vendredi 15 novembre 2024

HELEN OF WYNDHORN #6 (of 6) (Tom King / Bilquis Evely)


Pour se réconcilier avec sa petite-fille, Barnabas Cole l'enmmène une dernière fois dans l'Autre Monde. Ils atteignent en barque une grotte marine où Barnabas obtient un droit de passage sécurisé pour les profondeurs de l'océan. Là-bas, Helen va rencontrer sa mère...
 

Très souvent, et à juste titre, quand les scénaristes de comics interpellent les journalistes qui critiquent leurs livres ou les éditeurs qui veulent rappeler la sortie d'un album,  ils se désolent que ne soit mentionné que le nom de l'auteur du script et pas l'artiste (ou les artistes) qui les ont aidés à mettre leur projet au jour.


Evidemment on peut penser qu'ils disent ça pour se donner bonne conscience sans oublier que ce sont eux qui fournissent les histoires. Mais je crois quand même à leur sincérité et à leur volonté de partager les honneurs avec leurs dessinateurs. Il en est même qui estiment que sans lesdits dessinateurs, l'idée même du livre qu'ils ont écrit n'aurait pas existé, que c'est la rencontre avec le dessinateur qui a donné sa forme au livre.


Je prêche un peu pour ma chapelle, puisque je suis moi-même dessinateur, mais c'est vrai qu'il y a quelque chose d'affligeant à lire une critique où le travail de l'artiste est seulement survolé - quand il n'est pas carrément oublié. Généralement la critique consiste à dire des platitudes du genre "c'est beau", "c'est efficace", et voilà, emballé, c'est pesé, ça suffit.


Alors que les lecteurs et les critiques peuvent philosopher des paragraphes entiers sur le scénario, le style, le récit, le dessinateur lui n'a droit qu'à quelques mots banals. L'excuse que prononce le lecteur ou le critique quand on l'interroge sur le peu de place qu'il consacre au dessin se résume souvent à un "j'ai pas les mots, je ne connais pas suffisamment le vocabulaire du dessin pour en parler autrement".

Bon, admettons que vous ne connaissiez aucun terme technique. Est-ce que vous en avez besoin ? Bien sûr, ça aide, ça permet de formuler un avis mieux défini sur les compétences du dessinateur, les émotions qu'engendre son dessin chez vous, la lisibilité de sa narration graphique, etc. Mais en vérité, ça n'a rien d'essentiel car le vocabulaire technique n'est souvent compris que des initiés et on peut se cacher facilement derrière l'excuse de ne pas le connaître, même s'il existe bien des ouvrages de vulgarisation à ce sujet (l'exemple le plus évident : L'Art Invisible, de Scott McCloud).

Non, ce qui compte, c'est le coeur - comme disait Saint-Exupéry : "on ne voit bien qu'avec le coeur. L'essentiel est invisible aux yeux.". J'ai ma propre devise à ce propos : l'art, c'est l'évidence, il s'impose à vous. Vous trouverez les mots, ne vous inquiétez pas, même si c'est laborieux. Il suffit de dire, simplement, ce qui vous touche dans un dessin, une planche. Pas la peine de faire de grandes phrases, laissez-vous aller, comme quand vous parlez d'une chanson, d'un morceau de musique - où vous n'avez pas besoin de sortir du conservatoire pour savoir en parler.

Pourquoi je vous dis tout ça ? Parce que Helen of Wyndhorn est une bande dessinée qui a été écrite pour une artiste. Tom King a demandé à Bilquis Evely, avec qui il souhaitait retravailler après leur somptueux Supergirl : Woman of Tomorrow, ce qu'elle aimerait dessiner, raconter en images. Et elle lui a donné un carnet de croquis dans lequel il a puisé son inspiration pour lui livrer une histoire sur mesure.

Tom King a fait mieux que rappeler aux critiques et aux lecteurs l'importance de l'artiste, il a précisé dès le départ que leur projet était ce qu'il avait tiré de ce carnet de croquis. Ainsi, plus moyen de rabaisser, d'oublier Bilquis Evely : si vous vouliez mentionner, parler de Helen of Wyndhorn, vous seriez obligé de parler de la dessinatrice, co-autrice à part entière (et pas seulement parce qu'il s'agit d'une oeuvre en creator-owned).

Sur le dénouement de cette histoire, je ne vais, volontairement, rien vous dire. Sauf ceci, qui serait la morale de l'intrigue : nous sommes tous les histoires que racontent nos parents, nos proches, nos amis racontent à notre sujet. Nous sommes faits de mondes, le notre bien sûr, mais aussi celui qu'imaginent les autres sur nous. Ce que ceux qui ne nous connaissent pas apprennent de nous, c'est autant ce qu'on leur confie que ce qu'ils entendent à notre sujet. Et cela forme un résumé parfait à Helen of Wyndhorn, où fiction et vérité s'entremêlent jusqu'à ne plus être distinctes.

Mais ce que je veux vous dire sur la fin de cette série, c'est que, comme toutes les bonnes séries, on en aurait aimé davantage. Plus d'épisodes, pourquoi pas même une ongoing sur Helen Cole, son grand-père, sa gouvernante, ses parents, sa vie (peut-être rêvée, fantasmée) dans l'Autre Monde... Et quand ça se produit, ça veut dire qu'on a adoré ce qu'on a lu. Donc que c'est excellent.

Mais ça veut aussi dire que cette bande dessinée, si belle, si touchante, si épique, elle vient donc de Bilquis Evely et que Tom King l'a en quelque sorte synthétisée en six épisodes. Vous serez ébloui en lisant ces pages, vous serez dépaysé, vous serez heureux, ému aussi. Vous vous en souviendrez longtemps. L'éditeur français qui traduira Helen of Wyndhorn a intérêt à mettre le paquet sur la publicité qu'il consacrera à cette mini-série parce qu'elle le mérite, il faudra que le plus de fans l'achètent, des fans de King, de Evely, de belles BD, de bons comics.

Et surtout cet éditeur, ces lecteurs, ne pourront pas oublier Bilquis Evely au moment de parler de Helen of Wyndhorn. Ce ne sera pas une mini série de Tom King. Ce sera une mini-série de Bilquis Evely ET Tom King, avec le scénariste en second pour une fois parce que, je suis sûr qu'il serait d'accord avec ça, il s'est mis au service de sa dessinatrice et c'est elle, cette fois, la vedette, l'argument de vente n°1.

Et vous, les lecteurs, qui achèterez cet album, quand vous le lirez, vous saurez que j'ai raison. Mais surtout, vous aussi, vous ne pourrez pas en parler autour de vous, sur des blogs, des forums, sans mentionner en premier Bilquis Evely. Vous trouverez facilement les mots pour ça parce que ses planches vous laisseront sidérés et vous serez naturellement motivés pour partager cette sidération aux gens à qui vous recommanderez cette lecture. Vous direz la beauté bien sûr, mais aussi la magnificence, le luxe de détails, la fluidité, l'expressivité, l'élégance, vous ne pourrez plus vous arrêter.

