Qui est vraiment Clyde Bailey, ce magicien qui vient en aide à Cordelia Moonstone alors que sa fin est prophétisée et qui finit par coucher avec elle ? C'est ce qu'il va lui raconter, tandis que la Communauté de la Cloche dirigée par Samuel Mott sacrifie un jeune garçon aux déesses du Nord, du Sud, de l'Est et de l'Ouest pour réveiller d'anciens dieux piégés jadis par l'Ordre Magique...
Commençons par... La fin. Pas la fin de cet épisode, rassurez-vous, mais la fin de The Magic Order : le mois prochain, comme convenu, sortira le cinquième et pénultième épisode, puis il faudra attendre Avril pour lire le dénouement à la fois de ce cinquième volume et de toute la saga. Pourquoi ce délai ? Mark Millar, d'habitude si bavard, n'a fourni aucune explication. En tout cas, le dernier numéro de The Magic Order ne sera même pas un épisode double.
Mais, bon, je ne vais pas jouer les impatients car, en vérité, j'aurai bien aimé que ça continue. Tout en félicitant Millar de savoir mettre un point final, en beauté j'espère, à sa saga. Quand je vois ce qu'il en est de Jupiter's Legacy, qui n'en finit pas de finir, avec des artistes qui se succèdent, sans jamais égaler (mais était-ce seulement possible ?) Frank Quitely...
Cet épisode est divisé en deux parties distinctes : la première et la plus consistante revient sur les origines de Clyde Bailey, ce personnage énigmatique apparu dans ce cinquième volume. Jusqu'à présent, c'est surtout sa dégaine qui a marqué les esprits : coiffé d'un chapeau Stetson, moustachu, il fait plus penser à un post-cowboy qu'à un magicien, mais il en impose spontanément.
Il s'est posé en garde du corps de Cordelia Moonstone, jurant à celle-ci qu'elle échapperait à la mort auquel un ancien et puissant sort qu'elle jeta pour tirer de la tombe sa famille (dans le volume 1) la condamne tel une malédiction. En effet, depuis, ses frères, son père, sa mère, tous y sont passés. Quant à l'Ordre Magique dont elle est devenue la chef, il a été décimé.
Garde cu corps donc, Clyde Bailey a poussé le devoir jusqu'à devenir l'amant de Cordelia comme on le découvre ici. On le sait, la jeune femme a toujours eu faible pour les bad boys mais aussi les hommes qui se sacrifiaient pour la protéger. Maintenant, Clyde Bailey est-il si fort que ça ?
Millar lui brosse une histoire qui prouve encore que le scénariste sait y faire pour dresser le portrait d'un personnage ambigu mais charismatique en diable. Sauvé par un démon après un accident de la route, il en est devenu l'instrument et a commis son lot de massacres au nom d'une justice occulte et violente. Jusqu'à ce qu'il tente de maîtriser ce qui le possédait et se fasse arrêter, juger et condamner à mort.
En attendant son exécution, dans sa cellule de prison, Bailey a réussi à dominer son démon. La chaise électrique n'a pas non plus eu raison de lui et après vingt ans à l'ombre, il a été libéré. Depuis, il s'efforce de se racheter. Et sa mission la plus importante est donc que Cordelia soit épargnée. Mais ses ennemis s'agitent en coulisses, notamment la Communauté de la Cloche de Samuel Mott...
De toutes les séries qu'a créées Mark Millar en indépendant, The Magic Order, malgré des volumes inégaux, est celle qui tient le mieux la route car c'est celle qui a proposé les intrigues les plus cohérentes, les plus solides, les plus accrocheuses, jusqu'à ce dénouement. Ses personnages sont attachants, car le goût de l'écossais pour la provocation facile est mineur.
C'est clair, comme Cordelia, il y a deux Millar : celui qui répète complaisamment ses erreurs comme un sale gosse qui ne retient aucune leçon sous prétexte qu'il a le droit et les moyens de faire ce qu'il veut : et puis celui qui se donne de la peine pour rappeler au monde qu'il est un prodigieux raconteur d'histoires, à l'imagination féconde, qui aime les comics plus que tout. C'est ce Millar-là qui écrit The Magic Order.
L'autre indice permettant d'être affirmatif sur ce point se trouve dans ses collaborateurs. Loin de moi l'idée de dire que les autres dessinateurs avec lesquels il travaille sont moins bon, mais sur The Magic Order, c'est un sans-faute. Il aurait souhaité garder Coipel, mais il a fallu le remplacer et il a convaincu Immonen, Cavenago, Ruan et Buffagni.
Matteo Buffagni, comme ses prédécesseurs sur le titre, a pour lui une technique solide, un sens de la narration sans pareil, un style affirmé et surtout une manière de contenir les excès de Millar. Par exemple, quand on voit les abominations commises par Clyde Bailey, Buffagni ne tombe pas dans le piège de les rendre trop graphiquement racoleuses : il sait trouver la bonne distance et la scène y gagne une classe folle.
Contrairement à beaucoup d'artistes que Millar a su attirer, comme Rafael Albuquerque, Matteo Scalera, Greg Capullo, John Romita Jr., Pepe Larraz, le dessin de Buffagni ne fonctionne pas sur le nerf, mais sur une élégance racée. Tout y est merveilleusement dosé et je pense que, sachant cela, Millar se contient.
Pour la plupart des dessinateurs, travailler avec Millar revient à bénéficier de conditions de travail et d'une exposition exceptionnelles. Buffagni, contrairement à tous ceux que j'ai cités, n'était pas une vedette quand Millar s'est adjoint ses services. Mais ça ne veut pas dire qu'il n'était qu'un exécutant au service d'un auteur vedette. Il a su imprimer sa marque, subtilement, et redonner de la tenue au script. Seuls les meilleurs, les plus intelligents, les plus rigoureux savent le faire.
C'est pour cela que, encore une fois, ce duo fonctionne tellement bien, peut-être le meilleur partenaire qu'ait eu Millar (avec Quitely) sur la durée. Souhaitons : 1/ que la fin de The Magic Order soit à la hauteur, et 2/, surtout, qu'elle ne marque pas la fin du tandem Millar-Buffagni.
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