Après avoir tué un vieil homme qui nourrissait des oiseaux dans un jardin public, Captain Atom est recherché par Superman et Wonder Woman. Batman s'adresse à Jenny Sparks et elle congédie les trois super-héros pour régler le problème seule. Cependant, cinq individus composent avec leurs difficultés quotidiennes sans savoir que le destin va les réunir..
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Il apparaît clairement qu'en cette deuxième partie de 2024, Tom King a choisi de s'intéresser aux femmes. Même si sa bibliographie compte nombre de personnages féminins forts : de Sofia dans The Sheriff of Babylon à Supergirl : Woman of Tomorrow en passant par Alanna Strange (dans Strange Advetures), Catwoman (dans Batman), Big Barda (dans Mister Miracle), et ses propres créations comme Helen of Wyndhorn ou Joan Patterson (Love Everlasting) . Mais le scénariste passe à a vitesse supérieure cette année.
Avec Jenny Sparks, une nouvelle série du DC Black Label en six numéros, et bientôt avec Black Canary : Best of the best (en Novembre prochain). Le point commun à toutes ces héroïnes ? Leur force de caractère, alors que les hommes chez King sont des êtres sur la corde raide, constamment sur le point de tomber quand ils ne sombrent pas carrément.
Faut-il connaître l'univers Wildstorm et les séries Stormwatch et The Authority avant de lire Jenny Sparks #1 ? Tom King assure que non. Je ne suis pas le mieux placé pour en juger puisque j'ai lu The Authority et donc le personnage m'est familier. Création de Warren Ellis, celle qui incarne l'esprit du XXème siècle est morte dans The Authority #12 à la première seconde de l'An 2000, comme tous les "century babies".
Pourtant la revoilà en pleine forme dans une histoire précisément située en 2024 (comme en atteste une réplique de Batman). Et ce qui frappe, c'est à quel point King a su retrouver la voix du personnage : Jenny est une anglaise qui jure à tout bout de champ, qui se fiche des super-héros en costume, qui représente l'autorité supérieure chargée de veiller à ce qu'ils ne détruisent pas le monde.
Jenny Sparks est donc l'esprit d'un siècle et on peut penser que King s'est dit qu'un esprit est immortel. En même temps, les séries du DC Black Label ne se passent pas dans la continuité et l'univers Wildstorm n'existe plus 2010 (ou 2017 si l'on prend en compte sa refonte par Ellis dans la série The Wildstorm - à quand une traduction par Urban Comics ? ). Donc, qu'elle réapparaisse aujourd'hui importe peu.
Face à elle, Captain Atom. Comme Jenny, Nathaniel Adam est une sorte de relique du passé : créé par Joe Gill et Steve Ditko pour Charlton Comics, il a été ensuite intégré au DCU quand Charlton a été racheté par DC. Il devait même faire partie de Watchmen puisque Alan Moore voulait reprendre les action heroes de Charlton pour sa mini-série avant qu'on le lui défende et qu'il ne convertisse le personnage en une création originale, Dr. Manhattan. Captain Atom incarne lui aussi, à sa façon, le XXème siècle puisque ses origines sont liées à la création de la bombe atomique et à l'exploitation du nucléaire.
Opposer ces deux symboles vivants est la riche idée de Tom King. Jenny Sparks, dans The Auhority #9-12, a tué Dieu, littéralement. Dans cette mini-série, Captain Atom veut être Dieu, mais son délire passe d'abord par des actes criminels gratuits : il tue un vieil homme qui nourrissait des oiseaux dans un jardin public, puis un camionneur. Cette série de meurtres pousse Batman à demander l'aide de Jenny Sparks, seule apparemment à pouvoir le stopper. Ils s'affrontent et l'issue du combat est aussi brutale qu'inattendue...
King interroge donc ce qui distingue un super-héros, un surhomme, d'un dieu. Jenny ayant tué Dieu tuera-t-elle Captain Atom qui prétend à être Dieu ? En tout cas, elle est décrite comme cette jeune anglaise insolente qui n'a peur de rien et se moque du concept même de dieu comme de celui de super-héros (estimant même que Batman et compagnie doivent laisser les adultes comme elle travailler quand un cas comme celui-ci se produit). Elle se présente devant Nathaniel Adam sans trembler et il l'observe avec un mélange de détachement, typique des êtres surpuissants qui perdent le contact avec l'humanité, et de surprise, puisqu'elle n'a pas peur de lui.
Comme à chaque fois avec ce scénariste, le premier épisode est à la fois dense et mystérieux. On suit en parallèle cinq personnages tout à fait ordinaires qui sont confrontés à divers problèmes très terre-à-terre : un psy qui apprend qu'il a le cancer, une professeur de cinéma qui remplace un collègue, un agent artistique qui multiplie les rendez-vous professionnels, une juge qui doit concilier vie privée et travail, un barman aimable chez qui tous les autres se retrouvent à boire un verre. Qui sont ces gens ? Quel est leur rôle dans cette histoire ? On découvre à la fin de l'épisode ce qui va les lier à Captain Atom et Jenny Sparks, mais guère plus. Et il y a fort à parier que tout ça ne trouvera une explication qu'à la fin de cette mini-série. C'est à la fois frustrant et accrocheur.
On observera aussi qu'à chaque fois que King a écrit sur une héroïne, il s'est attaché les services d'un artiste avec lequel il n'avait pas collaboré jusque-là. Et c'est à Jeff Spokes que revient l'honneur d'illustrer Jenny Sparks.
Spokes est peu connu, il a surtout signé des couvertures (dont une variante de The Human Target de King et Greg Smallwood) et des épisodes d'une nouvelle version de... Stormwatch (dans la revue Batman : The Brave and the Bold), tiens, tiens. Son style évoque celui de Ryan Sook : un trait élégant, expressif, soutenu par une mise en couleurs (qu'il effectue lui-même) et un découpage à la fois rigoureux mais avec des libertés (comme en attestent les cases tangentielles de certaines scènes d'action).
Il a opéré quelques modifications au look de Jenny, avec un pantalon baggy, des baskets plus modernes, un maillot de corps plus moulant. Rien de sacrilège (même s'il s'en trouvera certainement pour râler). Elle fume toujours, et c'est heureux qu'on n'ait pas empêché ce personnage de se priver de ses clopes (comme ce fut le cas pour Lucky Luke, au prétexte que cela incitait les jeunes lecteurs à consommer du tabac...). En revanche, il a conservé le look moderne de Captain Atom, avec sa peau en métal liquide. Spokes n'exagère pas sa musculature, préférant souligner sa force tranquille et immense que le script met en avant.
King revient aussi sur le Captain Atom de Grant Morrison et Frank Quitely dans The Multiversity, qui présentait lui aussi des signes avancées de troubles mentaux, même s'il s'abstient pour l'instant de lex expliquer. Ce sera sans doute une des clés de voute de l'intrigue, savoir pourquoi et comment Nathaniel Adam a développé son délire face à l'assurance de Jenny Sparks.
L'auteur s'est donné six numéros (comme pour tous ses projets récents) pour répondre. Ce début est exaltant, quoique peu enclin à séduire ceux qui n'aiment déjà pas sa manière d'écrire, et superbement illustré. A suivre donc.
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