Et alors, vous ne citerez peut-être plus jamais une BD en l'associant seulement à son scénariste.

jeudi 14 novembre 2024

THE UNCANNY X-MEN #5 (Gail Simone / David Marquez)


Tandis que Sarah Gaunt tabasse Malicia, Gambit, Diablo, Jubilé et Wolverine font face à la horde. Les jeunes mutants décident de se mêler à la bataille pendant que Malicia découvre le secret de Sarah avec l'aide d'un allié inattendu...


Ce sera donc le dernier épisode de The Uncanny X-Men que je critiquerai. Cette relance avait, sur le papier, beaucoup pour me plaire, mais ça n'a tout simplement pas pris. La série n'a pas besoin de moi de toute façon, c'est un énorme carton qui se place en tête des ventes à chaque semaine quand un nouvel épisode paraît. Tant mieux pour tous ceux qui la réalisent.


Pour ma part, ça ne fonctionne tout simplement pas et je ne vais pas revenir sur ce que j'ai déjà dit dans mes précédents articles à ce sujet. Il me semble tout de même que les séries X se divisent clairement en deux camps : il y a des titres qui affichent ouvertement leur désir de plaire au plus grand nombre en ne lésinant pas sur les moyens, et ... Il y a le reste.


Et ce reste vit clairement dans l'ombre de X-Men, The Uncanny X-Men et Wolverine, avec Tom Brevoort qui, aux commandes, guide certainement les scripts de Jed MacKay, Gail Simone et Saladin Ahmed... Et s'intéresse certainement moins à Geoffrey Thorne (X-Force), Mark Russell (X-Factor), Eve L. Ewing (Exceptional X-Men) et tout le reste de la bande (sauf si un de ceux-là créent la surprise en attirant aussi un max de lecteurs). Et, ma foi, si ça reste ainsi, ça me convient puisque je souhaite à Exceptional X-Men et X-Factor de vivre leurs vies tranquillement.
 

Toutefois, il semble clair que Brevoort a misé gros sur des séries clairement conçues pour rompre avec le modèle Krakoa, flattant plutôt le fan nostalgique des années 90 et du cartoon X-Men'97 sur Disney + (qui a conquis un large public...Mais pas moi). Avec une scénariste qui attire la sympathie, grâce à sa bonne communication sur les réseaux sociaux, comme Gail Simone et un artiste ponctuel et efficace comme David Marquez, il a bien joué le coup.

Dans cet épisode qui conclut le premier arc de la série, on comprend comment Malicia pouvait récemment entendre les pensées d'autrui et même guérir de sévères blessures infligées par Sarah Gaunt. Toutefois, les explications fournies par le script sont réellement grossières et larmoyantes au possible, attestant que la fin justifie les moyens pour la scénariste - et ce n'est pas très glorieux.

L'action mise en scène par David Marquez est indéniablement efficace et spectaculaire, mais l'issue des combats est archi convenue, sans aucun suspense. Le dénouement est même sacrément expédié, comme si Simone avait hâte de boucler cet arc et de passer à autre chose. Marquez ne fait alors que suivre le train en marche mais lui aussi signe des planches qui témoignent d'un relâchement certain (les décors sont de plus en plus vagues, les personnages sont tracés à la va-vite).

Toutefois la question qu'on peut se poser, même en ayant décidé de ne pas poursuivre l'aventure, c'est : quel est le concept, la ligne directrice de tout ça - pas seulement de The Uncanny X-Men mais de toutes ces séries ? Les bonnes relances (de l'univers mutant ici, mais de toute franchise en général) sont celles qui s'appuie au minimum sur un concept, une idée directrice globale. A part revenir à des mutants parias persécutés, on a plutôt le sentiment d'une régression.

On n'est pas obligé de faire comme Hickman et de penser à une nation X, mais là, Tom Brevoort a lancé un tas de séries et mini-séries que rien ne relie. Les X-Men de Cyclope en Alaska, ceux de Malicia en Lousiane, la X-Force de Forge un peu partout dans le monde, X-Factor là où on lui dit d'aller, les Exceptional X-Men à Chicago, Wolverine dans la nature (et simultanément en Lousiane donc), Dazzler en tournée, etc. Tout ça pose question d'autant que plein d'autres mutants semblent avoir disparus (par exemple le populaire Colossus ou les New Mutants). Krakoa rassemblait les mutants géographiquement et pour une cause, mais apparemment quelque chose a motivé leur éclatement... Sauf qu'on a oublié de nous dire quoi !

Et puis commencer accepter le fait que les X-Men, en général, ait laissé le manoir de Westchester devenir une prison ? Pourquoi et comment les actes criminels de certains sont restés sans suite (dans la mini Fall of the House of X, on a quand même vu le massacre de centaines d'agents d'Orchis resté impuni : d'accord, c'étaient les méchants, mais personne ne demande de comptes ? Pas même les Avengers ?). On nous avait pourtant promis que l'époque Krakoa et sa chute et les répliques des mutants contre leurs adversaires ne seraient pas oubliées...

Tout ça n'est pas que la faute de The Uncanny X-Men, même si Gail Simone et quelques-uns de ses collègues, et surtout Tom Brevoort ont complaisamment mis la poussière sous le tapis. Pour cette série en particulier, en tout cas, rien de ce qui s'est passé avant ne paraît compter beaucoup, sinon de contenter les anti-Krakoa qui souhaitaient, en masse apparemment, lire des mutants "comme avant". Mais n'était-ce pas les mêmes lecteurs qui trouvaient avant 2019 que les séries X n'étaient pas si bonnes ?

mercredi 13 novembre 2024

AVENGERS, TOME 6 : A LA RECHERCHE DE STARBRAND (Jason Aaron / Dale Keown, Andrea Sorrentino, Ed McGuinness, Paco Medina, Francesco Manna)


- A LA RECHERCHE DE STARBRAND (Avengers #26-30)

Il y a 66 millions d'années, un astéroïde s'écrase sur la Terre et décime les dinosaures qui peuplaient sa surface. En vérité, c'est le premier Evénement Blanc qui s'est produit et qui a intégré à la planète un mécanisme de défense cosmique, le Starbrand. Un million d'années plus tard, un homme pourchassé par les Déviants voit son compagnon mourir et il hérite du Starbrand...


De nos jours, Gladiator, Majestor suprême de l'empire Shi'ar, apprend qu'une colonie pénitentiaire a été détruite par une explosion. Il se rend sur place mais demande à ce qu'on avertisse les Avengers s'il n'est pas revenu rapidement... Et c'est ce qui se produit : Captain America appelle Black Widow en renfort pour pallier l'absence d'Iron Man et embarque avec lui Thor, Ghost Rider, Captain Maervel et Blade.


