mardi 31 décembre 2024

BILAN (non exhaustif) 2024... ET BONNE ANNEE !

 

Alors que tout le monde va faire la bamboche ce soir pour tourner la page de 2024, je vous propose un bilan de l'année écoulée avec les comics que j'ai souhaité mettre en avant. J'ai distingué trois catégories : le première concerne des mini-séries ou séries régulières qui ont connu leur conclusion ; la deuxième concerne des mini-séries qui ont débuté cette année et qui s'achèveront en 2025 ; et enfin la troisième concerne des séries régulières sur lesquelles je mise pour les douze mois à venir. Pas de classement, d'ordre de préférence : juste ce que j'ai aimé et que, je l'espère, vous aimerez aussi, que vous soyez lecteur de vo ou de vf.


Batman / Dylan Dog a été une divine surprise. Cette mini en trois chapitres est un régal et j'espère vraiment que Urban Comics la traduira (même si j'ignore si ce sera possible étant donné que je ne sais pas qui a les droits de Dylan Dog pour la France). L'histoire mixe parfaitement l'univers des deux héros, et visuellement c'est une claque. En vo, en tout cas, c'est déjà dispo depuis Septembre dernier.


G.O.D.S. aura-t-il une suite ? Cette mini-série le mériterait, même s'il me semble qu'elle n'a pas eu le retentissement qu'elle méritait, malgré une promo intense de Marvel. Jonathan Hickman y est en grande forme dans un registre qu'il affectionne et il fait équipe à nouveau avec l'excellent Valerio Schiti, qui, depuis, se fait malheureusement discret. Panini vient de le traduire.


Helen of Wyndhorn est la dernière réussite en date de Tom King, qui renoue avec la magistrale Bilquis Evely au dessin. Cette histoire est enchanteresse en tous points. Malheureusement depuis son scénariste multiplie les faux pas (Jenny Sparks et Black Canary : Best of the Best). Mon conseil : qu'il écrive à nouveau pour cette graphiste magique ! Pas encore d'éditeur vf !


Patton Oswalt et Jordan Blum sont revenus pour un deuxième volume de Minor Threats, aussi savoureux que le premier. Mais aussi court hélas ! (quatre numéros seulement). Toutefois les deux auteurs, sans oublier l'artiste Scott Hepburn, développe l'univers de cette série en confiant des spin-off à des scénaristes côtés. Mais moi, ce que je veux, c'est surtout la suite et un volume 3 ! Et un éditeur qui se dévoue pour une vf !


DSTLRY a frappé fort d'entrée de jeu en publiant Somna, mini écrite et dessinée à quatre mains par les géniales Becky Cloonan et Tula Lotay. Sensuel, ensorcelant, ce récit est une merveille absolue qui prouve que l'éditeur a le goût des belles choses. Delcourt a traduit cette pépite sur laquelle il faut vous jeter !


The One Hand / The Six Fingers est un projet fou, mûri par Ram V, Dan Watters (scénario) et Lawrence Campbell, Sumit Kumar (dessin) : polar futuriste vertigineux, l'histoire n'a peut-être pas un dénouement à la hauteur mais c'est une expérience passionnante à lire. Par contre, la vf choisie par Urban est incompréhensible (plutôt qu'un album réunissant les deux titres, l'éditeur a préféré sortir ça en fascicules sans insister sur la complémentarité des deux séries !).


J'ai hésité à en parler mais quand même, en 2024, les fans des mutants ont dit adieu à l'ère de Krakoa avec X-Men #35 (Legacy #750). Au-delà de cet épisode copieux et réussi, c'est surtout la fin d'une aventure initiée par Jonathan Hickman qui a vraiment redonné un coup de fouet à la franchise, même si après le départ de son architecte le niveau a sensiblement baissé. Mon petit doigt me dit qu'on n'est pas prêt de revoir une telle réinvention des X-Men...


Enfin, Mariko Tamaki et Javier Rodriguez ont été bien inspirés en livrant Zatanna : Bring down the house. Esthétiquement magnifique, ce récit a été aussi surprenant que rafraîchissant - et il a fait des petits puisque le succès a été au rendez-vous : c'est désormais Jamal Campbell qui signera, scénario et dessin, une nouvelle mini en six parties sur la magicienne dès Février 2025 !

