Duncan, Samantha et Jebediah Swano procèdent à l'enterrement de Brio, tué dans leur dernier combat, victorieux, contre la Cascade. A cette occasion, Samantha s'interroge sur la présence de sa mère dans les rangs de la Cascade qui s'apprête à lancer une nouvel assaut sans se douter que, cette fois, ils vont tomber dans un guet-apens...
Les comics, depuis longtemps, ne sont plus adressés aux enfants. Ce qui leur a valu d'être souvent considéré comme de la sous-littérature au style manichéen a progressivement dérivé vers une production ciblant un public d'adultes, souvent des lecteurs de longue date, ce qu'on appelle une niche. On peut le déplorer, mais c'est ainsi.
Aux Etats-Unis, où on ne rigole pas avec la censure, il est ainsi spécifié pour chaque épisode à quelle tranche d'âge un comic-book est recommandé. Bien entendu, on ne va pas arrêter celui qui le vend s'il ne surveille pas l'âge de son client, mais enfin c'est une recommandation, comme pour les films. Et souvent, pour les comics indés, on remarque la mention "for mature readers".
C'est le signe que ce que se trouve dans les pages du comic-book est pour les adultes, les "mature readers". Et je serai tenté d'avertir que ce septième épisode de The Moon is following us est pour ce public averti. Mais on pourrait en dire de même de toute la série qui explore des territoires sensibles. Mais, en même temps, qui, parmi le lectorat "jeune", lit encore des comics quand le manga règne ?
Pourquoi cette prévention ? Parce que cet épisode est particulièrement éprouvant. Il traite du deuil et des abus sexuels sur mineurs. Sans racolage, sans vulgarité, mais sans détour non plus. Et on finit sa lecture dans un état second, ébranlé. Parce qu'on n'a rien vu venir et que la perspective de la série s'en trouve complètement changée.
Je comprends désormais mieux pourquoi Daniel Warren Johnson comme Riley Rossmo mettaient en garde ceux qui allaient lire leur projet commun. Mais ça interroge aussi sur l'aspect personnel qu'ils ont reconnu avoir glissé dans cette histoire. En tout cas, c'est très fort, très puissant, bouleversant.
Je n'ai pas toujours été tendre avec The Moon is following us. Mais je ne changerai rien à ce que j'ai pu en dire. Selon moi, c'est une bande dessinée qui souffre de longueurs, dont la première partie est laborieuse, et qui prend son envol trop tardivement. Cependant, je dois aussi reconnaître que depuis deux mois, les auteurs ont spectaculairement redressé la barre.
Et quand on lit un épisode comme celui-ci, on se rend compte qu'on tient dans ses mains un objet certes imparfait mais tout de même sacrément costaud. Reprenons : lors des funérailles de Brio, cette grenouille qui est l'incarnation d'un des jouets de leur fille Penny, Duncan et Samantha disent adieux à un ami qui a payé de sa vie leur quête pour retrouver la fillette.
Cet événement, déjà triste en soi, provoque une réaction chez Sam : pourquoi sa mère, morte, fait-elle partie de la Cascade, cette horde qui retient dans la dimension des rêves l'esprit de Penny ? Et si c'était la manifestation de quelque chose que Sam n'avait pas réglé avec sa mère ? Et si sa mère était là parce que la fille n'a jamais fait vraiment son deuil, n'avait jamais accepté cette perte ?
Ces questions percutent le lecteur qui comprend en même temps que les deux héros beaucoup de ce que le récit ne faisait que suggérer jusque-là. Cette dimension des rêves et aussi des cauchemars de Penny matérialise non seulement l'inconscient de la fillette mais aussi celui de ses parents. Donc les obstacles qu'ils y rencontrent ne sont rien d'autre que leurs propres fantômes, leurs propres démons, leurs propres peurs.
Qu'y-a-t-il de plus effrayant que de perdre un enfant ? Sans doute le fait d'avoir, quand on était soi-même enfant, perdu ses parents, d'être devenu orphelin et de devoir affronter ce vide ? Ou alors... De se rappeler un souvenir, enfoui, refoulé, si abominable qu'il vous laisse en état de choc, tétanisé sur le champ de bataille ? C'est ce qui va arrivé à Duncan, confronté à un traumatisme d'enfance qui refait surface...
J'ai certes spoilé d'entrée, mais dans cette logique d'avertissement. C'est un épisode très rude et quand vous lire cette série, lorsqu'elle sera immanquablement traduite, il faudra vous préparer à quelque chose d'éprouvant. Derrière les couleurs flashy, les dessins pittoresques de Riley Rossmo, il y a quelque chose de noir et de remuant.
Daniel Warren Johnson et Riley Rossmo accèdent à quelque chose qui dépasse le simple statut d'auteurs de comics. The Moon is following us s'aventure sur un terrain glissant mais que les deux hommes abordent avec pudeur et franchise à la fois. Le lecteur est touché en plein coeur. Si vous n'avez pas envie de pleurer après avoir lu cet épisode, vous êtes vraiment blindé.
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