Mais la mission de sauvetage tourne à la catastrophe. Thor est infecté par un Brood, Captain Marvel passe en mode Binaire, Blade agonise à cause du soleil et, pour ne rien arranger, trois des anciens hérauts de Galactus - Silver Surfer, Firelord, Terrax - s'en mêlent car ils souhaitent régler le problème seuls.
 

Et le problème en question est de taille : ce qui a causé l'explosion, c'est le Starbrand qui a choisi une terrienne incarcérée dans la prison Shi'ar et qui est de surcroit enceinte. Mais comment est-elle arrivée là ?... Cependant, coincée il y a un million d'années dans le passé, Iron Man rencontre les Avengers préhistoriques qui le prennent pour un ennemi...


Le titre de ce sixième tome ne ment pas : tous les épisodes sont sous le signe du Starbrand. Mais c'est quoi le Starbrand ? Pour tout savoir, il faut remonter le temps et se rappeler qu'en 1986, Jim Shooter, l'editor-in-chief de Marvel, a l'idée pour les 25 ans de la maison des idées de créer un nouvel univers avec des personnages inédits, supposément plus réaliste, sans divinités ou super-technologie.


Pourtant, il se contredit tout seul en créant le personnage-concept de Starbrand qui désigne à la fois un pouvoir et son détenteur, en l'occurrence un certain Ken Connell investi de facultés immenses. Le New Universe de Shooter sera un fiasco commercial total et tout le projet sera rapidement abandonné, tombant dans les oubliettes.

Jusqu'à ce que Jonathan Hickman prenne en main Avengers dans lequel il revisite certains des héros de cet époque mais en les réactualisant (on est alors en 2013). Un certain Kevin Connor hérite du Starbrand et deviendra membre de l'équipe aux côtés de Nightmask (un autre rescapé revampé du New Universe). C'est Hickman qui décrit le pouvoir du Starbrand comme un mécanisme de défense de la planète (ce qui signifie que tout monde habité par une espèce intelligente peut en avoir un).

Hickman parti pour d'autres aventures, Marvel décide, après un intermède par Mark Waid, de confier Avengers à Jason Aaron. Auparavant, ce dernier a été chargé d'écrire un one-shot, Incoming, dans lequel sont teasés les événements à venir de l'univers Marvel. On trouve une scène dans laquelle Ghost Rider (Robbie Reyes) affronte Kevin Connor devenu fou et le tue.

Et donc, après nous avoir conté l'origine du premier Starbrand humain dans l'épisode 26, qui ouvre ce volume, le scénariste va consacrer un arc au nouveau détenteur de ce pouvoir. Le récit est efficace, mené sur un rythme trépidant, avec beaucoup d'action. C'est aussi un voyage dans l'espace, un grand classique pour une histoire des Avengers, et Aaron y intègre Black Widow (qui pallie l'absence d'Iron Man, toujours coincé dans la préhistoire, et que tente de localiser Black Panther).

La suite est à la fois intense et très marrante. Aaron se permet tout : Thor transformé en Brood, Captain Marvel redevenant Binaire (son aspect enflammé et cosmique), Blade mourant (mais sauvé par l'ersatz de Man-Thing qu'il a adopté après l'avoir arraché au Colonel de l'Ombre dans La Guerre des Vampires), Ghost Rider qui pique la planche du Silver Surfer, lui-même accompagné par Firelord et Terrax, Gladiator est aussi de la partie.

Tout ça fait beaucoup de monde, je vous l'accorde, mais Aaron gère bien son casting, donnant à chacun un grand moment pour briller, y compris Black Widow dont on pouvait trouver la présence un brin décalée dans ce contexte. En fait, on se rend compte que le scénariste est vraiment dans son élément dans ce mélange d'aventure épique et de comédie délirante, comme aux meilleures heures de son run sur Wolverine et les X-Men. Ce cocktail est plus surprenant pour Avengers mais fonctionne bien malgré tout, notamment parce qu'il nous prend au dépourvu sur l'essentiel, le nouveau porteur du Starbrand (mais pas de spoiler).

Visuellement, c'est encore inégal : Dale Keown, qui dessine les origines du premier Starbrand, est infichu de compléter sa vingtaine de pages et doit recevoir le renfort d'Andrea Sorrentino pour 3 pages ! Puis Ed McGuinness prend le relais : il s'en sort mieux que bien, mais toutefois il faut tempérer notre enthousiasme car Paco Medina revient jouer les doublures sur l'épisode 29 et Francesco Manna officie sur la majorité de l'épisode 30 (qui ferme le ban). Manna fait forte impression dans un style qui évoque beaucoup celui de Pepe Larraz (avant House of X).

Toutefois, malgré ces errements graphiques un peu lassants, c'est un tome réussi, le plus abouti depuis le début du run de Jason Aaron. Qui va ensuite vraiment passer un cap en enchaînant des arcs narratifs plus convaincants et pétaradants, avec en prime, cette fois, des dessinateurs plus réguliers...

mardi 12 novembre 2024

AVENGERS, TOME 5 : LE DEFI DES GHOST RIDER (Jason Aaron / Stefano Caselli, Luciano Vecchio)


- LE DEFI DES GHOST RIDER (Avengers #26-29)

Robbie Reyes emmène son jeune frère Gabe, paraplégique, à l'école à bord de son bolide infernal lorsqu'il perd le contrôle du véhicule. Furieux, il part dans le désert et défonce sa voiture à coups de maillet. Mais rien n'y fait : la voiture revient se garer devant chez lui, intacte. Il la conduit jusqu'à la base des Avengers pour leur demander de l'aider à s'en détacher. Black Panther appelle un expert en matière de démonologie : Daimon Hellstrom, le Fils de Satan, qui va pratiquer un exorcisme.


Mais la situation dérape méchamment : le Céleste mort qui sert de quartier général aux Avengers est possédé par le démon qui anime Ghost Rider tandis que Robbie Reyes est projeté avec sa voiture en enfer ! Là l'attend Johnny Blaze, le Ghost Rider devenu maître des lieux et qui le pousse à faire une course entre sa moto et son bolide pour déterminer lequel d'eux deux est le plus digne d'être Ghost Rider... Et pendant ce temps, Iron Man est en Turquie avec Thor où, dans un grotte, il trouve un fossile de son casque qui, à son contact, le fait disparaître !


Avec seulement quatre épisodes, ce tome 5 est le plus maigre de la collection. Je l'ai déjà dit mais Jason Aaron a écrit la série Ghost Rider par le passé et a intégré sa version la plus récente au sein des Avengers en la personne de Robbie Reyes, personnage apparu dans All-New Ghost Rider en 2014. Il en fait donc logiquement le benjamin de l'équipe mais aussi un jeune homme dépassé par ses pouvoirs qu'il considère véritablement comme une malédiction pour son âge.


