vendredi 29 novembre 2024

THE QUESTION : ALL ALONG THE WATCHTOWER #1 (of 6) (Alex Segura / Cian Tormey)


Renvoyée du Gotham City Police Department, Renee Montoya est recruté par Batman, Superman et Wonder Woman pour devenir la responsable de la sécurité de la Tour de Guet de la Justice League Unlimited. Très vite un meurtre y est commis et tout le monde est considéré comme suspect...


Sorti la semaine dernière, j'ai attendu que soit paru le premier numéro de Justice League Unlimited, dont j'ai posté la critique il y a quelques heures, pour vous parler de The Question : All along the Watchtower, qui est son spin-off. Il s'agit d'une mini en six numéros (peut-être plus en cas de succès ?) qui est une sorte de complément de programme.


La Justice League est donc maintenant une énorme équipe dont chaque super-héros est un membre s'il le souhaite et qui agit partout dans le monde. Tout ces super-héros ont pour base la Tour de Guet, une station en orbite autour de la Terre, équipée de tunnels Boom (empruntés à la technologie de New Genesis) par lesquels les héros peuvent se rendre n'importe où.


On peut voir dans Justice League Unlimited que Red Tornado, dans l'attente d'un nouveau corps, est une Intelligence Artificielle qui dispatche les membres de la Ligue en fonction de leurs compétences face aux menaces détectées. On a aussi pu voir dans Titans #16 (le mois dernier) que le bâtiment avait une sorte de shérif chargé de la sécurité : la Question.


Ce personnage a longtemps été incarné par Vic Sage, une création de Steve Ditko lorsqu'il a travaillé pour Charlton Comics avant que cette maison d'édition ne soit rachetée par DC. Mort dans la maxi-série hebdomadaire 52, puis à nouveau en vie depuis l'ère Rebirth, Vic Sage avait transmis le flambeau à Renee Montoya, une flic du G.C.P.D., latino-américaine et lesbienne, créé par Greg Rucka dans la série Gotham Central (donc : une brune sexy forte tête).

Si on n'a plus trop vu Vic Sage depuis Event Leviathan (de Brian Bendis & Alex Maleev) et The Question : The Deaths of Vic Sage (par Jeff Lemire & Denys Cowan), Renee Montoya fait donc son grand retour sur le devant de la scène grâce à l'écrivain Alex Segura dans cette mini.

Segura est un fin connaisseur des comics (il a eu des responsabilités chez Archie Comics, puis DC) grâce aux romans qu'il écrit et qui interroge le mythe du super-héros (à ma connaissance, ses ouvrages ne sont hélas ! pas traduits en France). C'est donc l'occasion pour lui de se faire enfin connaître comme scénariste, en surfant sur la vague du succès prévisible de Justice League Unlimited.

Renee Montoya vient d'être renvoyée du GCPD, où elle avait certes pris du galon mais s'était souvent opposée à la politique anti-Batman du maire de Gotham. Batman, justement, et Superman l'abordent alors pour lui proposer de devenir chef de la sécurité de la Watchtower - et on notera que le sous-titre de la série est un clin d'oeil appuyé à la chanson de Bob Dylan popularisée par la reprise de Jimi Hendrix.

Pourtant, elle va vite découvrir qu'elle n'a pas les coudées franches : Wonder Woman lui présente les héros susceptibles de l'aider dans sa tâche - des deux Blue Beetle en passant par Animal Man jusqu'à Batwoman... Avec laquelle les relations sont plus que tendues puisque Renee et Kate Kane furent amantes. Mais un meurtre survient après l'intrusion d'un vilain vite neutralisé et qui a visiblement fait diversion...

Segura articule donc son récit sous la forme d'un whodunnit ? (qui l'a fait ?), à ceci prêt que tous les suspects sont les membres de cette Justice League XXL. Pour l'instant, l'épisode s'est contenté de présenter les protagonistes et la situation, donc tout reste à faire, mais le procédé est accrocheur et permet surtout de visiter la Tour de Guet, personnage à part entière. C'est efficace, à défaut d'être renversant.

On pourrait dire la même chose des dessins de Cian Tormey, un jeune artiste sur lequel DC mise en lui confiant, intelligemment des minis, histoire de voir comment il tient le coup (on a pu le voir avant cela sur Alan Scott : The Green Lantern, publiée en parallèle de Justice Society of America, le dernier run récent de Geoff Johns).

Tormey est un artiste appliqué : il s'emploie à livrer des planches propres, à la narration fluide, et fait en sorte que tous les personnages, au premier comme en arrière-plans soient immédiatement identifiables. Je ne sais pas par contre s'il a redesigné lui-même le costume de la Question, avec un chapeau plus grand et un long manteau, avec un fusil dans le dos, qui lui donne un faux air de cowboy sorti d'un western de Sergio Leone. Disons que ça change de son précédent look, tirant plus sur le Spirit de Will Eisner.

On sent en tout cas un bon potentiel chez Tormey, même si ses planches manquent un peu de dynamisme et que, dans le feu de l'action, ses compositions manquent d'ampleur. Mais rien d'incorrigible.

L'un dans l'autre, c'est une lecture agréable et qui accompagne plaisamment Justice League Unlimited.

JUSTICE LEAGUE UNLIMITED #1 (Mark Waid / Dan Mora)


Le jeune super-héros Airwave arrive dans la Tour de Guet de la JLU. Red Tornado envoie plusieurs membres de l'équipe à plusieurs endroits dans le monde. Wonder Woman, Superman, Firestorm, Star Sapphire, Kid Flash et Black Lightning partent pour l'Afrique du Sud. Batman et Blue Beetle III pour le Costa Rica...


C'est la grosse sortie de la semaine et c'est un petit événement puisque c'est le retour d'une série Justice League dans les bacs deux ans et demi après l'arrêt du titre, au n°75 (daté de Avril 2022). A l'époque Brian Michael Bendis venait d'achever un bref et médiocre run et c'est Joshua Williamson qui se chargea s'enterrer la série pour s'en servir de rampe de lancement pour son event Dark Crisis.


Avant d'aller plus loin, pour bien mesurer la radicalité de la décision de DC de se passer d'une série sur la Justice League, imaginez que Marvel ne publie plus Avengers pendant deux ans et demi et vous comprendrez à quel point ça semble fou. Même si, après la fin du run de Scott Snyder, le titre sombra péniblement jusqu'à l'arrivée de Bendis que DC débarqua de Superman et Action Comics en espérant sauver l'affaire.


