samedi 23 novembre 2024

EXCEPTIONAL X-MEN #3 (Eve L. Ewing / Carmen Carnero)


Emma Frost s'est présentée chez Kitty Pryde et embarque, en les contrôlant psychiquement, les trois jeunes mutants qui la voulaient pour les former. Le ton monte entre les deux femmes avant que Priti ne les raisonne. Elle met à leur disposition une salle de danse dans un entrepôt pour qu'elle leur serve d'endroit pour s'entraîner...


Il existe des personnages qui boostent une série et Emma Frost en fait partie : depuis son apparition dans Uncanny X-Men #129 (1980), la reine blanche du club des damnés a connu une des plus passionnantes évolutions dans l'histoire des comics, passant d'adversaire des X-Men à l'une d'entre eux, enseignante auprès de la Generation X puis des Hellions, amante de Cyclope, etc.


Ses relations avec Kitty Pryde ont toujours été tendues et pour cause : elle a commencé par la kidnapper ! Mais, récemment, durant l'ère Krakoa, les deux femmes se sont rapprochées, en animant l'équipe des Marauders - déjà, avant, à la fin du run de Joss Whedon et John Cassaday sur Astonishing X-Men, Kitty se sacrifiait héroïquement et Emma lui faisait part de son admiration.


Mais Exceptional X-Men a une particularité : c'est la seule vraie série de la relance initiée par Tom Brevoort à réfléchir aux conséquences de la fin de Krakoa. Kitty a décidé de ne plus se mêler des affaires mutantes et elle a même renoncé à toute activité de super-héroïne, se retirant à Chicago où elle travaille comme barmaid. Seule sa colocataire, Priti, est au courant de sa "mutanité".


Au cours des deux premiers épisodes, la scénariste Eve L. Ewing a introduit trois nouveaux et jeunes mutants qui ont croisé providentiellement la route de Kitty et qui souhaitent recevoir une formation pour apprendre à maîtriser leurs pouvoirs mais aussi survivre dans un monde qui leur est majoritairement hostile. Kitty s'y refuse, même si elle éprouve de la sympathie pour eux.

Eve L. Ewing a donc entièrement construit sa série sur une mutante qui ne veut plus être réduite à ça et refuse de replonger dans son rôle d'héroïne. Une approche étonnante et casse-gueule mais très aboutie. On peut évidemment discuter de l'opportunité de créer de nouveaux mutants alors qu'il y en a tant qui semblent avoir été oubliés depuis la fin de Krakoa, mais la scénariste les a présentés de manière attachante.

Toutefois, la série attendait de décoller vraiment et on savait que Emma Frost était au courant de ce qui se passait avec Kitty. L'ex-reine blanche semblait même avoir un plan secret (ouvrir une nouvelle école avec une nouvelle génération X ?). Aussi quand elle a resurgi concrètement à la fin du précédent épisode dans la vie de Kitty qui tentait de repousser les jeunes venus chez elle, on se doutait que ça allait faire des étincelles...

Le plaisir qu'on retire de cette lecture provient donc essentiellement de la tension entre Kitty et Emma, car la première n'approuve pas que la seconde prenne les choses en main de façon aussi autoritaire (elle embarque carrément les trois jeunes mutants en les possédant psychiquement). Evidemment, après une explication musclée entre les deux rivales, toutes deux reviennent à la raison et s'entendent pour éduquer leurs protégés.

Il y a une profonde humanité dans l'écriture de Eve L. Ewing : sa série est character's driven, l'intrigue (du moins pour l'instant) est secondaire - on n'a pas de grand méchant en vue, donc pas de danger précis menaçant ce beau monde. La caractérisation est très réussie, bien sentie, sans caricature, et l'apparition d'un troisième X-man bien connu à la fin de l'épisode suggère des développements passionnants (pourquoi resurgit-il ? Et à ce moment précis ?).

Et puis Exceptional X-Men bénéficie d'une artiste exceptionnelle : Carmen Carnero est vraiment la plus-value du titre. C'est certainement la meilleure artiste chez Marvel actuellement, en tout cas sur la franchise mutante. Son trait sensible et réaliste a un classicisme élégant qui donne à la série un cachet indéniable.

Carnero soigne les décors, découpe les scènes de manière dynamique, rend les personnages expressifs. On ne peut absolument rien lui reprocher, c'est propre, c'est très beau, c'est l'oeuvre d'une artiste arrivée à maturité et qui "plusse" le script. Il suffit de voir comment elle s'empare de Emma Frost pour la représenter dans toute sa majesté arrogante, son sex appeal dénué de toute vulgarité, face à la fébrilité de Kitty et de considérer les réactions, souvent très drôles, des trois jeunes mutants entre ces deux femmes pour mesurer ce que Carnero apporte à la série.

On pourra juste déplorer que parfois les couleurs de Nolan Woodard absorbent un peu trop l'encrage (notamment quand il s'agit de la chevelure blonde d'Emma traitée comme en couleurs directes).

Indubitablement, on a là quelque chose qui sort de l'ordinaire, un titre qui a une âme, une identité. C'est, avec, à l'autre extrémité du spectre, X-Factor, ce que cette relance a produit de mieux, de plus convaincant, de plus intelligent, de plus respectueux de ce qui s'est passé avant, et de plus intrigant sur ce qui va se jouer ensuite.

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