Après avoir donc donné le beau rôle à Blade durant La Guerre des Vampires et à Thor durant La Guerre des Royaumes, le scénariste offre son arc dédié à Ghost Rider dans ce cinquième volume. L'intrigue, ou ce qui en tient lieu, montre cependant que Aaron n'était pas des plus inspirés à ce moment et que son défi à lui a été d'expédier cette affaire sans que ça se voit trop - raté !


En vérité, Aaron a peut-être un peu vite oublié qu'il avait traité le personnage de Robbie Reyes dans La Guerre des Vampires en montrant bien à quel point son pouvoir était un fardeau quand il était manipulé par le Colonel de l'Ombre et sa Légion des Morts. Y revenir, surtout pour une histoire aussi grotesque, a quelque chose d'embarrassant.

Car, enfin, ne nous voilons pas la face : le scénario est indigne d'un auteur comme Jason Aaron qui a maintes fois prouvé son aptitude à traiter convenablement du dilemme d'un héros surpuissant face à ses responsabilités en tant qu'individu et super-héros. Et là, assister à cette course entre Johnny Blaze et Robbie Reyes n'a rien de franchement passionnant ni d'original.

Blaze est représenté comme un parfait abruti qui enchaîne les coups tordus pour tester le petit nouveau tandis que, pendant ce temps, la montagne des Avengers est à son tour possédée par des force démoniaques. In fine l'équipe réussit à rejoindre son Ghost Rider et à l'aider à remporter la course, non sans avoir fait connaissance avec le Ghost Rider cosmique entre temps.

Cosmic Ghost Rider est une création de Donny Cates et Geoff Shaw dans la série Thanos. Cates s'attachera tellement à cet amalgame du Silver Surfer, du Ghost Rider et du Punisher (puisque le Frank Castle du futur a été investi de pouvoirs par Galactus afin d'être son énième héraut) qu'il lui consacrera une mini-série ensuite, puis en fera un membre des Gardiens de la Galaxie.

Mais les meilleures blagues sont les plus courtes et, hélas ! ce qui fonctionnait comme une pochade a fini par devenir un des personnages les plus insupportables qui soit, à peu près aussi finaud et bavard que Deadpool. Que Jason Aaron ait cru bon de s'en servir ici souligne encore plus la faiblesse de son idée. A part servir de prétexte à une baston avec les Avengers et jouer un rôle mineur dans la course entre Blaze et Reyes, le Ghost Rider cosmique est plus horripilant qu'utile.

Que peut-on sauver de ce naufrage ? Les dessins de Stefano Caselli qui ne fera que cet arc et c'est bien triste pour lui. L'italien est talentueux, il peut dessiner n'importe quoi - et il le fait littéralement ici. Mais comme son compatriote Marco Checchetto, après un début de carrière où il réussissait à enchaîner les épisodes sans faiblir, il n'arrive plus maintenant à le faire et c'est pourquoi il reçoit le renfort sur l'épisode 25 de Luciano Vecchio pour quelques planches. Ce n'est pas très glorieux quand même et décidément Avengers a bien du mal à trouver un artiste régulier et ponctuel.

On retiendra aussi la disparition de Iron Man dans des circonstances mystérieuses lors d'un déplacement en Turquie en compagnie de Thor et Okoyé. Un passage très bref qui va avoir des conséquences ultérieures... Mais ce subplot n'est ici que survolé - signe que Jason Aaron n'était pas très inspiré pour ce tome.

Surtout, sans être accablant, on se rend compte que le run de Jason Aaron achève sa deuxième année sans que rien d'époustouflant n'ait eu lieu. Il a beaucoup semé mais le lecteur n'a que peu récolté. Ses Avengers roulent au diesel sans faire d'étincelles, comme si son auteur hésitait à accélérer un bon coup. Il faudra être encore patient (le tome suivant montre des signes de mieux mais c'est avec le volume 7 que ça décollera franchement)...

lundi 11 novembre 2024

AVENGERS, TOME 4 : LA GUERRE DES ROYAUMES (Jason Aaron / Ed McGuinness, Jason Masters)


- LA GUERRE DES ROYAUMES (Avengers #18-25)

Malekith, l'elfe noir, a rassemblé autour de lui les royaumes qui contestent la suprématie d'Asgard et une guerre a été déclaré pour éliminer Odin et ses sujets. Le conflit s'étend à Midgard/la Terre, protégée par Thor, le fils d'Odin. Les Etats-Unis d'Amérique, d'où provient la majorité des membres des Avengers, sont visés mais les autorités, dont ne dépendent plus l'équipe, ont d'autres arguments à opposer aux belligérants : l'Escadron Suprême, aux ordres de l'ex-agent du SHIELD Phil Coulson.


Le Céleste mort qui sert de quartier général aux Avengers est attaqué mais Captain America, Black Panther, Captain Marvel, She-Hulk et Blade sont absents. Ghost Rider et les agents du Wakanda doivent donc défendre leur base contre les hordes alliées de Malekith pendant que leurs camarades sont à New York.


Tandis que Thor, pour décrocher la victoire finale, voyage dans l'espace-temps pour trouver la version jeune et le roi Thor de la fin des temps, Jane Foster récupère le marteau du Thor de la Guerre. She-Hulk, elle, est éprouvée par son passé et ce qu'elle est devenue depuis son contact avec les Célestes...


Ce quatrième tome est particulier dans la mesure où il ne propose pas une histoire qui fasse avancer la série Avengers et pour cause, tous les épisodes sont rattachés à l'event War of Realms (La Guerre des Royaumes) qu'écrit au même Jason Aaron dans la lignée de la série Thor.


Pour le scénariste, cet event doit marquer la culmination de son run sur Thor (même s'il y ajoutera  la mini-série King Thor, qui sera la vraie conclusion de sa prestation). En tout et pour tout, Aaron aura animé le personnage pendant 7 ans (2012-2019) !

Pourtant, dans Avengers, Thor Odinson reste un membre peu mis avant avant et après ce tome 4, comme si Aaron voulait bien signifier aux fans que, non, il n'en fait pas une obsession. Thor est là parce qu'il est un membre fondateur de l'équipe et un des trois membres de la "trinité" (avec Iron Man et Captain America).

L'avantage quand on écrit un event et deux des séries les plus importantes qui sont impactées parc celui-ci (Thor et Avengers donc), c'est qu'on peut faire ce qu'on veut dans les épisodes qui sont rattachés à la saga centrale. A cette époque, Marvel ne refuse rien à son scénariste vedette et il convoque des personnages qui lui sont familiers (comme Wolverine, le Punisher - qu'il a écrit dans sa version Max) et d'autres auxquels il n'a jamais touchés (comme Daredevil, investi des pouvoirs de Heimdall). War of Realms est un bon event, très spectaculaire, avec des dessins magnifiques de Russell Dauterman (dont ça reste à ce jour le dernier travail mensuel).