Pour que l'univers DC ne paraisse pas délaissé par ses champions, Tom Taylor relança la série Titans dont le chef, Nightwing, venait d'être intronisé par Superman, Batman et Wonder Woman comme celui qui devrait désormais jouer les pompiers de service avec ses acolytes. Si, commercialement, ça ne se passa pas trop mal, d'un point de vue narratif, les Titans ont mangé leur pain noir, surtout lors de l'event Beast World.


Jusqu'à Absolute Power qui marqua le point culminant d'un plan longuement réfléchi par Amanda Waller pour rayer les super-héros de la carte. Un coup presque gagnant, qui a surtout permis d'officialiser le retour de la Justice League. Mais une Ligue des Justiciers différente, ainsi qu'elle fut présentée dans le n° spécial DC All-In.

Justice League Unlimited renvoie évidemment à la série animée bien connue (2004-2006), diffusé sur Cartoon Network, qui mettait en scène une équipe où tous les héros DC étaient membres de la Ligue et appelé en fonction de la menace à affronter. Mark Waid garde ce principe en le détaillant : il ne s'agit pas d'annuler les autres groupes de héros, mais de composer une Justice League différente, meilleure, plus grande qu'elle n'a jamais été.

Je me rappelle que lorsque Brian Michael Bendis avait fait de Spider-Man et Wolverine des New Avengers, certains fans poussèrent des cris d'orfraie. Le scénariste systématisa ce principe au point qu'on pouvait penser que désormais tous les héros Marvel étaient des Avengers en puissance. Après lui Jonathan Hickman a transformé les Avengers en une sorte de légion, de petite armée, mais plus personne ne s'en plaignait...

Sur le papier, cette nouvelle Ligue XXL, dans sa Tour de Guet, renvoie à Kingdom Come ou aux années satellite de la Justice League of America(dans les années 1970), donc au concept d'une sorte de panthéon super-héroïque avec des personnages dominant le monde, le toisant depuis l'espace. Pas du meilleur goût donc. Mais là encore Waid a voulu nuancer...

Et c'est ce que montre avant tout autre chose ce premier épisode de Justice League Unlimited : certes, c'est le retour de la Tour de Guet, mais il ne s'agit plus d'une station en orbite géostationnaire. Ainsi, les héros sont envoyés aux quatre coins du globe en fonction des menaces qui y apparaissent et des compétences nécessaires pour les affronter. 

Il sera intéressant de voir si Waid compte aborder l'aspect politique internationale que soulève ce mode opératoire car, de facto, la Ligue agit sans attendre qu'on l'appelle ou qu'on l'autorise à intervenir dans un pays. Si Waid a de l'ambition sur ce plan, je serai curieux de voir comment il traite par exemple d'une opération en Ukraine et, s'il le fait, s'il mentionnera l'invasion de l'armée russe là-bas...

Mais avant tout cela, JLU s'avance comme un divertissement plein d'action, un grand spectacle taillé pour que Dan Mora le dessine avec l'énergie folle qu'on lui connait. Les planches qu'il livre sont efficaces, avec une démesure réjouissante, même si c'est parfois un peu confus (il faut quand même que tout ça tienne en une vingtaine de pages). En tout cas la puissance des Superman, Wonder Woman, Star Sapphire et compagnie est bien mis en valeur.

Pour ceux à qui manquait la Justice League ou plus globalement un team-book bourré d'action et d'héroïsme basique, cette série est un bonheur, simple et accompli. On ne peut rêver meilleur tandem que Waid et Mora pour réaliser ce titre. L'utilisation de personnages très connus et d'autres moins ajoute au plaisir de la lecture - et le scénariste a confirmé que ce serait tout le temps ainsi.

Par ailleurs, on a droit à deux subplots accrocheurs : l'un concerne l'auteur de l'attaque commise en Afrique du Sud, un groupuscule nommé Inferno qui annonce la couleur en défiant la JLU, prédisant, quels que soient ses efforts, son échec dans les prochains mois ; et l'autre impliquant un tout jeune héros qui intègre cette JLU pour un projet inquiétant....

Ce premier épisode en laissera sûrement sur leur faim - faute d'un adversaire plus identifiable, plus familier. Toutefois, je prédis un carton logique et mérité car ça fait plaisir de retrouver la Ligue avec de si bons auteurs aux commandes.

jeudi 28 novembre 2024

DETECTIVE COMICS #1091 (Tom Taylor / Mikel Janin)


Bruce Wayne est en plein questionnement : Batman reste impuissant devant le meurtre de jeunes garçons qui avaient toute leur vie devant eux alors qu'au même moment Scarlett Scott lui offre de tester le Sangraal, qui assurerait une plus longue espérance de vie à des privilégiés comme lui. Harvey Bullock comme Superman lui assurent qu'il fera le bon choix tandis que le Pingouin lui cause des tracas...


Après vous avoir parlé, un peu plus tôt aujourd'hui, de Superman #20 où Joshua Williamson réussissait à confronter le champion de Metropolis à un dilemme terrible, il est troublant de remarquer que Tom Taylor fait de même avec Batman dans Detective Comics. Il ne s'agit par d'une entreprise de déconstruction du héros, comme tant de copieurs d'Alan Moore ont voulu le faire, mais bien de réhumaniser ces personnages iconiques.


L'intrigue met en parallèle le fait que Bruce Wayne a la possibilité de rallonger son espérance de vie, grâce à la potion Sangraal concoctée par son ex-généticienne Scarlett Scott, et la mort de jeunes garçons qui avaient toute la vie devant eux. D'un côté, un privilège accordée à des adultes fortunés ; de l'autre, le malheur qui frappe des adolescents délaissés.
 

Pour un héros comme Batman, vieillir est une hantise. Il n'est pas comme Superman, sur lequel le poids des ans n'est pas comparable : Bruce Wayne n'est qu'un homme, certes surentraîné, physiquement au top, mais pas à l'abri des blessures, du handicap, de la maladie. Si une potion magique pouvait le faire durer plus longtemps, en bonne santé, alors Batman aussi en profiterait et subséquemment Gotham.


