La bande réussit à géolocaliser l'armure de Caliburn et Adam reconnaît l'adresse. Tandis qu'ils se rendent sur place, sans se douter que Hillary Cross, la veuve de Johnny Moore, les a l'oeil, Val se souvient que ce dernier l'avait dépossédé d'un bon nombre de ses idées pour ses prothèses et son armure...
Est-ce que, par hasard, je vous ai déjà dit que The Tin Can Society est la meilleure mini-série actuelle, chez un éditeur indépendant (et même peut-être en général) ? Oui, je sais que je vous l'ai dit, mais je vais me répéter parce que c'est exceptionnel que, numéro après numéro, non seulement la qualité ne baisse pas, ne stagne pas, mais monte encore d'un cran.
Cet épisode en témoigne. Peter Warren pourrait se contenter de dérouler sa pelote et déjà, ce serait éblouissant car l'intrigue, car les personnages, car le mélange des genres, car l'imprévisibilité de l'intrigue, etc. Sauf que non : le scénariste développe ses idées, enrichit la trame et le résultat est d'une telle force, d'une telle densité qu'on est littéralement sur le cul.
Jusqu'à présent la figure de Johnny Moore était comme idéale : handicapé, génial, juste, amoureux, c'était un héros dont la mort suscitait un sentiment d'injustice poignant chez le lecteur comme chez ses amis. Pourtant, on savait qu'il avait déconné lors d'une patrouille dans l'armure de Caliburn, mais même ça n'entachait pas sa réputation. Il avait déconné, oui. Mais qui n'a jamais déconné ?
Et puis c'était un accident dont il ignorait le terme exact, pour lequel il s'était efforcé d'être, encore une fois, juste, de se racheter. La monstruosité de son assassinat surpassait en quelque sorte son erreur la plus dramatique et, pour tous, cela ne suffisait pas à justifier son atroce décès. Mais, et si Johnny Moore avait commis quelque chose de vraiment dégueulasse, indigne ?
C'est ce qu'on découvre dans cet épisode. Il n'a pas fait quelque chose d'innommable mais il s'est mal comporté envers un de ses amis, peut-être même son ami le plus précieux, celui avec lequel il a conçu ses prothèses révolutionnaires qui préfigurèrent l'armure de Caliburn. Cet ami, c'est Val, le dernier membre de la Société de la Boîte de conserve qu'on n'avait pas encore eu le loisir de connaître vraiment.
Aujourd'hui, Val est un professeur dans un lycée, mais dès l'adolescence, c'était un bricoleur inventif qui complétait à merveille ce que concevait Johnny. Ensemble ils fabriquèrent des prothèses pour ce dernier. Ensemble ils fondirent la société de Johnny et Val consentit à rester en retrait, n'ayant que peu de goût pour tout ce qui était de vendre un produit et conscient surtout que Johnny était celui qui devait être sur le devant de la scène.
Val devint l'ingénieur de Johnny, celui qui dirigeait les recherches de sa boîte, et évidemment quand Caliburn apparut, Val comprit qui était dans l'armure de ce super-héros. Entre temps, l'entreprise fit la fortune de Johnny et quand Val, qui en possédait des actions, exigea que sa participation soit valorisée, il essuya un refus cinglant. Et une humiliation terrible.
Parce que Johnny, anticipant sans doute cette situation, s'était mis en quête d'un remplaçant pour Val. Sans le lui dire. C'est cela, sans doute, qui eut raison de leur amitié, plus que l'argent, la reconnaissance. Le fait que Johnny le considérait comme interchangeable. Quand Johnny est mort, cela faisait trois ans que lui et Val ne se parlaient plus.
L'épisode ne s'attarde pas sur un quelconque ressentiment de Val. Ce qui s'est passé, l'assassinat, le vol de l'armure, a pris toute la place. Et il n'est pas question pour Val d'en profiter. A la rigueur, ce qui le préoccupe le plus, c'est de récupérer l'armure de Caliburn avant que son voleur n'en fasse un mauvais usage. Et, de ce point de vue, il va jouer un rôle déterminant dans l'expédition de la bande...
Peter Warren ajoute une couche à son récit en montrant que Hillary Cross surveille la bande, elle sait tout de leurs mouvements, de leurs découvertes, et emploie un service de sécurité très zélé, qui va faire du vilain... Mais ce n'est rien en comparaison du cliffhanger, étourdissant, de l'épisode. Encore une fois, on ne voit rien venir, encore une fois, la table est renversée.
Sur tout cela, Francesco Mobili, avec le coloriste Chris Chuckry (vraiment le top du top, du même niveau que Jordie Bellaire par rapport à Alvaro Martinez Bueno pour The Nice House...), produit des planches absolument sublimes. Ce que je j'observe encore une fois à travers le cas de cet artiste, c'est à quel point Marvel a été nul avec lui : ne jamais lui avoir proposé quelque chose de décent, susceptible de valoriser son immense talent, a quelque chose d'incompréhensible, de sidérant...
Ce n'est pas le premier à avoir été complètement négligé de la sorte : quand Michael Lark a terminé son run sur Daredevil (écrit alors par Ed Brubaker), Marvel l'a inexplicablement laissé choir. Matteo Buffagni, que Mark Millar a su exploiter avec intelligence et perspicacité, pareil. Mobili est de ce niveau-là : un dessinateur extraordinaire que Marvel n'a pas su du tout considérer.
Aujourd'hui quand je vois Marvel débaucher tous les dessinateurs italiens possibles, mais souvent sans le niveau minimum requis, je reste stupéfait que Buffagni, Mobili et même Valerio Schiti (qui doit se contenter d'épisodes d'Avengers de temps en temps) aient été ou soit si mal traités... Et c'est encore plus désolant d'en parler pour vanter le travail de Mobili sur The Tin Can Society.
Il est de bon ton, dans les comics, de dire qu'on vient pour les dessins et qu'on reste pour le scénario. Mais dans le cas présent, c'est bien l'union des deux qui distingue cette mini-série magistrale, qu'un éditeur français serait bien avisé d'acquérir les droits parce que, je le répète, c'est un chef d'oeuvre.
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