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On passe à la deuxième catégorie, celle des mini en cours et qui s'achèveront en 2025. Et, à tout seigneur, tout honneur, on commence avec la réunion tant attendue de Mark Waid et Chris Samnee pour le projet de rêve de ce dernier : Batman and Robin : Year One. C'est jubilatoire, drôle, palpitant, sublime. On voudrait que ça n'arrête jamais !


Autre duo à se reconstituer : Kelly Sue DeConnick - David Lopez. FML est un récit initiatique foutraque très prometteur. Tout ça vient juste de démarrer, mais c'est typiquement le genre de comics à recommander aux lecteurs blasés, convaincus que tout a été dit, raconté, et qui vont découvrir un objet bizarre, imprévisible et très drôle.


The Big Burn ou encore une histoire de tandem : en l'occurrence Joe Henderson et Lee Garbett, qui après Skyward et Shadecraft, remettent ça avec un polar au pitch tellement malin qu'on se demande pourquoi personne n'y a pensé avant. Peut-être pas la série du siècle, mais assurément un divertissement imparable, un chouia moins élitiste que le tout-venant de DSTLRY.


Et DSTLRY, côté chic et choc, ça donne justement The City Beneath Her Feet, projet spécialement écrit par James Tynion IV pour Elsa Charretier (qui fait donc une infidélité à Tom King et PK Colinet). Un seul épisode paru pour l'instant, mais avec là encore un démarrage canon et surtout une narration visuelle époustouflante.


Mark Millar met fin à sa meilleure saga en creator-owned avec ce cinquième volume de The Magic Order. L'écossais offre le cadeau à Matteo Buffagni dont il semble être le seul à avoir reconnu le vrai talent et on a effectivement droit, pour l'instant, aux meilleurs épisodes du titre depuis ses débuts. Cordelia Moonstone va-t-elle vraiment mourir comme promis ? Qui lira, verra...


The Moon is following us est une mini en cours que j'ai hésité à placer dans ma liste car Daniel Warren Johnson vient d'atteindre un tournant dans son récit. Autrement dit, la suite sera décisive. Mais il est formidablement accompagné par Riley Rossmo et les deux partenaires ont visiblement mis dans ce projet beaucoup d'eux-mêmes. On croise les doigts pour que ça reste bien.


The New Gods par Ram V et le prodigieux Evan Cagle, c'est le grand come back d'une des créations majeures de Jack Kirby, mais revisitée sans déférence. Le premier épisode envoie du lourd, l'ambition est immense, et si le scénariste ne se plante pas, DC devra compter avec Néo-Génésis et Apokolips comme jamais depuis très longtemps.


Suite au best-seller The Nice House on the Lake, The Nice House by the Sea est déjà plombé par les retards. Mais cela ne doit pas nous en détourner car c'est encore mieux que le premier acte. James Tynion IV a su se réinventer et Alvaro Martinez Bueno avec Jordie Bellaire fait encore feu de tout bois. Il va falloir être patient, mais c'est sans doute le prix d'une telle qualité.


The Tin Can Society ? Pour moi, c'est LA mini-série de cette fin 2024 et assurément des prochains mois de 2025. Initiée par Rick Remender, écrite par Peter Warren, cette histoire est d'une puissance émotionnelle ahurissante. Pour ne rien gâcher, Francesco Mobili confirme quel immense dessinateur il est. Déjà un chef d'oeuvre !


Time Waits, comme The Big Burn, c'est d'abord un pitch simple mais très original. DSTLRY a attiré dans ses filets Chip Zdarsky et Marcus To, auxquels s'est joint David Brothers pour ce polar SF de haut niveau, tendu, novateur, élégamment mis en images. La fin est imminente et j'espère que, comme pour Somna, Delcourt continuera à traduire les titres de cet éditeur pas comme les autres.


Un revenant qu'on n'espérait plus : James Robinson, auteur mythique de Starman, JSA : l'âge d'or, Leave it to Chance, signe Welcome to the Maynard qui suit une jeune bagagiste dans un palace uniquement réservé aux magiciens. J. Bone est plus que parfait pour donner vie à cette histoire pétillante, qui prouve que son scénariste a retrouvé son mojo.