Mais la moralité de cette opportunité taraude Wayne : le Sangraal n'est destiné qu'à des gens qui peuvent se payer ce traitement très coûteux, ce qui exclut de facto la majorité de la population. De quel droit en profiterait-il quand cela serait utile à tant d'autres, plus modestes mais aussi sinon plus méritants ? 

Tom Taylor débat de ce problème dans un excellent dialogue avec Superman qui est convaincu que son ami Batman trouvera un moyen de rendre ce remède miracle accessible au plus grand nombre. Plus loin, face au Pingouin qui a menacé un autre garçon, qui l'a volé, Batman est mis en difficulté sur un même plan rhétorique quand Oswald Cobblepot lui fait remarquer que celui qui tue ces jeunes innocents inspire désormais davantage la peur que le dark knight.

Le scénario est très bien construit et développé. Bien que j'ai été surpris que Taylor ne recourt pas, comme dans le n° précédent à des flashbacks sur Thomas Wayne pour exploiter la situation à laquelle il était confronté, ça ne veut pas dire qu'il n'y reviendra pas. L'auteur semble partir sur une histoire où hier et aujourd'hui se répondent via des personnages dont on sait ou devine les filiations : abattre ses cartes trop vite serait donc maladroit.

Par ailleurs, Taylor prouve une fois encore à quel point il sait cerner les personnages dont il a la charge. Dans Nightwing, malgré des arcs narratifs très inégaux, il avait su valoriser l'attitude positive et résiliente de Dick Grayson, au point d'en faire le coeur de l'univers DC (après des années passées pour l'éditeur à dépeindre un ensemble plus sombre). Là, il saisit Batman dans ce qui est rarement exploité : sa fragilité, sa vulnérabilité, son rapport au temps - parce que donc il est un héros sans super-pouvoir, soumis aux vicissitudes de l'existence. 

C'est une rupture consommé avec l'über-Batman de l'ère Grant Morrison et il est presque amusant de constater que Tom Taylor, que certains confondent (plus ou moins volontairement) avec Tom King (les deux hommes s'en amusent d'ailleurs volontiers), s'inscrit dans ce qu'avait initié son collègue lors de son run sur le dark knight (en jouant lui sur la romance contrariée avec Catwoman).

C'est d'autant plus malicieux qu'aujourd'hui Taylor se trouve à collaborer avec l'artiste qui, justement, a longtemps accompagné King sur Batman : Mikel Janin. L'artiste ibérique a sa propre version du héros de Gotham : il le représente souvent avec un air renfrogné, ombrageux, qui peut se lire ici comme de la préoccupation.

Et quand il s'agit de montrer Bruce Wayne, il n'hésite pas à souligner son côté plus aimable, sociable, qui joue la normalité pour mieux sonder ceux qui l'entourent. A cet égard, la scène ave Scarlett Scott est une petite merveille : elle doit l'ausculter pour vérifier qu'il est apte à recevoir son traitement, mais évidemment Bruce ne peut pas trop se déshabiller car cela révélerait ses nombreuses cicatrices et interrogerait la généticienne. Il ne peut pas non plus passer les tests d'efforts qu'elle lui réclame trop aisément sinon cela trahirait sa condition physique hors du commun.

Dans l'action comme dans ce genre de scènes où c'est Wayne qui doit cacher Batman, Janin effectue un travail remarquable, avec une colorisation superbe qui réalise lui-même désormais avec un talent consommé.

Vous l'aurez compris : comme pour Superman, Detective Comics à des qualités indéniables qui en font une lecture emballante et prometteuses.

SUPERMAN #20 (Joshua Williamson / Dan Mora)


Superman est face à un dilemme terrible : aider le Time Trapper sous la capuche duquel se trouve en fait le Doomsday du futur, souhaitant briser le cycle de tuerie pour accéder à un nouveau statut divin ? Ou refuser de l'aider en éliminant le Doomsday du présent au risque de voir, dans un avenir proche, beaucoup de ses proches mourir ?


Joshua Williamson a posé les bases d'une intrigue qui, comme toutes celles qui se fondent sur un voyageur temporel et ses prophéties (le plus souvent sinistres), est périlleuse à exécuter. Il confronte Superman à deux versions de Doomsday, le seul vilain qui a réussi à le tuer : un au présent qui resurgit, plus fort et féroce que jamais, un autre venu du futur qui souhaite briser ce cycle de violence en demandant à Superman l'impossible sous peine de voir ses proches mourir.


Les super-héros acquiert une forme de noblesse en refusant de tuer leurs adversaires et dans le cas de Superman, c'est plus qu'une règle, c'est un principe. En effet, avec sa puissance, il pourrait quasiment briser quiconque se met en travers de son chemin et menace ceux qui lui sont chers. Mais il s'y refuse car, rescapé de sa planète natale, il connaît le prix de chaque vie et se défend de l'ôter.


Alors, que se passerait-il si Superman devait tuer un méchant pour s'assurer non seulement que celui-ci puisse accéder à un nouveau statut qui ne serait plus régi par la violence, mais surtout pour épargner ses proches d'une mort imminente ? C'est à cette question que ce nouvel arc doit répondre. A moins que Superman ne soit pas le seul à décider...


Superman n'est pas un personnage facile à investir : la plupart des auteurs qui s'en empare ont tendance à opter pour une direction simple - le portrait du super bon samaritain dont les actions traduisent la noblesse d'âme. Et cela peut donner de bonnes histoires, plaisantes, divertissantes, où l'auteur s'exprime avec sincérité, en respectant le héros.

Et puis, parfois, un scénariste a une idée pour modifier un peu la course de ce champion vertueux. Joshua Williamson s'en est fait une spécialité depuis le début de son run où il l'a associé aux ressources de Lex Luthor pour le rendre plus efficace. En le confrontant à des vilains qui ne l'attaquent plus frontalement mais en exploitant l'une après l'autre ses faiblesses.

Dans cet arc, Superman est donc face à un problème multiple : il doit rendre un service à celui qui la tua jadis à la fois pour que ce dernier se libère du cycle destructeur pour lequel il a été formé mais aussi pour préserver les vies de ses proches. Des deux Doomsday auxquels il a affaire, lequel est le moins pire ? Car c'est là toute la complexité du procédé, il n'y a pas de bonne solution. Seulement une moins mauvaise que l'autre et qui se résume à dépasser le principe du héros.

