lundi 10 mars 2025

REDCOAT, VOLUME 1 (Geoff Johns / Bryan Hitch)


REDCOAT, VOLUME 1
(Redcoat #1-7 + material from Geiger 80-Page Giant #1)


1776. La guerre d'indépendance fait rage en Amérique du Nord. Simon Pure, soldat britannique, déserte et se réfugie dans une église qu'il pense abandonnée. Mais dans la nuit, il est réveillé par des voix et surprend alors une scène étrange au cours de laquelle Benjamin Franklin se plie à un rituel du Culte des Pères Fondateurs. Simon tombe de son perchoir et interrompt la cérémonie avant d'être frappé par un rayon lumineux destiné à Franklin.


1892. Poursuivi par des créanciers, Simon Pure est tué et enterré. Mais il ressuscite et un garçon allemand de douze ans le sort de son cercueil en se présentant : Albert Einstein. Il commence à lui expliquer qu'il a besoin de lui pour sauver l'Amérique d'une malédiction lorsque les membres cagoulés du Culte des Pères Fondateurs resurgissent et le poursuivent. Simon est blessé par une hache que récupère le jeune Albert avant de semer leurs assaillants.


Simon et Albert gagnent New York où Benedict Arnold, un autre immortel, ami de Pure, établi dans la haute société, accepte de les aider. Mais il doit d'abord raccompagner sa fiancée, Juliet Morgan, chez elle. Pendant ce temps, Albert découvre une pièce cachée dans les appartements de Benedict et parmi les reliques qui s'y trouvent il y a un livre de sortilèges. Une nouvelle fois, les membres du Culte des Pères Fondateurs attaquent et cette fois capturent Simon et Albert.


Albert, enfermé dans une cellule, réussit à s'en échapper et délivre Simon sur le point d'être sacrifié par le Culte qui veut ainsi provoquer un gigantesque incendie destiné à purifier les Etats-Unis pour y installer un nouvel ordre. Simon et Albert trouvent la sortie où Benedict les attend après les avoir suivis. Il leur révèle que le Grand Architecte du Culte ne serait autre que George Washington, ayant lui-même accédé à l'immortalité ! 


De retour chez Benedict, Albert trouve un indice laissé là par le Culte sur l'adresse où ses membres doivent se réunir le soir-même : le S.S. Majestic. Mais Simon refuse que le garçon les suive, lui et Benedict. Bien entendu, une fois les deux hommes partis, Albert les file...


C'est un résumé assez long, j'en conviens, mais qui ne spoile rien, rassurez-vous. Le premier arc de Redcoat compte sept épisodes plus du matériel extrait de Geiger 80-Page Giant #1, parus respectivement en 2024 et 2023, et regroupés dans un recueil sorti le 5 Mars dernier. J'ai préféré cet album vo à 14,99 $ à l'édition vf de Urban Comics (où l'on trouve aussi la mini-série Tales of The Unnamed : The Blizzard) à 32 Euros.


J'ai d'ailleurs décidé de ne plus lire les séries du label Ghost Machine qu'en trade paperback (et ainsi j'ai revendu mes floppies de The Rocketfellers dont j'ai effacé les critiques et dont je parlerai quand le premier recueil sera disponible). Pour Redcoat, nul besoin de prérequis sur l'univers de The Unnamed, même si cette série s'inscrit dans un corpus comprenant Geiger, Junkyard Joe et prochainement First Ghost.

Geoff Johns a pendant longtemps été l'architecte du DCU avec des succès comme JSA ; Green Lantern ; Justice League. Puis son étoile a lentement pâli quand son nom fut mêlé à la débâcle du Snyder-verse au cinéma et que Jim Lee, après l'éviction de Dan Didio, devient le seul vrai capitaine de DC Comics. Finalement, Johns a quitté le navire sur un ultime run de Justice Society of America l'an dernier.

Mais entre temps, il avait commencé à mettre en oeuvre son grand projet en creator-owned, d'abord avec les séries Geiger (dessinée par son vieux complice Gary Frank) puis Junkyard Joe (toujours avec Frank), jusqu'à la création du label Ghost Machine hébergé par Image Comics. Fort d'un carnet d'adresses en or, Johns a convaincu plusieurs de ses amis de le rejoindre, contrat d'exclusivité et liberté artistique à la clé.