*


Et enfin, on va parler des séries régulières, les ongoing, qui m'ont accroché et sur lesquelles je compte pour 2025. Detective Comics, c'est la version de Batman qui enquête plus qu'il ne se bagarre : Tom Taylor, qui sort d'un run acclamé sur Nightwing, s'approprie ce titre historique et fait équipe avec Mikel Janin, de retour au top. L'arc en cours est très accrocheur.


Je n'attendais rien de ce titre qui fait partie de la relance de la franchise mutante, mais Eve L. Ewing et Carmen Carnero ont su proposer avec Exceptional X-Men une série différente, qui n'a rien oublié de la période Krakoa, sans verser dans la facilité. C'est sensible, étonnant, superbe visuellement (même si la colorisation manque de sobriété).


Voilà une vraie surprise ! Emballé par le prequel consacré au personnage de Duke, G.I. Joe est le navire amiral (avec Transformers et Void Rivals) de l'Energon Universe de Robert Kirkman. Il en a confié les rênes à Joshua Williamson qui nous offre un comic-book bourré d'action, que Tom Reilly dessine avec un dynamisme débridé.


Jeff Lemire revient chez DC pour ranimer la JSA, à peine délivrée de Geoff Johns. Et ce scénariste hyper prolifique trouve d'emblée la bonne recette avec une formule deux en un où les vétérans et les jeunes de l'équipe sont idéalement distribués. Diego Olortegui est une petite révélation (qui va céder - provisoirement ? - sa place à Joey Vasquez) au dessin.
 

Mark Waid ramène enfin la Justice League au premier plan après quasiment deux ans d'absence dans les bacs. Et là encore, l'approche est très énergique, avec un casting Unlimited. Il faudra évidemment surveiller la manière dont tout ça sera développé mais avec Dan Mora au dessin, DC tient deux auteurs difficilement égalables pour soutenir un pareil projet.


Jusqu'à présent, j'étais bien passé à côté des runs de Jed MacKay sur Moon Knight mais Fist of Khonshu se révèle très abordable et surtout secoue la série très vite et très fort. Graphiquement, le titre ne souffre même pas du départ d'Alessandro Cappuccio, bien remplacé par Domenico Carbone puis Dev Pramanik.


Comme pour Batman dans Detective Comics, ça faisait une éternité que je ne m'intéressai plus à Superman. Mais ce que fait du personnage Joshua Williamson est tout simplement irrésistible et l'arc actuel, dessiné par Dan Mora, relance la machine après Absolute Power. En attendant le film de James Gunn...


Même si j'ai décidé d'arrêter de lire cette série mensuellement pour attendre la publication en recueil des prochains numéros, The Power Fantasy brille par son intelligence et sa malice. Kieron Gillen, qui m'a souvent horripilé, tient bien son sujet, sous un angle inattendu et très riche. Quant à Caspar Wijngaard, ses planches sont d'une originalité au niveau du projet, ce qui n'est pas rien.


Geoff Johns a créé son label Ghost Machine chez Image Comics et a réussi à y attirer de sacrés pointures. Pourtant, le projet qui m'a fait de l'oeil, c'est The Rocketfellers par Peter J. Tomasi et Francis Manapul, sur une famille venue du futur et installée de nos jours dans une banlieue américaine. C'est une BD feel-good, avec un gros potentiel, mais surtout un délice à lire.


Titans vient d'être repris en main par le scénariste John Layman et le dessinateur Pete Woods, et c'est une réussite enthousiasmante. Les deux auteurs ne perdent pas de temps pour secouer les fondations de l'équipe, explorant aussi bien la dynamique du groupe qu'élaborant une intrigue accrocheuse. Encore un signe de la vitalité avec laquelle DC sait animer son nouveau statu quo.


L'autre bonne surprise de la relance X, c'est X-Factor de Mark Russell, scénariste reconnu pour son impertinence, et Bob Quinn, qui arrive à maturité au bon moment. Volontiers moqueur, le titre se distingue des autres par sa ressemblance avec la mythique Justice League International. Que Tom Brevoort ait permis ça l'excuse presque pour tout le reste de ce qu'il a fait subir aux mutants...


