mercredi 15 mai 2024

DES AGENTS TRES SPECIAUX - CODE : U.N.C.L.E. (Guy Ritchie, 2015)


1963. L'agent de la C.I.A Napoleon Solo est envoyé à Berlin Est pour exfiltrer Gaby Teller, fille du savant Udo Teller. La mission accomplie, son supérieur l'informe qu'il va devoir faire équipe avec l'agent du K.G.B. Illy Kuryakin afin de retrouver Udo Teller enlevé par Victoria et Alexander Vinciguerra pour qu'il mette au point une ogive nucléaire afin de la vendre au plus offrant.
 

Solo, Kuryakin et Gabu se rendent à Londres. Gaby fait passer Illy pour son fiancé auprès de son oncle Rudi, proche des Vinciguerra, tandis que Napoleon aborde Victoria en prétendant être un antiquaire susceptible de lui fournir des oeuvres d'art pour sa collection privée. La nuit venue, Solo et Kuryakin infiltrent un entrepôt où serait stocké de l'uranium pour l'ogive nucléaire mais celui-ci a été déplacé et ils sont surpris par les gardes du site.


Le lendemain, Gaby est invitée chez les Vinciguerra. Kuryakin la surveille de loin. Solo, lui, revoit Victoria qui l'a démasqué et le drogue puis le livre à Rudi Teller, qui a un passé de tortionnaire dans les camps de la mort. Gaby trahit les deux agents secrets afin de pouvoir revoir son père et Alexander la conduit sur l'île où il travaille. Kuryakin sauve Solo avant que Weaverly, officier du MI6, les aborde afin de poursuivre la mission sous ses ordres avec l'accord de leurs supérieurs respectifs...


Comme j'ai écrit sur The Ministry of Ungentlemanly Warfare en citant The Man from U.N.C.L.E. comme mon film favori jusque-là ce Guy Ritchie, je me suis dit : revoyons-le, pour savoir s'il est toujours aussi bon que dans mes souvenirs. 


Je ne vais pas faire durer le suspense : c'est un film qui vieillit bien. Comme beaucoup de projets similaires, cette adaptation de la série jouée par Robert Vaughn et David McCallum dans les années 60 a connu bien des péripéties avant de voir le jour. Il faut dire qu'il existe un précédent resté dans les mémoires et qui incite à le prudence chez les producteurs : je veux parler du film Chapeau Melon et Bottes de Cuir, un navet absolu doublé d'un bide noir.


Quentin Tarantino aurait exprimé le premier son désir de s'attaquer à Des Agents très Spéciaux, mais c'est une information à prendre avec des pincettes vu le nombre de projets qu'on a prêtés au cinéaste et sur lesquels il n'a dans les faits jamais travaillé réellement (un peu comme son film Star Trek qui relevait du fantasme ou de son envie relative à Casino Royale datant d'avant la relance de James Bond avec Daniel Craig).


C'est donc finalement Guy Ritchie et Lionel Wigram qui ont signé le script définitif. Ritchie était un fan de la série original mais désirait lui donner un peu plus de pep's tout en la situant dans le contexte originel de la guerre froide entre l'U.R.S.S. et les Etats-Unis : c'est ainsi qu'il a souligné la tension entre Napoleon Solo et Illy Kuryakin qui passent tout le film à se regarder en chien de faïence, forcés de collaborer mais prêts à tuer l'autre in fine.

L'autre ajout important consiste dans la caractérisation des deux agents : Solo a un passé de soldat et de trafiquant d'oeuvres d'art récupérées chez des nazis dans l'immédiat après deuxième guerre mondiale puis de monte-en-l'air recherché par plusieurs forces de police dans le monde. Une fois arrêté, il a accepté de rentrer au service de la CIA pour éviter une peine de prison. De son côté, Kuryakin est décrit comme le fils d'un dirigeant soviétique envoyé au goulag et formé pour devenir une véritable machine à tuer, animé par des pulsions psychotiques dès qu'on lui rappelle ce qu'il est advenu de son père ou qu'on se moque de son pays. Le flegme permanent de Solo fait face à l'impassibilité bouillonnante de Kuryakin, et en définitive, le film est une sorte d'origin story, une sorte d'épisode zéro king-size de la série télé.

L'intrigue tourne autour d'un riche couple d'anciens sympathisants nazis qui ont kidnappé un savant pour qu'il leur conçoive une ogive nucléaire. Quand Solo et Kuryakin sont obligés de coopérer, ils chaperonnent la fille d'Udo Teller, ce scientifique kidnappé, afin de saboter l'ogive et appréhender les Vinciguerra. 

Tout est donc fait, et bien fait surtout, pour que, malgré les péripéties multiples qui ponctuent le récit, on ne soit jamais perdu, noyé sous un flot d'informations concernant les protagonistes. C'est aussi ce qui fait la qualité de The Ministry of Ungentlemanly Warfare où, dans un contexte historique chargé, avec des personnages en nombre, on n'est jamais largué, mais emporté par l'action.

On se dit alors que Ritchie, cinéaste par ailleurs discret, qui ne se répand pas dans la presse en déclarations fracassantes sur ce que doit être le cinéma de divertissement (contrairement à Quentin Tarantino, Matthew Vaughn, etc.), ne mérite vraiment pas les échecs commerciaux qu'il subit. Ses films sont élégants (ici, toute la reconstitution pop des années 60 est un régal), efficaces, assumant leur côté populaire et rétro. Mais alors pourquoi le grand public les boude fréquemment ? Des Agents très spéciaux était visiblement fait pour devenir une franchise (le superbe générique de fin tease une mission à Istanbul) et tous les fans du film l'ont longtemps espéré, mais sans être un four (son budget a été amorti, mais le studio a vraisemblablement jugé que les recettes générées étaient décevantes) ça n'a pas suffi.

Il y a parfois des échecs injustes, et même incompréhensibles, pas forcément de gros flops, mais des films qui, inexplicablement, ont tout pour plaire et pourtant qui ne font pas salle comble. Ce fut le cas de The Nice Guys, actuellement de The Fall Guy, et donc Des Agents très spéciaux. C'est comme si, d'un côté, les spectateurs étaient nostalgiques de ce genre de divertissement et, en même temps, quand on le leur livre sur un plateau d'argent, hé bien, ils ne se déplacent pas...

Dommage vraiment. Mais souvent les DVD ou les plateformes de streaming sont là pour donner une seconde vie à ces longs métrages qui acquièrent alors un statut culte. Henry Cavill est extraordinaire en Napoleon Solo imperturbable et tombeur face à Alicia Vikander en fille de savant aussi doué que son père. Hugh Grant est excellent en officier suffisant. Elizabeth Debicki est impériale en femme fatale hyper classe. Le film rappelle aussi qui fut Armie Hammer, taillé pour devenir une star, surtout après Call me by your name, mais qui s'est retrouvé dans une affaire rocambolesque et sordide (un échange de textos où une femme l'accuse de penchants cannibales puis de viol, ce qui lui coûtera de nombreux rôles, un procès aboutissant à un non-lieu mais sa mise au ban par le tout Hollywood).

Il y a donc bien des raisons de regretter le sort réservé à ce bijou, brillamment écrit, réalisé et joué. Et autant de raisons de le (re)voir pour le réhabiliter.

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