En ce qui concerne les épisodes tie-in de Avengers, Aaron, sans doute déjà bien occupé à ce que son event soit respecté par tous ses collègues qui doivent composer avec, se montre très basique. Hormis l'épisode 18 et l'épisode 21, qui ouvre et ferme ce tome, peu ou pas de surprise au menu. On démarre par l'implication de l'Escadron Suprême et on finit par une séance de spa dans le QG des Avengers.

L'Escadron Suprême a été introduit dans le tome 2 de façon fugace : Black Panther refusant que les Avengers reste une équipe soumise aux autorités américaines, le gouvernement confie à l'ancien agent du SHIELD Phil Coulson la mission de composer un groupe de surhommes capable de défendre les Etats-Unis, éventuellement contre les Avengers. On trouve donc Hyperion, Nighthawk, Power Princess, the Blur et Doctor Spectrum (respectivement les versions Marvel de Superman, Batman, Wonder Woman, Flash et Green Lantern).

Surtout, entre deux séances de bourre-pif contre des géants des glaces, on découvre que ces quatre individus, autrefois héroïques, sont en fait victimes d'un conditionnement orchestré par Phil Coulson, un véritable lavage de cerveau en règle pour en faire des soldats dociles. Mais Coulson lui-même ne semble pas tout à fait dans son assiette : et pour cause, il étai mort durant l'event Secret Empire (écrit par Nick Spencer) !

On va là aussi apprendre comment il a pu revenir d'entre les morts et la réponse est (SPOILER)... Grâce à Mephisto ! Le diable, comme je vous l'avais dit, est partout dans le run de Jason Aaron sur Avengers et il se sert de la nature de Coulson (similaire à celle d'Amanda Waller chez DC), c'est-à-dire un agent obsédé par les super-héros et la menace potentielle qu'ils incarnent, pour le transformer littéralement en agent dormant qui oeuvre à la destruction des Avengers avec le concours de l'Escadron Suprême.

Je vous laisse penser ce que vous voulez de cette caractérisation, mais pour ma part, ça ne m'a pas choqué dans la mesure où, que ce soit au cinéma, à la télé ou dans les comics, Phil Coulson n'a jamais été un personnage auquel j'ai réussi à m'attacher. Alors en faire le sbire de Mephisto, certes, ce n'est pas très subtil, ça ne lui donne pas davantage de charisme, mais lui ou un autre... De toute façon, pour moi, la vraie connerie qu'a faite Marvel, c'est d'écarter Nick Fury et de le remplacer par son fils, Nick Jr., afin de coller (physiquement) au personnage joué par Samuel L. Jackson dans le MCU.

L'épisode 20 mérite aussi une pause puisqu'il met en avant She-Hulk en train de latter des elfes et autres comparses de Malekith. Dans la série, la cousine de Bruce Banner est devenue surpuissante, une vraie bombe gamma ambulante, qui perd beaucoup de son intelligence quand elle se transforme. Aaron a pris cette direction car il ne pouvait pas disposer de Banner et qu'il lui fallait un Hulk. Ce n'est pas ce que je préfère dans ce qu'il a fait, tout comme cette romance improbable qu'il développe entre Jennifer Walters et Thor (parfaitement grotesque).

Mais dans cet épisode précis, Aaron montre quand même au fan de Jennifer Walters qu'il n'a pas effacé d'un trait de plume qui elle était. On la voit déchirée entre qui elle fut et qui elle est devenue. Après elle embrasse son côté le plus sauvage, bestial, violent, et les circonstances favorisent ce choix. Et sans trop en dire, avant la fin de son run, le scénariste y reviendra et rendra vraiment justice à She-Hulk...

Ed McGuinness réussit à enchaîner quatre épisodes à la suite, ce qui n'est pas un mince exploit. Mark Morales à l'encrage a dû turbiner pour tenir les délais de cet artiste fâché avec eux. Il est dans son élément avec des chapitres bourrés d'action et de démesure et il a l'occasion de dessiner des héros à la musculature hypertrophiée comme il les apprécie et des héroïnes plantureuses comme il les adore.

Lorsque Jason Masters signe l'épisode 21, qui ferme le ban, le changement esthétique est radical et le manque de maîtrise aussi. Les maladresses dans la composition des plans, le découpage besogneux, tout concourt à rendre une copie médiocre. Mais l'essentiel a déjà été fait, c'est juste un épisode "aftermath", assez quelconque.

Un tome 4 qui est finalement dispensable même si visuellement péchu.

AVENGERS, TOME 3 : LA GUERRE DES VAMPIRES (Jason Aaron / Sara Pichelli, David Marquez)


- LA GUERRE DES VAMPIRES (Avengers #13-17)

Il y a un million d'années, dans la cité céleste de K'un Lun, Fan Fei, une jeune femme, est condamnée à mort pour avoir enseigné aux premiers hommes les rudiments des arts martiaux qu'elle-même avait appris. Jetée dans une fosse où se trouve un dragon, Shou Lao, elle réussit pourtant l'impensable en survivant, déchirant le coeur du monstre pour s'emparer de son feu sacré. Dehors, désormais armée du poing de fer, elle protège les hommes de puissants gorilles dont le chef est guidé par Mephistoi jusqu'à une pierre d'infinité...
 

Dans les Carpates, Dracula est obligé de fuir son royaume quand le Colonel de l'ombre et sa Légion des Morts le déloge sauvagement de son château, assassinat ses fidèles. Ces nouveaux vampires attaquent en divers points du globe et les Avengers sont obligés de répliquer en se dispersant.


Avec le renfort de Blade, le vampire chasseur de vampires, ils capturent le Colonel et le conduisent dans le Céleste mort qui leur sert désormais de quartier général. Mais ils ignorent qu'ils tombent dans le piège qu'il avait tendu pour approcher Ghost Rider et le posséder. Robbie Reyes affronte ses amis et part avec le Colonel.


Cependant, Dracula a trouvé refuge en Russie où il se présente devant la Garde Hivernale pour demander l'asile. Mais ses hôtes réclament des gages et le roi des vampires a une offre à leur soumettre à laquelle ils ne pourront pas résister : il peut leur livrer les Avengers qui sont à sa recherche pour trouver un moyen de tirer Ghost Rider des griffes du Colonel de l'ombre...


Pour son troisième arc narratif, Jason Aaron commence, comme pour le tome 2, par un retour en arrière, il y a un million d'années : nous allons apprendre les origines du premier Iron Fist avant qu'il n'intègre les Avengers préhistoriques d'Odin.


Le scénariste innove en en faisant une jeune femme qui a eu la mauvaise idée d'apprendre les arts martiaux aux premiers hommes. Pourtant, elle va échapper à son châtiment de manière spectaculaire en plongeant dans le coeur du dragon Shou Lao et acquérir ainsi le poing de fer (l'iron fist donc). Bannie de K'un Lun, elle devient la protectrice d'une tribu humaine tracassée par des gorilles intelligents et cruels.

