Ayant appris les crimes commis par Kitty Pryde, ses élèves sont bouleversés. Thao décide de quitter son cours immédiatement, refusant d'être complice. Lorsqu'elle découvre que le gène X de sa cousine Ellie s'est activée et qu'elle est victime de harcèlement scolaire à cause de ça, elle réagit impulsivement, sans se douter de l'embarras qu'elle provoque...
Hier, je vous expliquai, dans ma critique de Batman and Robin : Year One #4, à quel point les scénaristes étaient prisonniers du passé, non seulement de leurs personnages mais de leur éditeur, qui s'entêtaient à inscrire les nouvelles séries dans une continuité au risque de laisser de nouveaux lecteurs sur le bas côté.
Si j'étais virulent envers cette manie, c'était moins pour dire qu'il fallait à tout prix avancer, au mépris du passé, que pour affirmer que, lorsqu'on veut conquérir un nouveau public, il faut savoir davantage regarder le présent et l'avenir. Quand on est obligé pour qu'une série soit compréhensible de la situer dans une série d'événements, alors il me semble certain qu'elle ne peut prétendre s'adresser à des gens qui ne sont pas fait de ces événements - et qui, par manque d'argent, de motivation, n'ont pas envie de rattraper leur retard.
En revanche, on peut exploiter le passé, dans ce qu'il a de plus récent, pour fonder une nouvelle histoire, en sachant résumer ce que ce passé a de plus intéressant, de plus frappant. C'est ce que fait Exceptional X-Men en adressant au lecteur des renvois à la période Krakoa des mutants, mais sans s'y limiter. Et ce que Eve L. Ewing veut que ses lecteurs sachent, c'est juste ce qui s'est passé à la fin.
Dans le précédent épisode de Exceptional X-Men, Thao, Alex et Trish découvraient que Kitty avait tué plusieurs agents d'Orchis, l'organisation anti-mutant qui ruina l'utopie krakoane et commis un massacre parmi les mutants. Evidemment, cette découverte allait aboutir à un traumatisme. Celui, pour commencer, de Kitty Pryde qui, si elle s'est détachée des autres X-Men depuis, l'a d'abord fait parce que ses crimes la hantent.
La culpabilité de Kitty est remontée à la surface lors d'une dispute avec Bobby Drake/Iceberg : elle ne supporte pas ce qu'elle a fait, sous le coup du chagrin et de la colère, mais ne sachant pas comment composer avec ce qu'elle a commis, elle a choisi de fuir, sans oublier. Et de ne plus se mêler des affaires mutantes, pour se protéger de nouveaux débordements de sa part (et des leurs - car elle n'a pas été la seule à avoir du sang sur les mains en ripostant contre Orchis).
Le parti-pris de Eve L. Ewing est courageux parce que les comics évacuent grossièrement la plupart du temps cette notion de responsabilité. Des héros tuent, mais ne rendent jamais de compte, ils continuent de circuler sans être jugés ni par les hommes ni par leurs semblables. C'est un dérapage avec lequel tout ce petit monde s'arrange, à commencer par ne plus en parler. Comme si ce n'était pas si grave...
Mais que se passerait-il si de jeunes héros, idéalisant leurs ainés, apprenaient leurs fautes ? Quand le personnage de Thao Tran/Melee découvre cette vérité dérangeante au sujet de Kitty, elle fait preuve d'une rigueur morale que n'a pas la majorité des super-héros : elle claque la porte, refusant de suivre les cours d'une criminelle ayant fui la justice.
Trish Marshall/Bronze et Alex Luna/Axo sont également touchés, autant par le geste de leur amie que par la faute de leur professeur. Alex a besoin de réfléchir. Trish fond en larmes. Un sentiment général de trahison domine. Bobby Drake va courir après les trois jeunes pour tenter de recoller les morceaux. Kitty, seule avec Emma Frost, est mortifiée.
Emma lui fait la leçon en lui expliquant qu'elle aurait dû dire la vérité dès le départ à ses élèves tout en cherchant à comprenant que la chute de Krakoa a fait péter les plombs à beaucoup de mutants en première ligne. On saisit que, pour Emma, si sûre d'elle en apparence, ce n'est pas non plus facile d'oublier, de redémarrer. Et dieu sait qu'elle aussi a fait de vilaines choses...
