HELLHUNTERS
(Hellhunters #1-5)
1943. Des soldats allemands tentent d'échapper à leurs homologues russes, mais ces derniers abandonnent leur poursuite à la sortie d'une forêt. En effet, les nazis tombent sur un démon qui, en échange de leur servitude à sa cause, leur promet l'immortalité. Le capitaine Felix Bruckner accepte ce marché avec ses hommes.
Six mois plus tard, en 1944, Sal Romero s'apprête avec ses camarades à sauter en parachute au-dessus d'une zone occupée en France, mais l'avion qui les transporte est détruit en vol. Romero s'en sort mais il tombe sur Bruckner et ses hommes qui le l'achèvent. Le démon de la vengeance Zarathos offre à Romero de venger ses compagnons en devenant son bras armé. Peu après, il tombe nez à nez avec les Howling Commandos de Nick Fury, Peggy Carter et Sebastian Szardos.
Une alliance se forme puisqu'ils traquent les mêmes individus. Puis le groupe gagne un membre supplémentaire en la personne d'un soldat canadien, Logan, qui a été obligé de tuer ses amis possédés par Bruckner. Tous ensemble, ils gagnent un campement militaire américain où stationne Captain America qui les introduit auprès du colonel Philips. Romero fait la connaissance de Bucky qui souhaite participer à leur mission...
Le recueil de cette mini-série ne paraîtra en vo qu'en Août prochain mais comme le cinquième et dernier épisode vient de sortir, je vous livre la critique de cette histoire désormais complète. Quoique... Philip Kennedy Johnson a exprimé son envie de la poursuivre. Est-ce que Marvel accèdera à sa requête ? Tout dépendra de l'appréciation des chiffres de vente par l'éditeur...
Avant d'entrer dans le vif du sujet, c'est la première fois que je lis un récit écrit par Philip Kennedy Johnson, un auteur qui signe actuellement la série Hulk mais auquel est souvent reproché sa narration très décompressée. Qui plus est, je ne suis pas un grand fan de comics horrifiques et donc j'ai lu Hellhunters un peu à reculons au début.
Puis le charme a opéré. Ce n'est pas un chef d'oeuvre, mais ça ne prétend pas l'être. Au contraire, Kennedy Johnson semble surtout avoir voulu rendre un hommage appuyé aux séries B en mixant récit de guerre, super-héros et horreur, en s'inspirant des comics publiés dans les années 50 chez Timely (pré-Marvel donc) comme chez DC (avec Sgt Rock) ou EC (avec les anthologies Creepy, Eerie).
C'est ce qui m'a séduit dans son projet : utiliser des figures connues à divers degrés mais dans un cadre rétro et en assumant les emprunts aux genres précités. Souvent, trop souvent, les mini séries Marvel manquent de saveur parce qu'elles sont surtout conçues comme des bouche-trous, des histoires sans intérêt ni conséquences (ou alors des conséquences que personne ne creuse ensuite).
Kennedy Johnson, lui, a pris le parti d'écrire une intrigue à la fois simple, divertissante et musclée que seul lui, donc, pourra reprendre si Marvel lui en donne la permission. Ce n'est pas hors continuité, mais on peut imaginer d'autres aventures avec cette bande de héros sans que cela n'oblige à des retcons. Et c'est vraiment malin et plaisant.
On sait que le cadre de la seconde guerre mondiale a été le théâtre de l'apparition des premiers super-héros de l'éditeur qui ne s'appelait pas encore Marvel : Jack Kirby et Joe Simon ont créé Captain America comme leur réponse au régime nazi, Namor est sorti de l'imagination de Bill Everett (un auteur complet trop oublié), la première Torche Humaine était le produit de Carl Burgos (lui aussi trop oublié).
Ensuite, quand Stan Lee avec Kirby, Steve Ditko et bien d'autres ont établi l'univers Marvel, certains personnages ont eu des origines liées au conflit mondial de 39-45, notamment Wolverine, Ghost Rider, Magneto, le professeur Xavier, etc. C'est exactement ce qu'exploite ici Philip Kennedy Johnson en imaginant une itération inédite des Howling Commandos de Nick Fury.
Le récit emprunte très vite les voies du fantastique et de l'épouvante avec un démon russe, né du châtiment infligé à une jeune femme amoureuse du diable, et qui asservit des soldats allemands, puis de l'esprit de la vengeance, Zarathos, qui est le créateur des Ghost Rider. Sebastian Szardos, le "soldat suprême" est aussi de la partie, détenteur à l'époque de l'Oeil d'Agamotto.
Si le début est un peu lent, et que le lecteur peut craindre que le scénario n'introduise un nouveau personnage à chaque épisode comme seul élément moteur, l'ensemble prouve que l'intrigue évolue de manière fluide et énergique. Les rencontres successives du Ghost Rider Sal Romero avec Nick Fury, Peggy Carter et Sebastian Szardos, puis Logan puis Bucky Barnes sont efficacement menées.
En parallèle, la menace de Calphaël, le démon qui se sert des nazis puis d'autres soldats pour dominer le monde et affronter Zarathos, se déploie de façon tout aussi dynamique, avec des moments intenses. Jusqu'à l'inévitable bataille finale, qui s'avère effectivement spectaculaire et indécise jusqu'au bout, même si la Grande Histoire est tout de même respectée.
Les dessins ont été confiés à un artiste que j'aime beaucoup, Adam Gorham, mais qui n'a pas la reconnaissance qu'il mérite. Je l'ai découvert avec Punk Mambo, un personnage de l'écurie Valiant, et surtout avec The Blue Flame, une mini série formidable écrite par Christopher Cantwell que je recommande chaudement.
C'est un choix parfait car il a un trait très expressif et une narration graphique très nerveuse, ce qui convient idéalement à un tel récit. Gorham est inspiré par Joe Kubert, le maître des récits de guerre, mais sans le singer. Il accorde à chaque protagoniste de superbes planches et se montre un complément impeccable au script de Kennedy Johnson.
L'un dans l'autre, ce projet, atypique mais vraiment chouette, m'a fait un peu penser à 5 Ronins de de Peter Milligan qui imaginait, à la façon d'un What if... ?, ce qu'auraient été certains personnages iconiques de Marvel dans le japon féodal. Ici, l'histoire est plus linéaire, moins expérimental et exotique, mais tout aussi divertissante.
J'espère vraiment qu'on aura une suite, avec évidemment le même scénariste et le même dessinateur. Marvel serait bien inspiré de développer un label permettant ainsi à des équipes créatives de s'amuser à côté de la quantité astronomique de séries régulières souvent médiocres qui inondent le marché. Mais oseront-ils seulement ?