Enfin, X-Force est une série qui joue à se faire peur : Geoffrey Thorne a démarré fort, puis s'est rapidement enlisé, au point de me perdre... Avant que je ne lui accorde une dernière chance, qu'il a su saisir ! Ce n'est peut-être qu'un sursis, mais j'ai envie d'y croire, surtout si Marcus To revient vite au dessin (quand bien même Jim Towe ne démérite pas).

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Je vous quitte là pour cette année en vous souhaitant mes meilleurs voeux, accompagnés d'un dessin de Goran Parlov :

dimanche 29 décembre 2024

SUPERMAN #21 (Joshua Williamson / Dan Mora)


Superman et Superwoman s'offrent une pause romantique. Mais les affaires récentes les rattrapent : Clark est hanté par les propos du Time Trapper et l'immortalité qu'ils pourraient partager. Cependant, à Metropolis, Jimmy Olsen et Siobhan McDougal d'un côté, Lex Luthor et Mercy Graves de l'autre partagent aussi un moment de réconfort...


Vous connaissez la formule : "méfiez-vous de l'eau qui dort" ? Hé bien, cet épisode en est la parfaite illustration. Joshua Williamson déjoue les attentes du lecteur après deux épisodes consécutifs bourrés d'action pour laisser souffler ses principaux personnages... Juste avant que le ciel ne leur tombe sur la tête.


Je vais sans doute me répéter mais j'aime beaucoup la manière dont Williamson écrit Superman, la série comme le personnage. Tant et si bien que je pense que le mois prochain, je prendrai le temps de revenir sur son run avant l'arc en cours. Mais avant cela, ce que j'apprécie, c'est qu'il n'est pas intimidé par le personnage, il a su se l'approprier et nous le rendre à nouveau abordable.


La plupart des auteurs considère Superman comme une icone, ce qu'il est, mais il y a souvent, à cause de ça, quelque chose de gauche dans la manière dont il l'écrive, comme s'il ne savait pas par quel bout le prendre. Williamson, lui, semble le considérer comme un héros comme les autres et du coup, son écriture nous permet d'appréhender le kryptonien de la même manière.


Par exemple, j'étais perplexe avec cette idée de donner des pouvoirs à Lois Lane. Chez Marvel, ils ont fait la même chose avec Mary Jane Watson qui a désormais une double identité en ayant endossé le rôle de Jackpot (avec des capacités débiles et affublée d'un costume atroce). Williamson a emprunté sa Superwoman au All-Star Superman de Grant Morrison dans lequel Lois recevait les pouvoirs de Superman pendant 24 h. et estimait ainsi ce que ça faisait.

Ici, l'état semble être là pour durer plus longtemps. Récemment, un one-shot (Superwoman Special, également écrit par Williamson et dessiné en majeure partie par Edwin Galmon, que je n'ai pas critiqué, faute de motivation) revenait sur l'obtention des pouvoirs de Lois : le scénariste va exploiter ça dans un futur arc, quand on apprend à quel personnage elle les doit (et que celui-ci s'est fait déposséder).

Mais en vérité au lieu d'être un gadget ou un artifice, cette idée permet de souligner non pas la surpuissance de Superman mais bien son humanité, et insuffle une dynamique différente au couple Clark-Lois. Désormais, non seulement comme dans All-Star Superman, Lois comprend ce que c'est d'être Superman mais elle partage son quotidien super-héroïque.

Dans les deux précédents épisodes, Superman a été confronté au Time Trapper qui s'est avéré être une version de Doomsday réclamant son aide pour accéder à un statut divin. S'il refuse, ses proches mourront. Tout cela a conduit Superman à réfléchir à sa propre hypothétique immortalité, mais aussi, encore, au risque de voir ses proches mourir. 

Lois voudrait le soutenir sans savoir comment : c'est la limite de sa nouvelle situation - elle est Superwoman, mais ça ne veut pas dire qu'elle est Superman. Qu'elle apprécie pleinement les doutes, les réflexions de ce dernier. Il lui manque l'essentiel : l'expérience de vivre ainsi. Elle peut le soutenir dans ses batailles (ici lors d'un conflit sur le Gemworld d'Amethyst par exemple), mais pas le soulager d'un dilemme comme celui du Time Trapper.