Aaron réussit à divertir avec cet épisode mais en même temps il prouve qu'il n'a pas créé ces Avengers préhistoriques pour la plaisanterie : comme pour les origines du premier Ghost Rider, la bascule s'opère avec la présence de Mephisto, le grand tentateur, sous la forme d'un serpent, qui vient essayer de corrompre l'héroïne puis son adversaire.

Andrea Sorrentino, qui venait de chez DC (où il avait brillé sur Green Arrow, écrit par Jeff Lemire), met en images ce segment. Récemment sous le feu des critiques pour avoir visiblement utilisé l'Intelligence Artificielle pour un travail, l'italien a un style qui ressemble ici à du Frank Quitely, mais sans le génie de ce dernier. Son trait fin et son découpage très élaboré réussissent pourtant à donner à l'ensemble une belle allure à laquelle le regretté Justin Ponsor aux couleurs n'est pas étranger.

Le diable de Marvel va devenir une figure récurrente de tout le run de Aaron jusqu'à son terme, manipulant les uns et les autres, pour tenter d'abattre ceux qui se dressent sur son chemin et contrarient ses projets. Les Avengers de toutes les époques sont donc ses cibles et on verra que Mephisto va employer des moyens de plus en plus colossaux pour les éliminer.

Toutefois, il n'est pas non plus le chef d'orchestre omniprésent de toutes les menaces qu'affrontent les Avengers. Dans l'arc de La Guerre des Vampires, Aaron utilise une intrigue classique avec une bataille de pouvoir entre Dracula et la Légion des Morts, qui n'est pas sous l'influence du Malin.

Alors, bien sûr, il ne s'agit pas de l'histoire la plus originale du scénariste qui l'a surtout, à l'évidence, conçu comme un divertissement pop-corn explosif et qui, rétrospectivement, a plutôt l'air d'un échauffement pour les Avengers. L'un des leurs est victime d'un détournement et ils réagissent à la fois pour le sauver avant de ramener la paix dans le monde.

Dans une bonne partie de son run, Aaron aura deux chouchous dans l'équipe : d'une part She-Hulk et de l'autre Ghost Rider. Robbie Reyes est un peu son Spider-Man à lui : le rookie de la bande, la plus jeune et inexpérimentée des recrues, affligée d'une malédiction sur laquelle il n'a aucun contrôle et qui est liée à un pacte maléfique (tiens, tiens...). Il n'est donc pas difficile de s'attacher à ce personnage qui est constamment perdu au milieu de champions du Bien chevronnés qui le chaperonnent, le guident, le testent, et lui doivent à l'occasion une fière chandelle (comme on a pu le vérifier lors du combat contre le dernière armée des Célestes).

Ghost Rider, c'est aussi toute une mythologie sur laquelle a travaillé auparavant Aaron et qu'il a enrichi, mais Robbie Reyes n'est pas Johnny Blaze ni Danny Ketch, c'est quasiment une page blanche sur laquelle il peut projeter de que bon lui semble et qu'il a ostensiblement à coeur de valoriser pour en faire la vedette de demain. Malheureusement, comme Luke Cage avec Bendis, personne ne saura vraiment profiter du travail opéré par le scénariste pour confirmer le potentiel de Robbie Reyes.

Aaron a aussi intégré à l'équipe des Avengers un huitième membre en la personne de Blade, le vampire chasseur de vampires. Popularisé grâce aux films de Stephen Norrington, Guillermo del Toro et David Goyer à la fin des années 90-début des années 2000, Kevin Feige tente depuis de lui redonner sa chance mais le projet semble maudit (plusieurs auteurs et réalisateurs ont jeté le gant et maintenant le long métrage n'a même plus de date de sortie). Le scénariste lui donne un caractère fort en gueule, c'est le tueur du groupe, l'équivalent de ce que fut Wolverine pour Bendis et donc on peut se poser les mêmes questions sur son recrutement que pour le mutant griffu (à savoir : comment Captain America, par exemple, s'accommode d'un tel acolyte ?).

Visuellement, ces épisodes sont très dynamiques : David Marquez est aux commandes et il fait ce qu'il sait faire le mieux, insuffler une énergie folle à chacune de ses planches, en livrant des scènes d'action extraordinairement intenses. Certes, il le fait en sacrifiant de plus en plus les décors au fur et à mesure de la progression du récit, mais quel punch !

Avec Marquez, on a pu croire que la série s'était trouvé un artiste régulier qui pourrait, au besoin, laisser de la place à l'autre vedette du titre, Ed McGuinness. Pourtant, il ne s'attardera pas et La Guerre des Vampires conclura sa prestation sur le titre, de belle manière certes, mais aussi en en frustrant pas mal. De fait, ensuite, il faudra attendre un certain temps avant que Avengers déniche la perle rare capable de soutenir les scripts exigeants graphiquement de Aaron.

On a donc cinq épisodes rapides, toniques, à défaut d'être inventifs. Jason Aaron semble encore en rodage, comme s'il cherchait à séduire le lecteur tout en avançant patiemment ses pions. Ce que confirmera le tome suivant qui n'est rien d'autre qu'un gros tie-in à War of the Realms, l'event lié à Thor, autre série qu'il pilote à l'époque.

samedi 9 novembre 2024

PLASTIC MAN NO MORE ! #3 (of 4) (Christopher Cantwell / Alex Lins & Jacob Edgar)


Après avoir récupéré Uranium, Plastic Man annonce sa démission à la Justice League qui ne prend toujours pas au sérieux la dégradation de son état. Mais la mort des autres Metal Men va pousser le détective Chimp à mener l'enquête pour comprendre ce qui s'est vraiment passé tandis que Plastic Man renoue avec son fils...


Plus cette mini-série avance, plus le projet de Christopher Cantwell révèle sa force inattendue. Ce scénariste semble ne jamais être aussi bon que dans des histoires à la marge : sa production chez les indépendants en témoigne, avec de beaux succès critiques (Everything ; The Blue Flame), alors que quand il travaille pour les Big Two, la méfiance est de mise chez les lecteurs (voir son run sur Iron Man).


Mais avec Plastic Man No More !, il pourrait bien réussir à réconcilier tout le monde. En vérité, Cantwell me fait un peu penser à Al Ewing. Lorsque ce dernier bosse sur de gros titres (pour la gamme X-Men ; sur Immortal Thor), il s'essouffle vite, se sacrifiant pour suivre souvent les idées des autres, alors que lorsqu'il s'intéresse à des personnages plus ingrats (Loki ; Defenders), il fait des étincelles.