Une fois cette problématique posée, l'épisode donne quand même au lecteur lambda de comics super-héroïque ce qu'il attend : de la baston. Celle qu'on lit dans ce numéro est franchement spectaculairement brutale. Dan Mora lui insuffle une dimension littéralement titanesque, avec des exagérations comme seul un personnage comme Superman peut se permettre (exemple : faire le tour complet de la Terre pour avoir assez d'élan avant d'asséner un coup à Doomsday).

Cette énormité fonctionne parce que c'est Superman, parce que c'est contre Doomsday, mais surtout parce qu'elle répond elle-même à la complexité du problème. On peut l'interpréter comme l'expression de la frustration de Superman face à la situation qu'il affronte et que lui impose le Time Trapper autant que comme sa volonté de terrasser Doomsday.

On notera, en passant, que rien que pour cette semaine, on aura droit à une double dose de Dan Mora puisqu'il dessine aussi Justice League Unlimited, sa nouvelle production écrite par Mark Waid. L'énergie, l'abnégation même de cet artiste est impressionnante, autant que son crédo est modeste : comme Stuart Immonen en son temps, la seule contrainte qu'il s'impose est de livrer ses épisodes à l'heure. Quand on en aligne deux de rang, soit une quarantaine de planches par moins, ça force quand même le respect. Surtout si le résultat est aussi concluant.

Alors, autant pour l'inspiration de Williamson que pour le tonus de Mora, Superman mérite vraiment d'être lu, non pas comme une institution, mais comme une série qui ne fait pas son âge - mieux : elle semble animée comme si on avait oublié sa longévité et y gagne une étonnante fraîcheur, ce qui n'est pas un mince exploit.

mardi 26 novembre 2024

AVENGERS, TOME 8 : VOICI LE PHENIX (Jason Aaron / Javier Garron, Dale Keown, Luca Maresca, Flaviano, Aaron Kuder, Carlos Pacheco, Ed McGuinness, Steve McNiven)

Avant-propos :

A partir de ce huitième tome, Panini Comics décide de sortir de plus gros volumes. Celui-ci compte pas moins de douze épisodes, soit une année complète de publication, et se conclut avec le n°50, qui correspond dans la numérotation Legacy de Marvel au 750ème épisode de la série Avengers. Un programme copieux donc qui se poursuivra jusqu'à la fin du run de Jason Aaron (encore trois tomes) puisque le scénariste va étendre son histoire sur deux titres simultanés, Avengers donc et Avengers Forever...


AVENGERS : VOICI LE PHENIX (Avengers #39-44) 


Il y a un million d'années, une fillette rousse est abandonnée par ses parents dans une clairière qui a brûlée. Alors que les vautours l'encerclent, elle est sauvée par une meute de loups qui la recueillent. Quelques années après, elle accepte d'intégrer une tribu composée d'humains qui ont développé des pouvoirs. Mais les siens vont se réveiller quand une tribu rivale agresse la sienne : elle devient la première hôtesse humaine de la force Phénix...


De nos jours. Après avoir possédé brièvement Moon Knight pour qu'il se libère de l'emprise de Khonsou, le Phénix fait son nid à proximité de la montagne des Avengers au pôle Nord. Namor et ses Défenseurs des profondeurs arrivent sur place car le prince des mers est convaincu que l'oiseau de feu a répondu à son appel...


Mais la situation prend une tournure inattendue : le Phénix piège en son sein, dans la Chambre Blanche, 19 individus, parmi lesquels des membres des Avengers, de la Garde Hivernale, de l'Escadront Suprême, des mutants, des inhumains et d'autres encore pour qu'ils s'affrontent en duel à travers le monde, investis de ses pouvoirs...
 

Les combats sont très disputés. Namor pense prendre l'avantage, puis Black Panther domine les débats. Dans le Céleste mort qui abrite leur quartier général, les autres Avengers et les agents du Wakanda échafaudent un plan pour abréger ce tournoi et éloigner le Phénix. Captain Marvel, Iron Man, Ghost Rider et Thor l'attaquent plus frontalement...


Et alors que les prétendants diminuent, Thor va apprendre du Phénix une révélation choquante sur ses origines juste avant que le champion ne soit désigné, à la surprise générale...


Ayant participé, à l'époque où des auteurs comme Brian Michael Bendis, Matt Fraction, Jonathan Hickman et Ed Brubaker se partageaient le titre honorifique d'"architectes" de l'univers Marvel, à l'écriture de la saga événement Avengers vs. X-Men (en 2012), pratiquement dix ans après, Jason Aaron décide d'y revenir avec cet arc en six épisodes.

C'est assez logique si on considère qu'il a introduit dans la continuité les Avengers d'il y a un million d'années dans lesquels on trouve la première incarnation humaine de la force Phénix, une rousse plantureuse dont il nous narre l'origine dans l'épisode 39 que Dale Keown met en images. En soi, cet épisode n'a rien de bien folichon toutefois et n'apporte rien de déterminant ni à ce qui a précédé ce qu'on connaît du Phénix ni à ce qui va suivre - sinon que l'oiseau de feu semble particulièrement affectionner les rousses.

Les planches de Keown sont elles-mêmes très classiques et manquent de ce souffle épique qui aurait pu faire la différence. Néanmoins, on apprend que c'est bien le Phénix incarné qui a inspiré les premiers Avengers de la préhistoire puisque son hôtesse va chercher Odin à Asgard pour qu'il l'aide à former une équipe...

L'arc Enter the Phoenix est peu apprécié par les fans déjà peu nombreux du run de Aaron sur Avengers. Pour la majorité, cela se résume à une longue baston dont le vainqueur est certes étonnant mais qui a été depuis dépossédé de son pouvoir cosmique. Actuellement, Jean Grey a récupéré la force Phénix et parcourt l'espace dans sa première série dédiée, écrite par Stephanie Phillips, qui cartonne (bien que, là aussi, les avis sont très mitigés sur sa qualité - je m'abstiendrai de tout commentaire puisque je ne la lais pas).

Ce reproche d'un arc trop bourré en bagarres n'est pas usurpé. C'est effectivement le cas et c'est un peu long. Javier Garron se donne beaucoup pour mettre en images ces duels de la manière à la fois la plus spectaculaire et la plus variée possible, mais il donne le sentiment de s'épuiser pour pas grand-chose (d'ailleurs, il est remplacé sur l'épisode 42 par Luca Maresca, qui se débrouille brillamment pour rester au niveau ébouriffant de son collègue).