Ce que je veux dire, c'est qu'ici, que vous soyez au fait des dernières heures de Krakoa, des actions d'Orchis, de la riposte sanglante des mutants, n'est pas si important. C'est évidemment mieux si vous êtes au courant, mais ne soyez pas effrayés si vous ne l'êtes pas. Considérez plutôt que Kitty a tué, qu'elle a franchi la ligne rouge, et que ses élèves l'ont appris.
C'est cela qu'il faut retenir : que se passerait-il si vous appreniez qu'un de vos profs, une personne de confiance, un proche, avait commis un crime, qui plus est sans avoir été jugé pour ça ? Continueriez-vous à le fréquenter ? Ou lui tourneriez-vous le dos ? C'est ce que cet épisode examine et ce à quoi il répond en suivant Thao.
Selon vos critères moraux, vous comprendrez ou pas le choix final de Thao. Pour ma part, j'ai trouvé qu'il était à la fois fort bien expliqué par le scénario tout en étant difficilement compréhensible. C'est, disons, très ambigu. En tout cas pour moi. Parce que, à mes yeux, ce qu'ont fait plusieurs mutants (et pas des moindres) à la fin de Krakoa, contre Orchis, est quasi impardonnable. Et que, moralement, narrativement, éditorialement, Marvel a choisi, comme souvent, de ne pas le traiter.
Il y a actuellement dans plusieurs séries X des mutants en libre circulation qui sont des meurtriers, parfois avec un gros passif, parfois plus récent, mais il n'empêche, ce ne sont plus, pour moi, des héros ayant respecté un code moral (le fameux "no kill"). Et personne, aucun scénariste, n'en parle. Tom Brevoort s'en fiche. C'est malaisant, surtout quand on aime ces personnages depuis des années, des décennies.
Cette notion de responsabilité, les auteurs l'ont occulté. Il est loin le temps où Rick Remender, dans Uncanny X-Force et Uncanny Avengers, en faisait le fondement de ses deux séries pour dire que tuer avait un prix, au moins psychologique, que cela abimait, hantait, salissait les héros . Aujourd'hui, les X-Men se désolent plus de la perte de leur île que des crimes qu'ils ont commis. C'est accablant.
En parallèle, on découvre ici, pour la première fois, un subplot, qui promet de changer le cours de la série sous peu, avec le personnage de Ellie, la cousine de Thao, dont le gène X s'est activé et qui connait une application sur téléphone mobile liée à une société qui promet de "guérir" ces néo-mutants. Qui peut bien vouloir collecter des données sur le gène X ? Réfléchissez deux secondes, et vous verrez que c'est un mystère facile à résoudre...
Mais là encore, ça signifie qu'un ennemi des X-Men, déjà bien présent lors de la précédente période, va resurgir. Et cette perspective m'ennuie, je ne vous le cache pas. On en revient au passé, aux vieilles recettes, à ce constant recours aux références... Il y a vraiment un souci chez Marvel avec ça et c'est autant le fait des editors que des auteurs qui semblent avoir constamment un oeil sur le rétroviseur. Comment espérer dans ce cas quelque chose de nouveau, de frais ?
Un mot quand même sur Carmen Carnero qui réalise ce qu'il y a désormais de mieux sur ce titre, des planches sensibles, captant l'essence des conflits qui agitent les personnages, avec un souci du détail juste, de la mesure, de la nuance. Cette artiste mérite mieux que des runs abrégés (comme Captain America : Sentinel of Liberty) ou des séries menaçant de s'enliser comme celle-ci.
Je l'avoue, cet épisode m'a embarrassé. C'est une douche froide. Et sachant qu'elle va devoir composer avec le crossover X-Manhunt bientôt n'a rien pour me rassurer, c'est un parasitage franchement emmerdant au moment où son histoire est à la croisée des chemins. Marvel ou comment vous dégoûter de suivre ses séries...
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