Pour ne pas plomber l'ambiance tout en conservant son intensité, Williamson ponctue le récit par trois interludes : le premier, muet, montre Jimmy Olsen et Siobhan McDougal (alias Silver Banshee) devant la télé, regardant ce qui semble être une film d'horreur qui impressionne plus Jimmy que sa copine ; et le troisième met en scène Lex Luthor qui apporte un café à Mercy Graves sans cacher qu'il souhaite devenir plus que son ancien patron.

Entre les deux, on a droit à une scène dans les locaux de SuperCorp où des scientifiques s'interrogent sur les rêves que peut faire Doomsday, retenu dans un caisson. Dan Mora prouve qu'il est très capable de dessiner tout un épisode sans grande scène d'action (même si la bataille sur le Gemworld reste spectaculaire, mais brève).

L'artiste doit faire fonctionner des muscles qu'on ne lui demande pas souvent de solliciter, comme l'expressivité des personnages et la valeur des plans. Et il y arrive très bien. Bon, ce n'est pas Kevin Maguire ou Stuart Immonen, on sent bien qu'il préfère cadrer des choses avec plus de punch que de découper des "gaufriers" ou des talking heads. Mais n'empêche, c'est un registre qu'il aurait tort de ne pas exercer plus souvent.

Tout cela se conclut par l'arrivée de nouveaux protagonistes qui redistribuent les cartes pour la fin de l'arc en cours. De quoi justement offrir à Mora (dont la prestation sur le titre s'arrête - définitivement ? - au #23) l'occasion d'en mettre plein la vue et d'opposer les Super à une adversité importante mais aussi à un sérieux cas de conscience.

samedi 28 décembre 2024

MOON KNIGHT : FIST OF KHONSHU #3 (Jed MacKay / Domenico Carbone)


Situation de crise pour Moon Knight et ses amis : le S.W.A.T. emmené par l'inspectrice Frazier, à la solde du dealer Achilles Fairchild, vient arrêter Marc Spector et sa bande dont la Midnight Mission a été neutralisée. Obligés de prendre la fuite, ils apprennent ce qu'on leur reproche aux infos et comprennent que leur position a totalement changé...


On peut dire que Jed MacKay ose tout sur Moon Knight : il a tué Marc Spector, a fait croire à son remplacement par le Suaire, en a fait le nouvel amant de Tigra, lui a collé un partenaire encore plus violent et mystique (Hunter's Moon), lui a donné un quartier général qui est un immeuble vivant... Et ce mois-ci il en fait un hors-la-loi !


Comment le scénariste si peu inspiré de Blood Hunt, si inégal sur Avengers et débattu sur X-Men, réussit-il à se dépasser sur Moon Knight ? Cela me rappelle, il y a quelques années, des discussions enflammées sur les scénaristes dont on reconnaissait les mérites sur des séries avec un héros solo alors qu'ils ne convainquaient pas sur des team books et inversement.


Bien entendu, il y a des auteurs à l'aise dans les deux catégories, mais je crois en vérité que la réponse est ailleurs. Un de ces scénaristes contestés était alors Brian Michael Bendis dont on louait le run sur Daredevil et conspuait celui sur New Avengers. Je crois que la même chose se passe avec Jed MacKay pour Moon Knight d'un côté, Avengers et X-Men de l'autre.


Mais encore ? Hé bien, Daredevil, même s'il a toujours été plus populaire que Moon Knight et a compté quelques grands runs et grands scénaristes à son service, n'est pas non plus une vedette comme Captain America, Spider-Man ou Iron Man. C'est un street-level hero, un peu à la marge, avec une personnalité complexe, des aventures tragiques.

Et c'est également le cas, en encore plus radical, pour Moon Knight. Et ces personnages-là, au fond, les éditeurs comme Marvel s'en fichent un peu, on laisse ceux à qui on les confie faire ce qu'ils en veulent, parfois pour le meilleur, parfois aussi pour le pire (comme c'est actuellement le cas pour DD). Les scénaristes se lâchent parce qu'ils savent que, le temps que ça durera, personne ne viendra leur demander de se calmer. Au contraire, on les incitera à l'audace, ce qui est rare.