L'artiste espagnol s'est investi dans les designs puisque les héros qui se chamaillent pour devenir le nouvel hôte de cette force Phénix subissent des altérations de leurs costumes. Dans l'ensemble, il faut bien reconnaître que ces relookings sont assez discutables : le jeu consiste à placer le symbole du Phénix qu'avait dessiné Dave Cockrum un peu partout pour que le lecteur, des fois qu'il serait un peu neuneu, ne comprenne pas la situation.

Jason Aaron a quand même le mérite de désigner un gagnant inattendu, qui sort un peu de nulle part, mais ma foi, il y a des candidats tellement improbables dans le lot (comme Howard le canard ou Man-Thing ou Devil Dinosaur) que Maya Lopez/Echo est certainement la moins choquante. La justification apportée par le scénariste pour qu'elle le remporte est assez fûtée. 

Surtout, en c'est presque le plus notable, ce qui aura le plus d'impact pour la suite, ce n'est pas tant qui va être le nouvel hôte de la force Phénix, c'est ce que dit le Phénix originel à Thor, à savoir qu'elle serait sa mère. Le dieu du tonnerre est légitimement bouleversé, mais Aaron a suffisamment insisté auparavant pour qu'une liaison entre Odin et Phénix ait pu porter ses fruits. Depuis, cependant, il semble que les scénaristes qui ont eu à écrire Thor (soient Donny Cates et actuellement Al Ewing) soient revenus sur cette idée. Mais Aaron a tellement voulu réinventer Thor au cours de son long run sur le personnage que ce n'est qu'une addition de plus et, comme chacun sait, les idées d'un auteur lui survivent rarement...

Voici le Phénix m'a diverti : je reconnais que c'est un peu trop long, répétitif, mais c'est du vrai grand spectacle, et Javier Garron accomplit une nouvelle fois des prouesses visuelles, confirmant qu'il a pris les commandes de la série graphiquement.  

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AVENGERS : WORLD WAR MISS HULK (Avengers #45-50)


Black Panther apprend que Dracula veut réclamer aux Nations Unies la souveraineté de son nouveau royaume dans la cité de Tchernobyl en vertu de l'aide apportée par les vampires durant la récente attaque de Knull, le roi des symbiotes. Sachant que cette demande sera acceptée, T'challa a une idée pour continuer à garder Dracula et son peuple sous contrôle mais, pour cela, il va avoir besoin de Blade...


Gorilla Man trahit les Avengers en permettant à la Garde Hivernale d'y pénétrer. Les super-héros russes viennent capturer She-Hulk, officiellement pour les dégâts qu'elle a commis lorsqu'elle a combattu Namor quand ils étaient tous deux sous l'emprise du Phénix à Moscou...
 

She-Hulk est emmenée en Sibérie dans un complexe de la Chambre Rouge où elle subit un lavage de cerveau. Les Avengers partent la récupérer mais arrivent trop tard : elle est désormais complètement conditionnée et sous les ordres de la Veuve Rouge qui lui a fixée une mission dévastatrice...


En effet, elle a pour cible les atlantes et Namor qu'elle doit tuer. Mais la Veuve Rouge prépare en parallèle une solution radicale en cas d'échec... Et pendant ce temps, Ka-Zar a été envoyé en mission à travers le temps pour enquêter sur une menace multiverselle qui est ourdie par Mephisto et les nouveaux Maîtres du Mal qu'il a recrutés...


Ce deuxième arc débute par un épisode tie-in à l'event King in Black de Donny Cates et Ryan Stegman où Venom affronte Knull, le roi des symbiotes. Je n'ai lu ni le run de Cates sur Venom ni King in Black et le seul autre titre impacté par cette histoire que j'ai suivi était, à l'époque, S.W.O.R.D. de Al Ewing et Valerio Schiti. Jason Aaron, lui, n'a pas eu à composer avec, sans doute parce que son statut de scénariste vedette lui a permis d'y échapper et que Marvel a préféré lui laisser continuer à raconter ce qu'il avait en tête.


Du coup, on a droit à un épisode, le 45ème, qui se contente d'allusions rapides et sommaires à King in Black. L'essentiel est ailleurs et aboutit à un épilogue assez réjouissant puisque Dracula exige que son nouveau territoire soit reconnu souverainement par l'O.N.U. en vertu de l'aide apportée par les vampires contre Knull. Black Panther trouve un moyen de garder un oeil sur les suceurs de sang en leur imposant Blade comme une sorte de shérif chargé de veiller à ce qu'ils n'abusent pas de leurs nouveaux privilèges. On peut aussi y voir une manière habile d'exfiltrer Blade des Avengers où il a fait son temps mais en râlant constamment (et pour cause : lui n'hésite pas à tuer quand les autres s'y refusent).

Ensuite, c'est parti pour l'arc World War She-Hulk, en référence explicite à l'event World War Hulk de Greg Pak et John Romita Jr. (en 2006-2007). Jason Aaron ne reproduit pas le schéma de l'histoire de son collègue (dans laquelle Hulk, envoyé dans l'espace par les Illuminati - Dr. Strange, Iron Man, Charles Xavier, Flèche Noire, Black Panther, Namor - pour l'empêcher de commettre de nouveaux carnages sur Terre, atterrit sur une planète où il devient gladiateur puis roi, puis se marie, a un enfant, et revient sur Terre pour se venger après avoir perdu sa femme dans un accident dont il tient les Illuminati responsables) : on peut dire qu'il fait largement aussi bien, voire mieux.

En effet, un peu comme dans l'arc Voici le Phénix avec le twist sur la naissance de Thor, toute l'intrigue ici, bien mieux construite, avec sa révélation bien mieux amenée, repose sur un retournement de situation. La Garde Hivernale capture She-Hulk pour un motif bidon avec la complicité de Gorilla Man, qui espère en retour être tué pour se débarrasser de la malédiction qui en fait un homme gorille.

Conditionnée de manière très éprouvante, She-Hulk devient le jouet de la Veuve Rouge pour détruire Atlantis et tuer Namor... Le récit va à cent à l'heure, et même les moments les plus calmes sont traversés par une tension à couper au couteau vu la transformation psychologique effrayante que subit She-Hulk. Aaron avait choisi, au début de son run, de ne pas changer l'état du personnage, devenu véritablement aussi colossale et sauvage que con cousin, tout en nuançant cela par le fait que Jennifer Walters gardait un semblant de contrôle sur son alter ego.

Toutefois, le niveau de puissance de She-Hulk était réellement impressionnant : non seulement sa force physique était sans commune mesure avec ce qu'elle était auparavant, mais en plus au contact d'un Céleste mort, tué par la Dernière Armée, elle était devenue une véritable bombe gamma ambulante, capable de générer des explosions quasi atomiques. Alors imaginez la bête une fois conditionnée par la Veuve Rouge...

Le plus décevant dans cet arc, et en général dans le run d'Aaron, c'est son traitement de la Garde Hivernale. Seule la Veuve Rouge l'intéresse et l'inspire vraiment, il en fait un personnage inédit et glaçant, très violent, mais ses acolytes sont décrits come de vrais baltringues, que les Avengers dominent largement, et sans effort. On peut penser qu'il est délicat d'écrire des super-héros russes implicitement au service d'un dictateur comme Poutine (même s'il n'est jamais nommé ici), mais le scénariste semblait parti avec l'intention d'en faire les Avengers russes et à l'arrivée, ça n'a jamais été le cas.

En dehors de ça, l'histoire ici est franchement jubilatoire et fracassante. On ne sait jamais ce qui va arriver, et il faut vraiment attendre l'épisode 49 pour comprendre l'astuce du scénariste. Javier Garron, cette fois, enchaîne les quatre épisodes sans fléchir et ses planches sont époustouflantes. L'énergie qui s'en dégage, l'expressivité des personnages, la démonstration de puissance des combats, le foisonnement des détails (dans les décors et la figuration), tout ça est incroyable de maîtrise.

Ce qui est un peu curieux, c'est que dénouement a lieu dans l'épisode 50, qui est aussi le 750ème de la série, tous volumes confondus. L'occasion d'une pagination très, mais lors très augmentée : pas moins de 100 pages ! Et qui explique le défilé de dessinateurs au générique : Javier Garron termine donc World War Miss Hulk et enquille avec quelques autres pages plus loin, puis Ed McGuinness et Carlos Pacheco mettent en scène Ka-Zar qui remonte le temps, Flaviano a droit à quelques planches avec Jane Foster/Valkyrie puis Gorilla Man, Aaron Kuder s'occupe de celles avec Mephisto et les nouveaux Maîtres du Mal.

Tout ça fait un peu trop fourre-tout à mon goût. Que Marvel ait voulu fêter le n°50/750, soit, mais là, ça part dans tous les sens, l'arc avec She-Hulk se termine entre deux scènes qui n'ont rien à voir mais qui prépare le terrain pour la fin du run et la série Avengers Forever. On a même droit à un segment de 10 pages, complètement déconnecté de tout le reste, écrit par Christopher Ruocchio et dessiné par Steve McNiven où Thor rencontre le jeune Arthur, futur roi de Camelot, aux prises avec des Broods ! WTF ?!

Mais bon, on va faire comme si c'était pas trop grave non plus et, en se concentrant sur She-Hulk, et les planches de Garron, c'est du kif. Bien entendu, ce n'est pas fin, mais tout le run de Aaron fuit la subtilité, l'auteur a tout misé sur l'action, le grand spectacle, au risque de sombrer parfois dans le grand portanawak. 

Pour ma part, je vais faire une petite pause dans les reviews de ce run, histoire de m'aérer un peu les idées. Mais j'irai jusqu'au bout : il me reste trois tomes à critiquer (et avant ça, à lire). J'ai un autre projet de run à revisiter en votre compagnie, en plus des critiques des sorties hebdomadaires en vo. Donc, stay tuned !

dimanche 24 novembre 2024

THE MOON IS FOLLOWING US #3 (of 10) (Daniel Warren Johnson / Riley Rossmo & Daniel Warren Johnson)


Duncan et Samantha repartent en mission pour sauver Penny, leur fille. La reine Ashley et Brio ont planifié un assaut sur une forteresse dans les profondeurs du royaume où ils pensent que quelque chose de précieux est dissimulé. Battlebear les accompagne...
  

Alors, non, je préfère vous rassurer : cette planche ci-dessus n'est pas un spoiler. On y reconnaît Samantha, dans notre dimension, pleurant au chevet d'une personne alitée et intubée, donc visiblement pas en grande forme, MAIS il ne s'agit pas de sa fille Penny. Daniel Warren Johnson n'est pas fou au point de nous révéler dès le troisième épisode l'issue de son intrigue et je ne suis pas indélicat au point de vous "divulgâcher" un élément important de l'histoire...


... Bon, c'est quand même quelque chose qui a une importance dramatique, mais l'image ne fournit pas assez d'information pour que vous puissiez deviner de quoi il s'agit ni pour vous décourager de découvrir cette série quand elle sera traduite en France. Cela dit, et c'est tout le problème des critiques mensuelles, épisode par épisode, il y a pratiquement toujours un moment où ça devient impossible de tout garder secret. Mais on verra au fil du temps.


Donc, me voilà rendu à la fin de mes critiques concernant les nouveautés sorties cette semaine (en vérité, il m'en reste une sous le coude, mais je la garde pour la semaine prochaine parce que je crois que, vous comme moi, on a besoin de reprendre un peu notre souffle, ça été un programme chargé et, à ce sujet, il faudrait vraiment que les éditeurs US fassent un effort pour ne pas sortir autant de titres chaque semaine, surtout en fin de mois où ça frise l'embouteillage).


Mais venons-en à cet épisode. On l'aura compris, le principe de The Moon is following us, c'est un récit en narration parallèle : une partie de l'action se déroule dans notre monde et est mise en images par Daniel Warren Johnson, et l'autre partie se situe dans une autre dimension, qui n'est pas nommée mais qu'on appellera la dimension du sommeil, dont est prisonnière Penny, la fille du couple de héros, et qui est mise en images par Riley Rossmo.

Le mois dernier, c'était quasiment un épisode 100% Daniel Warren Johnson, scénario et dessin, qui revenait sur les origines de l'intrigue, ou comment un couple de parents en détresse apprenait que leur petite fille, Penny, ne cessait plus de dormir. La science était impuissante face à ce cas médical, mais un vieil homme du nom de Tash Severin abordait Duncan et Samantha Lamarr pour leur offrir son aide.

Et donc on comprenait que Penny ne se réveillait pas car elle était prisonnière de cette dimension parallèle. Littéralement prisonnière d'étranges créatures qui y régnaient dans un décor d'heroic fantasy mélangée à de la S.-F.. Tash disposait d'un équipement permettant de voyager dans cette dimension et avec l'aide des jouets de Penny, qui y étaient dotés de la vie, Duncan et Sam allaient s'employer à retrouver et réveiller leur fille.

Restait à savoir pourquoi la fillette était retenue dans cette dimension. La réponse se trouve à la fin de cette épisode et on a droit à un twist comme DWJ sait en inventer, un retournement de situation proprement renversant et bouleversant, digne de ce qu'il a écrit dans son chef d'oeuvre Murder Falcon et l'excellent (mais à mon avis un chouia en dessous) Do A Powerbomb !.

C'est toujours épique et singulier, en grande partie grâce au dessin de Riley Rossmo qui reprend largement les commandes de la partie visuelle (DWJ ne se chargeant, comme d'habitude, que des scènes dans notre dimension, cette fois très minoritaires). Il y a cette bizarrerie propre au trait de Rossmo qui n'a pas un dessin joli, séduisant : ses personnages ont de drôles de tronches, et c'est accentué par le fai qu'ils sont entourés de seconds rôles qui sont des jouets ou des peluches (un ours, une grenouille, une poupée).

Mais ne soyez pas rebutés pour autant. D'abord parce qu'au fil des années, Rossmo s'est quand même assagi (en comparaison avec ce qu'il produisait sur Harley Quinn par exemple) et donc même si ça conserve une authentique étrangeté, c'est moins appuyé. Et surtout parce que son découpage est extraordinairement fluide et énergique à la fois. Ce qui en fait le dessinateur parfait pour les parties dans la dimension du sommeil où l'action est omniprésente, avec des assauts sur une forteresse, des hélicoptères, des démons, etc. Et les couleurs de Mike Spicer, partenaire habituel de Johnson, font merveille aussi pour Rossmo.

Au fond, Rossmo et Johnson étaient faits pour se rencontrer et travailler ensemble car tous les deux ont en commun une personnalité graphique très forte mais surtout des sensibilités complémentaires. La force brute de Johnson est nuancée par la bizarrerie échevelée de Rossmo, au service d'un script très émouvant et sans cesse surprenant. 

Sachant qu'on n'est à peine au tiers de cette série donne furieusement envie de savoir comment les deux auteurs vont poursuivre l'aventure en continuant à nous étonner. Mais avec ce tels talents, il n'y a guère d'inquiétude à avoir...

THE POWER FANTASY #4 (Kieron Gillen / Caspar Wijngaard)


Masumi Morishita fait partie de la famille nucléaire, au même titre que Ray Harris et Etienne Lux. Artiste peintre, elle se prépare, fébrilement, au vernissage de sa nouvelle exposition. Santa Valentina a aussi fait le voyage jusqu'à Tokyo pour y assister. Mais Masumi est surtout préoccupée par ce qu'en pensera la critique d'art Olivia Brown...


Pour ce pénultième épisode du premier arc de The Power Fantasy, Kieron Gillen nous présente un nouveau membre de la famille nucléaire : l'artiste peintre Masumi Morishita. Elle n'était juste là apparue que dans de courtes scènes où elle communiquait télépathiquement avec Etienne Lux au sujet de l'expo qu'elle préparait et pour laquelle elle souhaitait sa présence.


Bien entendu, elle n'ignore rien de la situation d'Etienne et des crimes retentissants qu'il a commis pour calmer les tensions entre Ray Harris et le gouvernement américain. Elle a invité ce dernier et les anges/démons qui composent le reste du groupe des six surhumains les plus puissants de la Terre. Jacky Magus lui adresse un texto pour lui signifier son absence. Eliza Hellbound n'a rien fait savoir.


Kieron Gillen fait de Masumi une lesbienne en couple avec une humaine ordinaire, Isabella, qui, on le découvre tout de suite, semble rester avec elle autant parce qu'elle l'aime que parce qu'elle a peur de sa réaction si elle la quittait. Et pour cause, sous son air inoffensif, Masumi possède un pouvoir terrifiant qui a détruit l'Italie - et sans doute le reste de l'Europe (comme on l'a découvert à la fin du précédent épisode).


De manière très subtile mais intense, Gillen va se servir de la soirée du vernissage pour montrer en quoi Masumi est terrifiante. D'abord il y a la présence d'Etienne, qui, loin de la calmer, la rend encore plus nerveuse puisque Ray est également présent et entre les deux hommes, le climat est resté orageux depuis l'intervention du télépathe à New York.

Isabella et Santa Valentina tentent malgré tout de rassurer Masumi. Mais on se rend vite compte que, plus que l'avis de ses amis sur ses tableaux, c'est celui de la critique d'art Olivia Brown qui prime pour elle. Et quand Isabella lui affirme que cette dernière semble apprécier son travail mais est en train de s'éclipser, Masumi pique une crise, certaine que la journaliste n'a fait que passer devant ses toiles sans s'attarder.

La nature des pouvoirs de Masumi n'est pas claire : Gillen semble jouer volontairement le flou artistique et les dessins de Caspar Wijngaard respectent cette direction. On devine néanmoins que tout ça a à voir avec une sorte de manifestation sous-marine, une sorte de nuage opaque qui surgit des profondeurs et peut tout dévaster en l'engloutissant. 

En choisissant de suggérer, le scénariste et l'artiste laissent au lecteur la liberté d'extrapoler, de créer leur propre vision, leur propre interprétation du pouvoir de Masumi. Mais surtout, après la puissance quasi-divine de Santa Valentina, le côté gourou capricieux de Ray, et la télépathie ravageuse d'Etienne, on se rend compte que ces six surhumains sont en fait des monstres qu'il ne s'agit pas de contrarier.