Redcoat est donc le quatrième titre (après Geiger, Junkyard Joe et Hyde Street) qu'écrit Johns pour Ghost Machine. Comme les trois autres, il n'a rien à voir avec l'univers des super-héros (notoirement absent des productions du label). Mais le plus surprenant, c'est qu'il s'agit d'une histoire historique, fantastique et picaresque.

Le héros est Simon Pure, un soldat britannique déserteur durant la guerre d'indépendance, devenu immortel après avoir interrompu une cérémonie occulte ayant pour acteur Benjamin Franklin. Un siècle après cet événement, au lieu de mettre à profit ce cadeau, Pure est resté cet individu médiocre, sans ambitions, collectionnant les aventures amoureuses et les dettes.

Après avoir été tué par des créanciers, il est déterré par un jeune garçon allemand qui tente de le convaincre qu'il peut sauver les Etats-Unis d'une vaste conspiration apocalyptique. Ce gamin n'est autre qu'Albert Einstein et il aura bien du mal à impliquer Pure qui pense d'abord à échapper à de mystérieux hommes en cagoules semblables à ceux qui l'ont rendu immortel.

S'ensuit un récit échevelé, sans temps mort, avec moult courses poursuites dans le New York de 1892, en compagnie d'un autre immortel, au coeur d'un complot ourdi par George Washington. On n'attendait vraiment pas Johns sur ce terrain mais il s'y montre étonnamment à son aise, semblant avoir trouvé un nouveau souffle et un regain d'audace.

C'est manifeste à la fois dans la caractérisation de Simon Pure, un gredin égoïste, lâche, obligé de se mêler de cette affaire quand il apprend que ses jours sont comptés ; mais également dans le ton du scénario. En effet, on rit souvent tout au long de récit palpitant, avant un final dont l'émotion vous saisit de manière imparable - le 7ème épisode est un épilogue détaché du reste mais poignant.

Johns n'est pas le seul à avoir voulu surprendre ses fans puisqu'il a attiré Bryan Hitch, co-créateur à part entière. L'artiste qui avait fait le tour de Marvel (où il n'a jamais fait mieux que ses épisodes sur Ultimates) et DC (où il a été à la fois scénariste et dessinateur) voulait manifestement sortir de sa zone de confort.

Mais Hitch reste Hitch, ce bonhomme taillé pour la démesure. Avec Andrew Currie à l'encrage (un de ses partenaires favoris), et après avoir complètement changé sa façon de travailler suite au diagnostic de ses troubles bipolaires, il affiche désormais un rendement impressionnant alors qu'à ses débuts il avait du mal avec les deadlines.

Aujourd'hui, le trait de Hitch a perdu de sa rondeur mais a gagné en efficacité et en volume. Si vous aimez ses planches bourrées de détails, ses décors fournis, ses personnages réalistes avec des vêtements d'un réalisme pointilleux, alors la lecture de Redcoat va vous combler. L'artiste a lui aussi, comme son scénariste, trouvé une nouvelle jeunesse.

On ne l'avait pas vu si inspiré, si motivé depuis des lustres. De son propre aveu, cette série lui a redonné l'envie et c'est ce qu'il a signé de plus abouti depuis son run sur Hawkman (en 2018). Il donne à Simon Pure les traits de l'acteur Charlie Hunnam (vu notamment dans Triple Frontière et bientôt dans la série Criminal d'après les comics de Ed Brubaker et Sean Phillips), sans que cela ne parasite la lecture.

Lorsqu'au #7, il doit représenter Einstein en 1955, la ressemblance est également parfaite avec le grand physicien. Mais il ne faudrait pas limiter les efforts de Hitch à son talent de portraitiste. Son découpage est très énergique, ses compositions à la fois amples et parfaitement maîtrisées, le flux de lecture est d'une fluidité parfaite. Grâce à l'artiste, Redcoat s'impose comme une réussite totale.

Si totale que, d'ailleurs, ce premier arc se suffit à lui-même. Il pourrait s'agir d'une mini-série et ce serait impeccable. Mais Johns et Hitch ont repris le collier, après une brève pause, et, ma foi, cela donne très envie de découvrir où ils vont entraîner Simon Pure surtout quand on sait, d'après les planches extraites de Geiger 80-Page Giant Special #1, que l'immortel est encore vivant au XXIème siècle...


A suivre donc.

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