Et cela se manifeste dans cet épisode de façon très nette, très brutale. Au fond, Jed MacKay, qui entame là son troisième run sur Moon Knight, sait qu'il faut mettre un grand coup de pied dans sa petite entreprise. Il a malmené son héros mais quelle est la crise ultime pour un justicier ? C'est de se trouver accusé d'être un vilain et de devenir un hors-la-loi et un fugitif, acculé.

Moon Knight est dans cette situation, et il y a entraîné sa bande. Par un twist savoureux, MacKay en fait ce qu'ils voulaient éliminer de leur quartier, des dealers vendant une drogue puissante, mélange de composés scientifiques et magiques. Le scénariste fait aussi preuve d'esprit de synthèse en cachant Moon Knight, Tigra et compagnie là où Warren Ellis et Declan Shalvey, il y a dix ans, avait envoyé Mr. Knight déloger un agent du SHIELD devenu fou.

Ce récit mené tambour battant et jubilatoire est dessiné par Domenico Carbone à qui revient la lourde tâche de passer après Alessandro Cappuccio, parti illustrer Ultimate Wolverine, et dont le nom et le travail restent attachés au run de MacKay depuis son début. Il ne restera pas (à moins qu'il ne revienne ponctuellement comme fill-in artist), mais il s'acquitte de sa mission ingrate avec beaucoup de talent.

Je ne connaissais pas cet artiste mais il livre une copie très efficace, avec un bon ratio de splash pages dans un numéro bourré d'action. Il n'a aucun problème à s'emparer de personnages qu'il découvre et la fuite des héros dans New York, via les égouts, est palpitante grâce à un découpage tonique, de belles compositions, des personnages expressifs.

Mais donc, ce qu'il faut retenir et qui justifie, si besoin était, que ce Moon Knight : Fist of Khonshu mérite vraiment le détour, c'est l'énergie qu'il dégage, la volonté de son auteur à ne pas se reposer sur ses lauriers et sa qualité visuelle. Par les temps qui courent chez Marvel, avoir tout ça sur un titre n'a pas de prix.

THE MOON IS FOLLOWING US #4 (of 10) (Daniel Warren Johnson / Riley Rossmo & Daniel Warren Johnson)


Alors qu'ils avaient réussi à reprendre leur fille Penny des griffes de sa grand-mère dans la dimension des rêves, Duncan et Samantha doivent être évacués face à l'arrivée de renforts de leurs adversaires. De retour dans notre monde, Tash propose aux parents une nouvelle option pour sauver la fillette mais le prix à payer pour ça est élevé...


Je ne suis pas un spécialiste de l'oeuvre de Daniel Warren Johnson puisque je n'ai lu de lui que Murder Falcon et Do a Powerbomb !. C'est un auteur avec lequel n'en suis encore à mes débuts et peut-être aurais-je l'occasion à l'avenir de rattraper mon retard sur d'autres de ses oeuvres mainstream ou indés. Toutefois, j'ai remarqué une sorte de constante dans son écriture que je retrouve ici.


Chacune de ses histoires a une espèce de "ventre mou", un moment de transition où l'auteur doit rebondir pour être sûr que le lecteur ne lâche pas l'affaire. Ce n'est pas propre à DWJ mais c'est tout de même assez régulier pour l'avoir remarqué. Souvent, cela se produit à mi-chemin du récit et c'est exactement au point où nous en sommes pour The Moon is following us.
 

Comment cela se traduit-il ? Hé bien, jusqu'à présent on a suivi Duncan et Samantha dans leurs tentatives de retrouver leur fille Penny dans une dimension parallèle et elles se sont toutes soldées par des échecs, à cause de leur impréparation, de leur fébrilité ou de la puissante résistance qu'ils ont rencontrée. Ce qu'il advient au début de cet épisode résume tout ça.


Ils ont découvert que la créature qui retient Penny dans la dimension des rêves n'est autre que la mère de Samantha. A ce sujet, DWJ joue sur un certain flou en ne disant pas clairement si la grand-mère de la petite est morte ou dans le coma, mais je pencherai plutôt pour la seconde hypothèse dans la mesure où le coma est une sorte de sommeil qui relierait donc Penny et sa grand-mère dans un même espace.