La divinité à laquelle les auteurs souhaitent qu'on assimile leurs héros renvoie donc effectivement au Doctor Manhattan de Watchmen, mais sans les rendre aussi détaché de leur humanité. Au contraire, leur sensibilité les rend plus dangereux encore et on comprend d'autant mieux pourquoi, entre leurs mains, l'équilibre du monde ici décrit est si fragile : non pas tant pour les humains, qui ne sont que des insectes pour eux, mais parce que si ces six individus entraient en guerre les uns contre les autres, ce serait cataclysmique.

Le bref échange entre Masumi et Olivia Brown fait allusion à Hitler, peintre raté qui a commis le génocide le plus mémorable du XXème siècle avec six millions de victimes. Olivia Brown assimile Masumi au dictateur allemand dans la mesure où elle ne trouve pas son travail excellent mais néanmoins sérieux et appliqué. Cela ne saurait suffire à la combler mais elle parle avec honnêteté, tandis que Masumi, ostensiblement blessée dans son orgueil d'artiste, est prêt à déclencher une nouvelle hécatombe. Puis se ravise en réfléchissant qu'un tel acte la confondrait vraiment avec Hitler.

Bien entendu, on peut trouver que Gillen emprunte un raccourci facile (Hitler aurait commis ses massacres pour compenser sa frustration artistique). Ce n'est sans doute par la caractérisation la plus subtile qu'il écrit depuis le début de la série. Mais on peut aussi penser que Masumi n'est rien d'autre qu'une gamine angoissée prête à exploser à la moindre contrariété et qui réagirait en conséquence avec ses terribles capacités.

Caspar Wijngard la dessine comme telle, avec une palette de couleurs acidulées, comme une starlette de K-pop aux tenues spectaculaires mais grotesques, avec une moue triste d'enfant. Et en creux c'est finalement Isabella qui devient le personnage le plus intéressant parce qu'elle est pétrifiée devant celle qu'elle aime. Faut-il rester avec un monstre pareille au prix de son propre bonheur pour éviter l'apocalypse ? Ou accepter qu'Etienne efface ses souvenirs pour trouver assez de paix intérieure pour vivre aux côtés d'une créature si inquiétante ?

Autant de questions plus passionnantes, troublantes, profondes que le simple parallèle Masumi-Hitler. On est dès lors curieux de découvrir comment seront portraiturés Jacky Magus et Eliza Hellbound quand viendront leur tour. Et une fois tout le casting présenté, comment évoluera l'histoire qui ressemble de plus en plus à un récit qui, tel un volcan, est sur le point de connaitre son éruption.

MOON KNIGHT : FIST OF KHONSHU #2 (Jed MacKay / Alessandro Cappuccio)


Moon Knight donne à Tony Stark un échantillon du Glitter, la drogue que vend Achilles Fairchidl dans l'espoir qu'il trouve un antidote. Mais Iron Man répond qu'un seul homme pourrait l'aider et qu'il est mort... De retour sur le terrain, avec Hunter's Moon et Eightball, Moon Knight affronte Cubist, recruté par Fairchild...
 

Bon, on va expédier la mauvaise nouvelle tout de suite : c'est le dernier épisode que dessine la talentueux Alessandro Cappuccio qui accompagnait Jed MacKay depuis que ce dernier écrivait la série (sous ses différents titres). Cappuccio, comme tous les artistes qui deviennent trop populaires pour rester sur un personnage considéré comme secondaire par Marvel, est promu et va désormais servir sur Ultimate Wolverine.


Le mois prochain, il sera remplacé par Domenico Carbone, puis celui-ci fera à son tour place à Dev Pramanik, qui avait officié sur Vengeance of Moon Knight et qui, à mon avis, est le meilleur choix. Mais bon, c'est un peu dommage de perdre Cappuccio à cause de la manie de Marvel de déloger les artistes, même quand ils semblent attachés à une série. A tout prendre, n'aurait-il pas mieux valu entamer ce nouveau volume directement avec Pramanik plutôt que déloger Cappuccio au bout de deux n° ?


C'est d'autant plus frustrant que Cappuccio part en beauté : il suffit de voir comment il met en scène le combat entre Cubist et le trio Moon Knight-Hunter's Moon- Eightball pour s'en convaincre (voir ci(dessus). C'est nerveux, dynamique, avec un découpage simple mais efficace, et une représentation fantastique des pouvoirs de Cubist. C'est déshabiller Paul pour habiller Pierre.


Le scénario de Jed MacKay n'est pas mal non plus toutefois et entre la première et la dernière scène, l'auteur convoque un autre héros qu'on ne s'attendait pas à voir associé à Moon Knight : Hank Pym. Pour ceux, rares il est vrai (la série s'étant arrêté au bout de cinq n°), qui ont lu Avengers Inc. (par Al Ewing et Leonard Kirk), le chevalier de la lune y faisait une apparition remarquée dans l'enquête que menait la Guêpe.

Et ces investigations concernaient Hank Pym que tout le monde croit mort depuis un moment. Là où ça se connecte avec Moon Knight, c'est via Tigra, désormais en couple avec Marc Spector : Greer Nelson est la mère d'une fillette qu'elle a eu avec Pym et qui n'a jamais su qu'il était son père. Je vais spoiler (mais vous deviez vous douter de ce que je vais révéler) : Pym n'est pas mort, ce qui va évidemment bouleverser Tigra.

Et si Moon Knight a besoin de Pym, c'est pour trouver un antidote à la drogue magique que vend Achilles Fairchidl. Les talents de biochimiste de l'homme-fourmi sont, d'après Iron Man, les seuls capables de fournir ce dont a besoin Spector dans sa confrontation avec ce dealer.

MacKay est, je trouve, très bien inspiré, entre un méchant vraiment retors, ses alliés aux pouvoirs originaux, et l'intégration de Pym à l'intrigue. La série sort des clous qu'on lui associe en embarquant des personnages inattendus, comme Eightball, Tigra et maintenant Pym - avec lequel Moon Knight fit partie des West Coast Avengers, dont Tigra fut aussi membre. Tout est bien ficelé.

Est-ce à dire que le scénariste prépare une sorte de reformation des Vengeurs de la Côte Ouest qui ne dirait pas son nom ? Ce serait aller vite en besogne et surtout c'est Gerry Duggan qui va relancer ce titre à partir de la semaine prochaine (avec une surprise de taille...).

Décidément, ce Moon Knight : Fist of Khonshu est emballant et donne envie de voir où ça va.