figurants qui le transportent jusqu'à une villa en bord de mer où, lorsqu'il revient à lui, il est accueilli par un groupe de scénaristes placés sur la liste noire en raison de leur sympathies communistes et qui ont demandé une rançon à Capitol Pictures.
Mannix reçoit la demande de rançon alors que Hobbie Doyle, vedette de westerns, est appelé pour remplacé l'acteur principal de la nouvelle comédie de moeurs réalisée par Laurence Laurentz qui ne parvient pas à gommer son accent prononcé de l'Ouest américain. Quand le cinéaste vient s'en plaindre à Mannix, celui-ci refuse de changer Hobbie qui le remercie ensuite et apprend d'Eddie ce qui est arrivé à Whitlock et souhaite apporter son aide.
Le jeune premeir ignore qu'il jouera en effet un rôle décisif dans l'affaire alors qu'il emmène la starlette Carlotta Valdez à la projection de son dernier western...
Hail, Caesar ! est le dernier long métrage écrit et réalisé par les frères Coen pour le cinéma. Après ça, ils tourneront pour Netflix le western à sketches La Ballade de Buster Scruggs, dont la production sera difficile, puis se sépareront pour se consacrer à des projets solos (Drive-away Dolls pour Ethan, The Tragedy of MacBeth pour Joel).
On peut douter que les deux frangins songeaient à aller chacun de leur côté en 2016, mais rétrospectivement, il est troublant de revoir Avé, César ! car ce film apparaît à la fois comme la synthèse de leur oeuvre et un hommage au 7ème Art, d'une grande drôlerie et d'un esthétisme magnifique.
L'action se concentre sur une journée dont Eddie Mannix, un fixer pour un grand studio (fictif) de cinéma des années 50 à Hollywood, est le héros. Il doit veiller à ce que tout fonctionne sur et en dehors des plateaux de tournage et il cavale donc de set en set, jonglant avec les coups de fil incessants des départements et composant avec les caprices des stars, le harcèlement des commères de tabloïds et sa propre vie privée. Sans oublier qu'un studio concurrent cherche à le débaucher avec une offre mirobolante.
Tout s'accélère quand Baird Whitlock, un comédien aussi populaire qu'idiot, se fait enlever. Il est conduit dans une villa qui tient lieu de repaire à un groupe de scénaristes d'extrême gauche s'estimant spoliés par les majors et voulant, pour se venger, les rançonner tout en glissant dans leurs scripts des messages pro-communistes. Whitlock est endoctriné en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire tandis que Mannix cherche à remonter le cours des événements ayant précédé la disparition de sa vedette.
Joel et Ethan Coen ont écrit, réalisé, monté le film, avec à la photo le génial Roger Deakins : le résultat est somptueux et reconstitue à merveille l'ambiance effervescente d'un studio de l'époque, le faste des productions, la diversité des genres mis en scène. De fait, on passe, en suivant Mannix, d'un plateau à un autre, et on découvre les coulisses d'un ballet aquatique façon Bubsy Bekerley avec une sirène imitant Esther Williams, puis un western avec un cowboy chantant comme Ricky Nelson, une comédie musicale à la Gene Kelly-Stanley Donen et une comédie sophistiquée comme Ernst Lubitsch ou Billy Wilder en tournaient, sans oublier le péplum avec un simili Robert Taylor.
Ce qui est fou, c'est que le faste apparent de ces films dans le film ne font pas de Avé, César ! un gros budget : il n'a coûté que 22 M $ (et en a rapporté le triple) ! Tout le savoir-faire des Coen éblouit, mais toujours au service d'un scénario puisque tous les protagonistes ont un vrai rôle dans l'intrigue (même si DeeAnn Moran est plus périphérique). On a en tout cas rarement vu une telle anthologie, dégageant une telle bonne humeur.
La matière est dense mais le traitement léger, aérien même : les Coen sont toujours aussi facétieux, riant gentiment de la bêtise des vedettes, de la mesquinerie des commères (les soeurs Thacker s'inspirent d'Hedda Hopper et Louella Parson, deux chroniqueuses mondaines redoutables de l'époque), sans occulter le pathétique des sympathisants communistes dans l'industrie qui allaient être sacrifiés par le maccarthysme et lâchés par les soviétiques. Les deux cinéastes pimentent le tout de références qui échapperont au plus grand nombre mais qui ne manquent pas de saveur : par exemple, Hobbie porte un dentier comme Clark Gable, Baird est un homo honteux comme Laurentz et cela renvoie à des précédents comme Cary Grant et George Cukor. Mannix lui-même, s'inspire d'un homonyme qui travaillait pour la MGM. L'affaire de la grossesse de DeeAnn Moran est calquée sur celle de Loretta Young. Et même le petit rôle de la monteuse C.C. Calhoun tenu par Frances McDormand ressemble à s'y méprendre à Leni Riefenstahl. Quant aux scénaristes de la liste noire, ils furent innombrables, mais on peut retenir les noms de Abraham Polonsky, Jules Dassin, etc.
Pour le casting, à l'image d'un Wes Anderson ou d'un Quentin Tarantino, tout le monde se battait alors pour figurer dans un opus des Coen : ils ont donc pu diriger Scarlett Johansson (sublime), George Clooney (hilarant), Channing Tatum (épatant), Tilda Swinton (extraordinaire dans un double rôle), Alden Ehrenreich (parfait), Jonah Hill (troublé et on le comprend...), Ralph Fiennes (magistral). Allant de l'un à l'autre avec une élégance autoritaire impeccable, Josh Brolin est excellent de bout en bout.
Salut romain et pouce en l'air pour cette pépite.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire