La menace exprimée par le groupe X-Term de lancer une attaque contre les Etats-Unis motive le général Mills à demander à X-Factor de soutenir un projet de loi visant à dénoncer les mutants considérés comme dangereux. Tous s'y refusent. C'est alors que Darkstar et ses acolytes assaillent la base où se trouvent X-Factor et l'armée...
Avant d'écrire cette critique, j'ai relu celles que j'avais déjà rédigées sur cette série, et j'ai été assez déçu parce qu'il me semble que je n'ai pas réussi à communiquer les raisons pour lesquelles X-Factor me semblait être le même titre depuis la relance de la collection X. C'est un sentiment frustrant d'aimer une bande dessinée et d'avoir l'impression de ne pas le dire clairement.
On peut s'en tenir à la description détachée des qualités du scénario et du dessin, mais le risque, c'est de paraître trop professoral en voulant trop expliquer en quoi le script est bon et les dessins valables. Or on sait tous qu'il y a une part d'irrationnel dans la lecture, celle qui nous pousse à supporter tel livre au-delà de ses qualités techniques.
On se laisse plus aller quand il s'agit d'évaluer un recueil d'épisodes que lorsqu'il faut analyser, mois après mois, chaque nouvel épisode. On est retenu par le fait de ne pas spoiler ce qui se passe, on cherche du fond, on tente de justifier la solidité d'une bande dessinée selon sa périodicité. Alors que, quand il s'agit d'un album, c'est un pack, il faut considérer l'ensemble de ce qu'il contient et pas forcément s'attarder sur les détails.
Dans le cas d'X-Factor, Mark Russell construit sa série sur des épisodes self-contained, mais il développe malgré cela une intrigue, celle qui concerne l'exploitation de mutants par les autorités (le groupe que forme X-Factor donc) et celle qui développe les actions du camp d'en face (le groupe X-Term). Tout cela est justement au coeur de ce cinquième épisode, qui peut s'apprécier comme la fin d'un premier acte.
Cette partie de l'écriture est très solide, rigoureuse, Mark Russell sait de quoi il veut parler et le lecteur apprécie cette maîtrise. C'est suffisamment construit pour être passionnant et justifier qu'on suive mois après mois la série. Toutefois, le sel d'X-Factor est ailleurs et c'est ce qui fait sa singularité par rapport aux autres titres mutants actuels (et même à l'ensemble des comics super-héroïques).
S'il est délicat de la comparer avec un classique comme Justice League International, X-Factor s'inscrit pourtant dans une veine similaire. Si Keith Giffen et J.M. DeMatteis écrivaient des histoires suffisamment fortes pour qu'on soit captivé, leur génie résidait surtout dans la caractérisation et les détails comiques.
Ici, c'est pareil : sans doute parce que, comme Giffen et DeMatteis, Russell n'a pas pas à ménager des mutants vedettes, il peut s'amuser à loisir avec ceux dont il dispose et poser un regard sarcastique sur leurs personnalités et leurs aventures. Mais là où il brille particulièrement, c'est dans la manière dont il les croque et avec quel minutie il s'attarde sur ce qu'il y a de plus drôle et/ou pathétique avec eux.
La couverture, sinistre, est un swipe de Giant-Size X-Men par Dave Cockrum, l'acte de naissance du retour des X-Men en 1975, qui sera de multiples fois copiée ensuite. Elle indique aussi qu'un des personnages est promis à une mort dramatique. Mais Russell pervertit nos attentes en tuant effectivement un des héros mais de manière particulièrement grinçante, alors qu'il a passé l'intégralité de l'épisode à se bécoter avec une de ses partenaires, suscitant l'exaspération du général Mills et des réactions diverses chez ses co-équipiers (attendris ou affligés). La dernière page marque les retrouvailles très mélodramatiques de deux autres mutants, dans un style parodiant les telenovelas ou les soap operas.
Pour valoriser une telle écriture, il faut un dessinateur qui remarque ces moments et sache les mettre en scène de telle manière que le lecteur ait envie d'en rire. Bob Quinn est cet artiste-là comme Kevin Maguire le fut pour Giffen et DeMatteis. Il sait découper ses planches en se réservant une ou deux vignettes dédiées à ces instants à la fois comiques et embarrassants.
Le reste relève du savoir-faire qu'on attend d'un dessinateur de super-héros, c'est-à-dire son aisance dans les scènes d'action et sa facilité à faire passer des scènes dialoguées sans ennuyer. Ce n'est pas si facile, mais Bob Quinn semble avoir enfin trouver la série qui lui correspond parce qu'il arrive à composer avec ces contraintes sans que le lecteur ne sente qu'elle embête l'artiste. De l'art de transformer des figures imposées en figures libres.
X-Factor est donc une série férocement drôle, mais comme pour les meilleures comédies, elle est efficace par le talent de son scénariste et de son dessinateur, sur la même longueur d'ondes, et surtout prompts à appuyer là où ça fait mal. Eminemment technique en soi, mais qui ne peut s'apprécier qu'en la lisant plus qu'en la décortiquant.
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