Toutefois est-il que la grand-mère retient sa petite-fille avec la conviction qu'elle est mieux là que dans notre monde, plus à l'abri. Evidemment, cette pensée est égoïste et cruelle et prive les parents de leur enfant de manière déchirante. Quoiqu'il en soit, les efforts de Sam et Duncan et de leurs amis sont vains jusqu'à présent.

Le scénario est arrivé dans une impasse narrative comme ses héros. Que faire ? C'est à la fois la question que se posent Duncan, Sam et Johnson. Et c'est donc le stade de l'histoire où il faut que l'auteur trouve un moyen de rebondir pour convaincre le lecteur de continuer sa lecture. Daniel Warren Johnson avait été confronté à une situation similaire dans Murder Falcone et Do a Powerbomb !.

Dans Murder Falcon, une fois son groupe de rock réuni, le héros devait savoir comment utiliser la musique pour dépasser l'obstacle qui se présentait à lui et cela passait par un sacrifice. Dans Do a Powerbomb !, après un combat de catch perdu, les deux héros ne devaient qu'à un twist d'espérer revoir celle qu'ils voulaient faire ressusciter.

Ici, Duncan et Samantha s'en remettent à Tash qui les entraînent dans un endroit où ils pourront rejoindre la dimension des rêves mais en payant un prix exorbitant. D'une certaine manière, c'est une surenchère parce que Johnson confronte le couple à une énième épreuve sans qu'ils puissent l'éviter puisque, sinon, ils ne reverront pas Penny.

En prenant cette direction, le récit ne peut pas revenir en arrière et épisodes restants sont obligés de divertir et d'émouvoir le lecteur encore plus que jusqu'alors. C'est très casse-gueule, surtout qu'il y a encore six numéros à venir. Et Daniel Warren Johnson ne pourra plus se contenter d'essais ratés de son couple de héros. De même, il faudra que l'histoire aille au-delà de son postulat, au-delà des retrouvailles de deux parents avec leur enfant.

J'ignore comment il va se dépatouiller avec ça, c'est un énorme challenge, mais évidemment il ne va pas improviser, il s'est engagé dans une histoire dont il a déjà la fin. Toutefois, ce pari fonctionnait très bien sur Murder Falcon alors que j'avais été moins emballé par Do a Powerbomb !. De quel côté de la balance penchera The Moon is following us ?

Riley Rossmo comme son partenaire ont depuis le départ déclaré que cette intrigue était très personnelle pour chacun d'eux. Le fait que Rossmo soit crédité comme co-auteur et que Johnson dessine quelques planches à chaque fois (les scènes dans notre monde) témoignent de leur investissement et de leur entente.

Rossmo, en tout cas, fait toujours preuve d'une maîtrise épatante et les péripéties intenses de la dimension des rêves l'inspirent comme jamais pour créer des images, des compositions spectaculaires et étranges. On ne peut simplement pas imaginer un autre dessinateur que lui pour ça tant il contribue à donner une identité esthétique unique à la série.

Cet épisode représente en tout cas un point de bascule et la suite sera un test grandeur nature pour s'assurer que Daniel Warren Johnson et Riley Rossmo auront eu raison ou non d'oser remettre leur histoire en jeu aussi vite. Mais n'est-ce pas ce qui rend de tels projets si excitants ?

vendredi 27 décembre 2024

DETECTIVE COMICS #1092 (Tom Taylor / Mikel Janin)


Batman et Robin sont prévenus par Harvey Bullock que Kai Edwards, l'ado qu'ils ont sauvé et mis à l'abri, a été trouvé mort et que les agents d'une société privée, LXR, réclament sa dépouille. Oracle se renseigne sur ces hommes sans rien trouver. Bruce dîne ensuite avec Scarlett Scott et remarque sa nervosité quand il propose de participer au financement de son affaire...


Ne tournons pas autour du pot : c'est vraiment excellent. Alors que la série Batman écrite par Chip Zdarsky touche à sa fin (pour laisser la place à une saga Hush 2 par Jeph Loeb et Jim Lee de deux fois six n°), Tom Taylor m'impressionne par l'aisance avec laquelle il a rebondi sur Detective Comics après son run sur Nightwing (gros succès, mais qui ne m'a pas convaincu).