Là, Cantwell a pris tout le monde au dépourvu en annonçant vouloir raconter une histoire lorgnant sur e body horror avec Plastic Man, un super-héros réputé pour son côté loufoque. Et pourtant il en tire quelque chose de poignant et d'éprouvant sur un type littéralement en pleine décomposition, physique certes, mais aussi mental, poursuivant pour tenter de se sauver un plan complètement dément.


Ce pénultième chapitre insiste principalement sur ce point puisque Plastic Man a réussi à sauver Uranium, un des Metal Men, dont il compte se servir pour concevoir une bombe atomique qui remédierait à sa déchéance mais surtout sauverait son fils, qui possède les mêmes pouvoirs que lui et est donc susceptible d'être atteint de la même dégénérescence.

Le souci, c'est que pour récupérer Uranium, les autres Metal Men ont péri. La nouvelle n'est pas très bien accueillie par le Justice League, mais sans doute ne s'en formalise-t-elle pas non plus outre mesure dans la mesure où 1/ les Metal Men ne sont pas des membres de leur équipe et 2/ doit-elle se fier au récit de ce pitre de Plastic Man.

Un seul héros prend ça au sérieux : le détective Chimp, qui avait proposé son aide à Plastic Man au tout début, sans succès. Il va se rendre dans l'entrepôt où s'est déroulé le drame et procéder à une enquête minutieuse. Car il a beau être un chimpanzé doué de parole, habillé comme Sherlock Holmes, Chimp est le meilleur détective après Batman. Et ce qu'il va mettre à jour va totalement changer son regard sur ce à quoi est prêt Plastic Man...

Pendant ce temps, Plastic Man renoue avec son fils mais avec une idée derrière la tête... Christopher Cantwell utilise ces péripéties pour souligner que, même avec les meilleures intentions, on peut agir de manière stupide et criminelle. Jusque-là on éprouvait de l'empathie pour son héros et ce qu'il endurait. Mais ensuite, on est, comme Chimp, obligé de reconsidérer ses agissements de façon plus critique.

Et c'est cette ambivalence qui donne sa richesse au récit. Non pas pour enfoncer Plastic Man et le renvoyer à son passé de criminel, mais bien pour son attitude insensée, son irresponsabilité. Au début de l'épisode, sur une planche, avec en gros plan le visage de sa femme découpée en une multitude de cases, on lit tout le ressentiment qu'elle a pour ce mari qui a préféré sa carrière de justicier repenti à sa vie de couple et de famille. Désormais à l'article de la mort, il essaie de recoller les morceaux alors que lui part en morceaux et s'interroge de savoir s'il n'est pas trop tard.

Que reste-t-il à un homme dans sa situation ? Sûrement pas l'espoir d'un pardon, ou même de la compréhension de la part de ses proches. Mais un ultime essai pour que ceux-ci ne souffrent pas davantage à cause de lui, quitte à commettre le pire.

Les dessins d'Alex Lins se font encore plus intenses dans la façon de montrer qu'à la décomposition physique de Plastic Man répond son délitement moral. Ses images ne sont pas flatteuses, ni même belles : il faut l'accepter non pas en se forçant à y voir un effet de style mais bien comme la meilleure manière de correspondre au script. Faire joli à ce stade de l'histoire serait une fausse route. Il faut au contraire souligner la laideur pour indiquer que le héros s'est engagé sur un chemin vertigineux.

Jacob Edgar a peu de place pour s'exprimer, ce qui est à la fois ingrat et normal puisque les scène dont il s'occupe sont réduites. Mais comme depuis le début, c'est le contraste entre son style cartoony et celui plus dirty de Lins qui rend la lecture poignante. Lorsque Edgar met en scène la démission de Plastic Man de la Justice League, il souligne à bon escient le comportement désinvolte, méprisant même de la Ligue face à leur ami mourant. Et c'est d'autant plus fort que le trait rond et naïf du dessinateur donne à ce moment une allure a priori inoffensive.

Comment tout ça va-t-il se finir ? En la matière, on est dans une expectative semblable à celle éprouvée lors de la parution du dénouement de Strange Adventures de Tom King, Mitch Gerads et Evan Shaner, qui imaginait Adam Strange en potentiel criminel de guerre prisonnier de ses mensonges. Le terminus pour Patrick O'Brien a des chances d'être aussi surprenant.

FML #1 (of 8) (Kelly Sue DeConnick / David Lopez)


Adolescent de 16 ans, dessinateur et collégien, Riley Maloney vit avec sa mère, ex-rockeuse, et sa soeur. Il fréquente Savvy Slaughter, Lydia, et Glory Holgate avec lequels il partage sa passion pour le heavy metal et les films d'horreur. Une nuit, il fait le mur pour aller les rejoindre dans leur repaire où ils répètent un rituel trouvé dans un fanzine de sa mère...


De 2012 à 2015, Kelly Sue DeConnick a signé ce qui reste, à mes yeux, le meilleur run de la série Captain Marvel, lorsque Carol Danvers hérita du nom. Lors du deuxième volume de son run, elle fit équipe avec le dessinateur espagnol David Lopez avec lequel elle acheva son passage sur le titre, juste avant l'event Secret Wars de Jonathan Hickman et Esad Ribic.


Tous ceux qui ont lu ces épisodes et les ont aimés espéraient qu'un jour la scénariste et l'artiste se retrouvent pour un projet et enfin, en 2024, FML exauce ce souhait. Il s'agit d'une mini-série qui comptera huit épisodes et qui a connu une longue gestation, entamée lors de la pandémie de Covid, quand tout le monde était confiné.


On peut d'ailleurs situer le récit à cette époque quand on remarque que les personnages portent un masque. L'action de FML a lieu dans une ville moyenne, mais ça n'a pas de réelle importance, sinon pour souligner qu'on ne se trouve pas dans une mégalopole comme New York ou Los Angeles mais plutôt dans l'Amérique "profonde".


Les héros de cette histoire sont une bande de jeunes qui ont pour passions communes le heavy metal et les films d'horreur : il y a Riley, qui dessine et aime imaginer des fictions horrifiques ; Savvy, sa meilleure amie au caractère très volcanique ; Lydia, la plus discrète et qui est une vraie encyclopédie ambulante ; et enfin Glory, une gothique qui se promène vêtue comme si c'était en permanence Halloween.

Lors d'un cours, pour tromper son ennui, Riley griffonne sur son cahier et quand ses amis veulent voir ce qu'il a dessiné, ils découvrent comme lui, stupéfaits, une scène vraiment flippante avec un monstre. Le soir venu, Riley retrouve ses amis dans les bois et il a emmené avec lui des fanzines auxquels participait sa mère à leur âge. Dans l'un d'eux, Glory trouve une fable étrange sur deux musiciennes qui ont passé un pacte avec un démon. La bande décide de répéter cette cérémonie. Le lendemain matin, une grosse surprise attend Riley...

