jeudi 15 mai 2025

THUNDERBOLTS* (Jake Schreier, 2025)


Valentina Allegra de Dontaine, directrice de la C.I.A., est interrogée par une commission parlementaire qui lui reproche d'être restée conseillère pour O.X.E., une compagnie privée, impliquée dans des expériences sur des êtres humains. Afin de ne pas être destituée, elle commande à plusieurs de ses agents de détruire tout ce qui pourrait la rattacher à ses activités passées.


Yelena Belova détruit ainsi un laboratoire en Malaisie avant d'être envoyée dans une base secrète où était développé le projet Sentry. Sur place, elle trouve John Walker/U.S.Agent et Ava Starr/le Fantôme et le Maître de Corvée avec lesquels elle se bat avant de (leur faire) comprendre que de Fontaine comptait qu'ils s'entretuent. C'est alors que surgit Bob, un jeune homme placé dans un caisson en animation suspendue... Et que toutes les issues du complexe se referment sur eux !
 

Ils décident de s'allier pour sortir de là et, une fois dehors, pour passer les barrages mis en place par des soldats appelés en renfort par de Fontaine, ils s'échappent grâce au sacrifice de Bob qui est fusillé. Alexei Shostakov/Red Guardian vient récupérer Yelena et ses compagnons avant qu'ils ne soient tous capturés par Bucky Barnes/le Soldat de l'Hiver qui veut qu'ils témoignent contre de Fontaine. En route pour New York où leur cible les attend avec un atout décisif mais très instable en main...


En Octobre dernier, j'écrivais dans ce blog ce qui allait être ma dernière critique de film. Ce n'était pas prémédité mais je voyais bien que ce genre d'article n'intéressait pas beaucoup ceux qui lisaient mes compte-rendu sur les comics et, de fil en aiguille, j'ai abandonné le projet de parler de longs métrages. Je ne pense d'ailleurs pas revenir sur cette position.
 

Mais je me suis quand même dit que j'allais rédiger quelque chose sur Thunderbolts* puisqu'il s'agit d'une adaptation d'un comic-book, et accessoirement le 36ème film du MCU. J'avais envie de le défendre alors que, jusqu'à présent, j'ai surtout des analyses assez tièdes à son sujet alors que, de mon côté, j'ai particulièrement apprécié cet opus.


J'ai même presque envie de dire que c'est mon film Marvel préféré depuis des lustres, mais plus encore que c'est un film que j'apprécie au-delà de son appartenance au catalogue de son studio. Parce que j'ai le sentiment que, chose rare, il traite d'autre chose que de simples super-héros, du folklore qui leur est associé, et que, rien que pour ça, il mérite une place à part.

Thunderbolts* clôt la Phase V du MCU (la Phase VI sera inaugurée avec Fantastic Four : First Steps), mais qui s'en soucie encore ? Depuis Avengers : Endgame, même les fans les plus mordus du MCU ont perdu la flamme. Trop de films moyens ou médiocres, trop de séries sans intérêt, trop d'interconnections entre le cinéma et Disney+... La fatigue a gagné les rangs des supporters.

Aujourd'hui, le studio veut se refaire la cerise et mise tout sur les FF d'abord puis le diptyque Avengers : Doomsday/Secret Wars, pour lequel Kevin Feige a convaincu les frères Russo de revenir (et Robert Downey Jr. de jouer le Dr. Fatalis, contre un casting gargantuesque). En vérité, le gâteau apparaît davantage trop garni qu'appétissant.

En face, du côté du DCU, James Gunn se prépare à sortir son Superman et veut revenir aux bonnes histoires, privilégier la qualité à la quantité. On verra qui sortira gagnant de ce match, mais, pour moi, la vraie hype, au ciné comme dans les comics, est plus du côté de DC que de Marvel. Marvel qui semble ainsi avoir distribué Thunderbolts* un peu à la sauvette, impatient de passer à autre chose...

Et c'est injuste même si le réalisateur, Jake Schreier, est déjà pressenti pour introduire les X-Men dans le MCU après Avengers : Secret Wars (mais ce ne sera pas avant 2028...). Qu'attendre d'un film ainsi projeté, sans star, sans grosse promotion, sans grande attente, juste avant la saison estivale ? Pas vraiment la production que les fans attendaient avec gourmandise.

Pourtant, allez savoir pourquoi, c'est justement cette modestie, ce côté outsider, qui m'a attiré depuis plusieurs mois. Si personne n'en avait envie, moi, si. Un simple film de super-héros ou d'anti-héros, sans multivers, sans tout ce qui a provoqué l'enlisement du MCU, inspiré d'une série imaginée à la fin des 90's par Kurt Busiek sur des super vilains qui se faisaient passer pour des justiciers en l'absence des vrais gentils.

Le film n'a pas grand-chose à voir avec ce concept initial, mais il n'en est pas complètement détaché non plus dans la mesure où tous ses protagonistes sont effectivement des vilains ou des méchants réformés, des individus ayant opéré dans l'ombre, la clandestinité, et pour le compte d'une manipulatrice en chef contre laquelle ils vont devoir se liguer alors même qu'elle dispose d'un joker imprévisible.

Le script de Eric Pearson et Joanna Calo compte trois actes : le premier met en scène la rencontre et l'alliance de ces outsiders quand ils comprennent qu'on veut se débarrasser d'eux ; le deuxième les voit récupérer par un de leurs semblables qui souhaitent en faire des témoins à charge ; et le troisième orchestre une confrontation inattendue moins contre un adversaire que contre leurs propres démons.

