L'arrivée inattendu de Iceberg auprès d'Emma Frost et Kitty Pryde pour encadrer Bronze, Melee et Axo ne fait pas plaisir à Kitty. Par ailleurs Trish est obligée à la suite d'un concours de circonstances de révéler qu'elle est une mutante au garçon qu'elle aime et à son prof de théâtre...
Je me rappelle que, dans les années 1990, alors que la musique grunge dynamitait tout sur son passage, dans le sillage de groupes comme Nirvana, Soundgarden ou Pearl Jam, des critiques se mirent à définir ce mouvement comme de la "lo-fi" (low definition, la basse définition). Cette formule s'étendit ensuite à d'autres formations dans d'autres styles musicaux pour désigner des enregistrements dans des conditions sommaires aboutissant à un son rustique (par opposition à la "hi-fi", la haute définition).
Pourquoi je vous parle de ça dans une critique sur Exceptional X-Men ? Hé bien, parce que, dans les comics aussi, je crois qu'il existe de la "lo-fi" : ça peut s'appliquer à des productions indépendantes, voire de l'auto-édition, donc des livres édités avec peu de moyens. Mais ça peut aussi désigner des séries chez de gros éditeurs mais avec un propos minimaliste.
Et, donc, il me semble que Exceptional X-Men est le titre "lo-fi" de la collection X-Men depuis sa relance post-Krakoa - ce qui ne signifie pas ici que c'est une série fauchée, faite avec des bouts de ficelle, des auteurs mineurs, mais plutôt en ce qui concerne son approche, son style d'écriture, son économie narrative.
Et cet épisode l'illustre bien. Depuis quatre mois que cette série existe, Eve L. Ewing fuit le grand spectacle, l'action, la baston. C'est raccord avec le personnage principal, Kitty Pryde, qui a coupé les ponts avec la communauté mutante, qui ne veut plus jouer les héroïnes, encore moins le mentor de jeunes mutants qu'elle croise pourtant et qui la ramène à sa condition.
L'entrée en scène d'Emma Frost l'a forcée à reconsidérer sa position, mais en vérité elle veut plutôt s'assurer que Emma ne va pas entraîner Trish Marshall, Alex Luna et Thao Tran dans un projet d'équipe taillée pour le combat. Elle surveille Emma et veille sur les jeunes mutants. Toutefois elle reste toujours aussi résolue à ne pas replonger dans sa vie d'avant.
Et puis, le mois dernier, à la toute dernière page de l'épisode, surprise ! Bobby Drake/Iceberg (Iceman en vo, mais c'est comme Kurt Wagner/Nightcrawler/Diablo - qu'est-ce j'aurai préféré le voir dans cette série plutôt que dans Uncanny X-Men - , je ne me ferai jamais à l'idée de l'appeler Iceman) surgissait de nulle part et intégrait les cours dispensés par Emma et, bon gré mal gré, par Kitty.
Et ce retour ne plaît pas du tout à Kitty. Elle et Bobby ont été un temps amants, avant que tout ça ne soit rendu caduc par Bendis qui a eu la grotesque idée de faire d'Iceberg un gay (je n'ai rien, je tiens à le préciser, contre les héros gays, c'est simplement que c'est vraiment sorti de nulle part). Mais surtout Kitty ne comprend pas pourquoi il refait surface.
Elle a raison de se méfier, mais je ne veux pas trop en dire. On va aussi et surtout comprendre pourquoi elle a tourné la page, et là, il vaut mieux avoir lu la fin du run de Gerry Duggan sur X-Men pour comprendre parce que la référence est directe. Bon, je considère que ce n'est plus un spoiler puisque ces épisodes sont sortis en France : Kitty a tué un paquet d'agents d'Orchis pour venger les mutants séquestrés, torturés, déportés par cette organisation. Et elle n'a pas été la seule à se salir les mains.
L'immense mérite de Eve L. Ewing est donc, contrairement à la majorité des autres auteurs de séries X actuelles, de ne pas avoir oublié cela. Parce que c'est bien joli, les discours de Tom Brevoort et compagnie sur "non, on n'a rien oublié, c'est la suite de l'ère Krakoa, etc", sauf que c'est un mensonge. Tout le monde (ou presque) a renoncé à traiter des conséquences des actes de certains mutants qui ont massacré des sales types certes, mais qui ont quand même du sang sur les mains et qui circulent sans avoir eu à répondre de ça, sans même avoir l'air d'être particulièrement gênés d'avoir fait ça.
Eve L. Ewing ose remettre ça sur le tapis : Kitty n'a pas fui les X-Men simplement, elle vit avec ce qu'elle a fait et ne l'assume pas. Revoir Bobby Drake fait remonter ces événements à la surface et expose sa culpabilité. Et voilà comment une série passe de la "lo-fi" à la "hi-fi" parce qu'après cet épisode, plus moyen de faire comme si ça ne comptait pas. Je suis vraiment curieux et excité de voir comment la scénariste va poursuivre ce qu'elle a osé. Mais c'est courageux et très honnête.
Carmen Carnero dessine ces moments décisifs avec un mélange de sobriété et de puissance exemplaire. C'est le boulot d'une artiste de son rang et elle l'exécute avec maestria. Et on voit là aussi à quel point elle est celle qu'il fallait pour cette série : Carnero est une dessinatrice au style classique, élégant, mais qui sait appuyer ce genre de scènes comme il est nécessaire de le faire.
L'expressivité qu'elle donne aux personnages, la composition de ses images, la valeur de chaque plan soulignent la justesse du script et de son traitement visuel. C'est juste toujours un peu dommage que Nolan Woodard ne soit pas aussi modéré dans sa colorisation. Mais la précision, l'intensité de l'écriture et du dessin compense largement.
Bref, sans crier gare, mais avec de l'à-propos et de la lucidité (ce qui manque tant à d'autres séries X), Exceptional X-Men vient de faire un grand bond en avant, confirmant sa qualité.
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