On sent chez la scénariste une volonté de s'amuser avec les codes des teen dramas comme Riverdale et par extension avec les clichés véhiculés par les BD de Archie Comics. Elle mélange ça avec des influences fantastiques, elles aussi en provenance de séries télé comme Buffy contre les vampires. Mais elle nous épargne tous les écueils de ces productions.

D'abord parce que DeConnick prend son temps pour planter le décor et ses protagonistes, nous les rendre attachants et identifiables. Riley, qui est au coeur de la série, est un gamin qui dessine pour exprimer ses angoisses : les histoires d'horreur et l'énergie du hard rock sont un défouloir pour lui et il est donc logique qu'il soit complice avec d'autres gosses qui, comme lui, aspirent à être des rebelles tout en veillant à rester dans les clous.

La présentation des amis de Riley et de sa famille est ainsi ponctuée par des vignettes en noir et blanc dessinées par Lopez comme des croquis commis par un ado, au trait encore maladroit et caricatural. Les adultes y sont montrés comme des individus qui ont oublié leur jeunesse et répriment les élans de la leur. Mais ces ados sont aussi des petits malins qui savent se faire respecter pour leur différence (comme on le voit lors d'un flashback sur Glory, harcelée à son arrivée dans ce collège à cause de son look).

La réussite et la justesse du propos tiennent donc à la manière dont DeConnick convoquent ce que tout un chacun a pu connaître à cet âge. Qui n'a pas essayé de participer à une séance de spiritisme par exemple, pour le plaisir du frisson, en utilisant un ouija ? Qui n'a pas connu un copain qui lui a fait écouter Led Zeppelin en lui promettant qu'après il n'apprécierait plus la musique de la même façon ? Qui n'a pas cherché un acolyte avec qui parler comics quand c'était considéré comme de la sous-BD ?

Si, donc, vous avez expérimenté ça, FML va vous parler et vous rirez et vous serez attendris. Et vous serez vraiment impatient de lire la suite après la dernière page. D'autant que les planches de David Lopez vibrent de vivacité : ses personnages sont très expressifs, avec une rondeur dans le trait, et une énergie dans le découpage irrésistible. Les couleurs franches de Cris Peters ajoutent à cette ambiance gentiment barrée.

Presque dix ans après Captain Marvel, Kelly Sue DeConnick et David Lopez sont toujours à l'unisson et leur association fait encore des étincelles.

vendredi 8 novembre 2024

X-FACTOR #4 (Mark Russell / Bob Quinn)


Nouvelle mission pour X-Factor : secourir un groupe de scientifiques au centre de la Terre dans le désert d'Alamogordo au Nouveau-Mexique. Havok convainc Granny Smite de ne pas venir mais un autre souci l'attend : une nouvelle recrue, Wintergeist, accompagne l'équipe... Et il s'agit de 'ex de Cecilia Reyes !


Chaque semaine quand les nouveautés paraissent, deux sentiments animent le fan de comics : est-ce que les nouveaux épisodes seront bons ou mauvais ? Et est-ce que la série qu'on attend le plus sera toujours à a hauteur ? Dans mon cas, à chaque nouveau numéro de X-Factor, j'y vais sereinement car je sais, sauf incroyable accident, que je vais passer un excellent moment.


De tous les titres X, celui-ci est mon préféré (disons ex aequo avec Exceptional X-Men). Et cette fois encore, c'est un régal. Mais c'est aussi toujours une surprise car je me demande comment une telle série peut exister, a pu être validée par Tom Brevoort et Marvel tant elle est à contre-courant. Et ce plaisir coupable ajoute au bonheur de la lecture.


Contrairement à X-Force, ce qui force le respect ici, c'est la régularité avec laquelle Mark Russell mène son affaire : il s'en tient scrupuleusement à sa méthode (des épisodes self-contained) tout en alimentant un fil rouge (la menace posée par X-Term, cette équipe rivale qui veut ouvertement torpiller X-Factor et ceux qu'elle sert).


A chaque fois, on a droit à une mission improbable, qui n'a rien à voir avec le sempiternel refrain de la persécution des mutants (je ne sais pas vous, mais moi je n'en peux plus de lire et relire du X-Men sur ce thème). Le résultat est subversif puisque le parti-pris de Russell est de mettre en scène une bande de crétins franchement manipulée mais qui font quand même le job parce que Krakoa, c'est fini et qu'il faut bien vivre.

Le casting est réjouissant, même si le traitement des personnages peut ne pas plaire aux puristes. Il est vrai que Havok n'est pas gâté depuis des années (la dernière fois qu'il a été considéré, c'était quand Rick Remender en avait fait le chef des Uncanny Avengers), mais ses acolytes sont aussi bien gratinés. Cependant ce n'est pas de la méchanceté gratuite de la part d'un scénariste qui aurait voulu se payer une tranche de mutants débiles.

A travers le concept de X-Factor, Russell se moque surtout des compagnies qui, en prétendant valoriser leur personnel, les ridiculise, les asservisse. Ce sont certes des mutants, pour la plupart de second plan, mais qui sont instrumentalisés par des nababs de la com' et des médias. Et justement, parce qu'ils n'ont jamais ou rarement été mis en vedette, Havok et compagnie sont les pigeons parfaits de ces entreprises.

Ce ne sont pas Frenzy, Cecilia Reyes, Pyro qui auront droit à leur place dans les équipes de tête comme X-Men ou Uncanny X-Men. Ils ne seront pas non les mentors charismatiques de nouveaux mutants comme dans Exceptional X-Men. Et donc condamnés aux oubliettes, ils sont les clients parfaits pour des moguls voulant donner à leurs abonnés des agneaux sacrifiables. D'ailleurs, à la fin de cet épisode, sans spoiler, sur les réseaux sociaux, on se désole que cette fois personne ne soit mort dans l'équipe !

En parallèle de la critique, Russell développe donc un subplot, discret mais bien présent : X-Term. Après Polaris qui a été soupçonnée d'en faire partie, y a-t-il un autre traître, véritable cette fois, dans le groupe  Et finalement, les héros de X-Factor, un peu pathétiques, ne sont-ils pas vraiment plus sympathiques que X-Term, dont la morale est plus discutable.

Bob Quinn livre une nouvelle fois des planches épatantes. Il sert à merveille, grâce à son trait très expressif, les dialogues irrésistibles de Russell. Quand l'action prend le relais, il sait aussi, grâce à un découpage très vif, imposer un rythme infernal sans rien perdre en précision. Et, mine de rien, si les péripéties sont complètement loufoques, la série ne lésine pas sur le spectacle quand c'est nécessaire.

Le pari des auteurs, qui est de rendre ces anti-héros attachants sans rien lâcher sur le regard incisif porté sur leur exploitation, est donc réussi. Depuis quatre mois, les épisodes n'ont pas perdu ni en qualité ni en singularité. C'est ce qui confère à X-Factor son charme, sa drôlerie, son punch. On en redemande !