C'est la grande originalité du projet : ici, on ne va pas se battre pour éliminer un méchant classique, mais pour lui survivre car il est nettement trop fort, trop puissant. Et la solution ne passera pas par le tuer, par une grosse baston spectaculaire mais par une sorte de thérapie collective, dans le néant littéralement. 

Car ce qui lie tous ces personnages, c'est la dépression. Combien de films avec des super-héros avez-vous vu là-dessus ? Yelena est une espionne qui a passé sa vie à tuer sur commande, Bucky est un ancien assassin, Alexei est un pauvre type, Ava est un ancien rat de laboratoire, et le fameux Bob est un bipolaire transformé en dieu/diable.

Les héros sont fatigués et de ce point de vue, le film commente de manière subtile l'état du public de ce genre de divertissement. Les fans aussi se sont fatigués, lassés, ils n'ont plus la foi, ils traînent des pieds pour aller dans une salle de cinéma quand avant ils s'y précipitaient. Mais Marvel les a déçus, les a perdus, les a abandonnés. Ils n'ont plus le moral, ils n'y croient plus. Comme les Thunderbolts.

Et quand ceux-ci se trouvent face à un type avec des pouvoirs (alors qu'eux n'en ont pas), aussi puissant que tous les Avengers, manipulé par une garce, hé bien, ils sont résignés, ils savent qu'ils n'ont aucune chance. Sauf à l'affronter en faisant face à leurs propres tourments, en revivant leur passé douloureux et peu héroïque.

Alors, oui, Jake Schreier n'est pas un grand cinéaste (un peu comme Shawn Levy avec Deadpool/Wolverine), il emballe ça sans génie, mais proprement, en deux heures. Le film n'est pas trop long, en tout cas pas assez pour qu'on regarde sa montre, pas lourdingue au point de jouer la surenchère. Pas de débauche d'effets spéciaux, pas de tralala.

On est presque étonné de voir autant de scènes d'affilée tournées dans des décors réels, sans fond vert. On est ravi de suivre des personnages qui morflent physiquement, qui saignent, qui pleurent, qui gueulent, qui s'engueulent, qui ne font pas des blagues pourries pour ponctuer les moments vraiment perturbants. C'est peut-être la première fois que le MCU ose ça et ça fait du bien, un bien fou.

Si le film est plombé, il n'est pas plombant : il ose seulement, simplement, observer des héros qui ne vont pas bien, pour qui l'héroïsme ne va pas de soi, qui forment une équipe dysfonctionnelle, qui sont usés par leur drôle de vie. Qui sont sûrs de perdre. Jusqu'à ce qu'ils soient réunis par leur mal-être commun et l'intègre, se soutiennent, le partagent.

Drôle d'attelage que cette bande de dépressifs issus de films moyens ou de séries à peine passables, mais joués par des acteurs qui, sans partenaires plus prestigieux qu'eux, défendent leur partition avec une vraie motivation. Et ça aussi, ça fait du bien. Au fond, assez vite, on se fiche de savoir d'où ils sortent, s'il faut avoir vu le film ou la série d'où ils viennent : nous aussi, on a envie de les supporter, de les soutenir.

A ce compte, c'est Florence Pugh, la plus connue du lot, qui donne le la. Elle est comme toujours formidable, en en faisant ni trop ni trop peu. Débarrassée de Scarlett Johansson, elle anime sa Yelena avec sa propre sensibilité, dirigée par un réal' qui sait qu'elle a le talent pour tirer le reste du casting vers le haut.

Wyatt Russell, si transparent dans Falcon et le Soldat de l'Hiver, est ici impeccable. Sebastian Stan est également parfait dans le rôle de Bucky, même si, forcément, c'est lui qui est le moins creusé (car l'histoire de son personnage a déjà été bien creusé auparavant). Hannah John-Kamen s'impose autrement mieux que dans Ant-Man et la Guêpe. David Harbour est bien moins lourdingue que ce que j'ai lu sur sa prestation : sa balourdise souligne en vérité le pathétique de son personnage.

Julia Louis-Dreyfuss a réussi, pour la première fois, à me convaincre qu'elle était Valentina Allegra de Fontaine. Et Lewis Pullman est formidable dans la peau de Bob, aisément le rôle le plus casse-gueule qui soit.

On pourra déplorer que Olga Kurylenko soit si vite sacrifiée ou que Geraldine Vishwanathan ne soit pas mieux mise en valeur (mais elle brille à chaque fois qu'elle apparaît), mais on ne peut pas gagner sur tous les tableaux. Et surtout l'équilibre du film devait sans doute passer par là. Sans oublier de mentionner une bande-son magnifique de Son Lux.

Je ne vais pas vous dire de vous ruer dans votre cinéma le plus proche. Allez voir le film comme vous lisez un comic book seulement si vous en avez envie, c'est la condition sine qua non pour l'apprécier. Pour ma part, c'est une excellente surprise, d'autant plus grande que je n'en attendais rien, ou du moins pas autant. J'espère que ce sera aussi votre cas.

1 commentaire:

  1. Un moment chaud et froid : je suis à la fois heureux de retrouver enfin une de vos chroniques cinéma dont j'aime tant le ton… et bien triste que vous confirmiez que vous avez décidé de ne plus en faire. Ces chroniques, je les regrette d'autant plus que, grace à vous, j'ai découvert des tas de films à côté desquels j'étais passé. Je ne vous ai jamais écris de commentaires d'encouragement et je le regrette amèrement. C'est trop tard mais sachez que j'ai adoré vous lire ;-)
    Bon week-end
    Philippe

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