Il est d'usage de dire que la série Batman est réservée aux aventures les plus spectaculaires du héros tandis que le titre historique Detective Comics, comme son nom l'indique, est spécialisé dans les enquêtes puisque Batman est reconnu comme le plus grand des détectives du DCU. C'est aussi là qu'il est le plus entouré par des seconds rôles, en soutien de ses investigations.
 

Ces éléments sont respectés par Taylor qui confronte Batman à un ennemi inédit et qui l'oblige à mener des recherches en s'appuyant sur des alliés dans le GCPD (la police de Gotham, ici représenté par l'inspecteur Harvey Bullock), Oracle (Barbara Gordon) et Robin (son fils Damian). Ce qui le préoccupe, ce sont des meurtres d'adolescents placés en maison de correction ainsi que les affaires d'une ancienne généticienne de Wayne Entreprises.


A priori, les deux dossiers sont distincts, sauf qu'on se rend compte depuis trois mois que, bien sûr, ils sont associés. Reste pour Batman à savoir comment, à quel point, à quelles fins. Taylor a construit son intrigue sur un parallèle astucieux : Bruce Wayne bénéficie d'une sorte de potion de jouvence au moment même où des gamins se font tuer.

Un cas de conscience le taraude : mérite-t-il de vivre mieux et plus longtemps, lui qui est déjà un privilégié quand un tueur rôde et abrège l'existence de jeunes gens ? De plus, le fait que Batman ne sache pas qui il doit attraper montre les limites de la cure dont il profite car s'il est au top physiquement, il est dans le flou complet pour le reste.

Cet épisode continue d'exploiter la narration scindée en deux parties de Taylor : on suit d'abord Batman en mission (ici avec Robin donc, plus Oracle qui assure la liaison devant ses ordis), puis Bruce Wayne prend le relais (auprès de Scarlett Scott, la généticienne). La mort des victimes révèle son abomination (les garçons tués sont exsangues) tandis que la situation de la généticienne est plus trouble que prévu.

C'est hyper efficace, admirablement écrit. La caractérisation est excellente, avec Batman en proie à un dilemme cornélien mais qu'il documente (en s'entraînant avec son fils, constatant effectivement l'amélioration de sa forme physique), mais aussi avec Bruce Wayne qui remarque le comportement de Scarlett Scott, couche avec elle (tout en sachant que c'est une mauvais idée, mais en exploitant cette opportunité).

Taylor est aussi un très bon dialoguiste qui glisse quelques mots d'esprit ironiques quand il le faut, à bonne dose (l'échange entre Batman et Oracle sur la nuit passée par Bruce avec Scarlett). Le lecteur a un léger temps d'avance sur Batman mais ce n'est pas gênant dans la mesure où le scénariste s'arrange pour qu'à la fin de l'épisode le retard du héros se comble graduellement.

Et puis quel plaisir immense de retrouver Mikel Janin au dessin ! J'ai toujours adoré sa manière de camper Batman durant le run de Tom King, mais ce formidable artiste semblait quasiment perdu depuis. Il a participé à un run sur Wonder Woman sans y rester, idem pour Superman and the Authority où il a dû être secondé, puis Justice Society of America où il recevait les scripts en retard et s'est barré avant la fin.

Là, on sent un dessinateur revanchard, qui a d'ailleurs décidé d'assumer aussi la colorisation de ses planches en plus des crayonnés et de l'encrage. Et il tient à nouveau le rythme. Il a renoué avec son meilleur niveau, avec un personnage qui lui convient, et une histoire qui l'inspire. Sa narration est limpide, avec un découpage très rythmé et aéré à la fois, de superbes décors, une ambiance prenante, des personnages bien définis.

Janin, surtout, c'est évident, a trouvé avec Taylor un partenaire aussi motivant que le fut Tom King, mais avec un registre différent, sans doute moins formaliste, moins contraignant - et le scénariste ne tarit pas d'éloges sur son artiste : c'est d'usage me direz-vous, mais honnêtement ça doit aussi changer Taylor d'avoir un dessinateur ponctuel, régulier.

C'est aussi pour ça que DC est tellement plus excitant que Marvel en ce moment : l'éditeur monte des équipes créatives performantes sur leurs séries les plus exposées, ça donne envie de les lire, de les soutenir, d'encourager d'autres fans à y (re)venir. Detective Comics fait indéniablement partie des sommets de DC All-In.