dimanche 5 janvier 2025

POISON IVY, TOME 4 : LES RACINES DU MAL (G. Willow Wilson / Marcio Takara, Haining)


- L'origine secrète de Pamela Isley (Poison Ivy #19-21 / Ecrit par G. Willow Wilson et dessiné par Marcio Takara) - Sortie du lycée, Pamela Isley part poursuivre ses études à l'université de Seattle où elle intègre la classe de Jason Woodrue. Elle fait la connaissance de ses assistants : Alec et Linda Holland et Philip Sylvain. Très vite, elle tombe amoureuse de son professeur et devient sa maîtresse.


Mais Woodrue, comme elle le découvre ensuite, est un génie, certes, mais aussi un manipulateur qui, pour motiver ses troupes, n'hésite pas à instaurer un esprit féroce de compétition. Sa liaison avec Pamela l'incite à lui révéler ses recherches secrètes en botanique, qu'il mène dans un container sur les docks et, pour les mener à bien, pousse la jeune femme à voler du matériel à l'université.


Un cap est franchi quand, de retour dans la classe de Woodrue, Pamela apprend qu'une nouvelle étudiante a intégré le groupe. D'abord jalouse d'elle, elle devient l'amante de Bella Garten, élève surdouée qui veut s'affranchir de la personnalité toxique de Woodrue. Celui-ci, pour les départager, les incite à expérimenter sur elles-mêmes et Pamela, pour regagner ses faveurs, accepte de servir de cobaye...


Ce quatrième tome de Poison Ivy sort quasiment huit mois après le dernier : Urban Comics n'est pas pressé... Faut-il interpréter ce délai comme un signe que la série ne fonctionne pas très bien, commercialement, en France ? Si j'en crois le nombre de vue enregistrées par les précédentes critiques que j'y ai consacrées, il est clair en tout cas que ça n'intéresse pas grand-monde.

C'est bien dommage car, je le répète, c'est une des toutes meilleures séries DC que j'ai lu depuis deux ans maintenant, une oeuvre inspirée et qui n'est certes pas super-héroïque au premier degré, mais qui est très originale, visuellement impressionnante. Croyez-moi quand je vous assure que vous passez à côté de quelque chose en ignorant ce titre.

Ce quatrième tome est découpé en deux parties distinctes, deux arcs narratifs et donc je vais les passer en revue chacun leur tour. Tous deux comptent trois épisodes et le premier revient sur l'origine de Pamela Isley. Il est important de clarifier qu'il s'agit de chapitres consacrés à Pamela Isley et non à Poison Ivy dans la mesure où le récit s'intéresse à ce qui s'est passé avant quelle ne devienne Poison Ivy.

Bien entendu, on peut être surpris par ce retour en arrière alors qu'à la fin du précédent tome G. Willow Wilson nous laissait, pantelant, sur un cliffhanger de folie. Mais la scénariste sait ce qu'elle fait depuis le début et donc de flashback ne doit rien à un caprice : c'est au contraire un puissant révélateur sur ce qui va arriver dans les trois épisodes suivants.

Pamela Isley y est décrite comme une jeune étudiante innocente qui part à Seattle pour intégrer l'université et suivre l'enseignement de Jason Woodrue, un génie dans sa discipline, la botanique. Il a pour assistants Alex Holland (le futur Swamp Thing), Linda (la femme de ce dernier) et Philip Sylvain (qui considère Pam comme une bimbo ébahie par Woodrue).

Wilson introduit en effet rapidement une romance entre Pam et Woodrue, dont le charisme l'impressionne et qui fait d'elle sa partenaire pour des recherches personnelles, à l'abri dans un container sur les docks. Il lui demande d'ailleurs de voler du matériel à la fac pour l'aider et elle s'y plie volontiers, ce qui sera ultérieurement vécue comme une sorte d'épiphanie, son basculement du côté obscur - la naissance de Ivy avant Poison Ivy.

Puis le duo devient trio avec l'introduction de Bella Garten , personnage apparue pour la première fois dans la série Grayson (de Tim Seeley, Tom King et Mikel Janin au n°2, en 2014), puis repris et développé à partir de Batman #107 (de James Tynion IV et Jorge Jimenez, en 2021). On découvrit alors qu'elle possédait des pouvoirs semblables à Ivy et se faisait appeler la Jardinière.

Bella Garten est d'abord l'objet de la jalousie de Pam qui pense que Woodrue couche aussi avec elle et l'a recrutée pour la remplacer, avant de comprendre sa méprise, de s'en rapprocher, d'être son amie puis son amante. Garten a toutefois en commun avec Woodrue une personnalité dominatrice et une absence totale d'éthique concernant ses recherches.

In fine, cela va pousser Pam à accepter de servir de cobaye à Woodrue et à devenir Poison Ivy, ce qui la conduira à Gotham - tout le reste est littérature... N'empêche, avec ce vaudeville vénéneux, Wilson produit une histoire efficace, troublante, et implacable qui synthétise ce que Seeley, King et surtout Tynion IV ont apporté précédemment, tout en développant le personnage de Isley/Ivy et sa relation avec Woodrue. C'est magistral.

Et qu'est-ce que c'est beau ! Parce que ces trois épisodes sont illustrés par Marcio Takara en très grande forme comme toujours depuis le début de ce run. L'artiste a l'occasion de dessiner Pam sans ses pouvoirs, au naturel, et elle est à la fois ingénue et déjà irrésistible. Les couleurs d'Arif Prianto ajoutent à l'émerveillement suscité par les planches.

En contrepartie, Takara fait de Woodrue un mâle alpha toxique et charismatique à souhait dont on comprend qu'il fascine son petit cercle. C'est un individu génial mais qui a le complexe du Messie, qui est un abominable manipulateur et un lâche. Bella Garten est aussi un autre personnage amenée à réapparaître dans la série, c'est évident, et Takara la campe génialement, en valorisant ses différences avec Pamela mais aussi ses similitudes avec Woodrue.

Bref, ces trois épisodes sont formidables et prouvent une fois encore la qualité spectaculaire de la série. Et ce n'est pas fini...


- (Poison Ivy #22-24 / Ecrit par G. Willow Wilson et dessiné par Haining) - Poison Ivy a accouché de Woodrue, l'Homme Floronique, qu'elle avait dévoré lors de leur dernier affrontement. Tandis que Killer Croc et Salomon Grundy mettent Janet à l'abri, les deux anciens amants s'affrontent dans le marais environnant dont ils exploitent la faune et la flore.


Poison Ivy comprend que pour achever définitivement Woodrue, elle doit se donner la mort aussi. Sur ces entrefaites arrivent Harley Quinn puis Red Hood, envoyé sur place par Batman. Avec l'appui de Killer Croc, Grundy et Janet, ils tentent de tuer Woodrue et de sauver Pamela, mais celle-ci disparaît dans le marais...
 

Dans le deuxième arc narratif de ce tome, on revient donc là où les choses en étaient restées à la fin du précédent. Poison Ivy a accouché de l'Homme Floronique dont elle pensait s'être débarrassée lors de leur dernier combat en le dévorant littéralement. Mais il était prévisible qu'un tel monstre ne reste pas longtemps prisonnier...

C'est l'autre veine de la série, celle qui emprunte au body horror, plus graphique, plus classique aussi dans la mesure où Poison Ivy revient sur le devant de la scène, que ses pouvoirs toujours aussi visuellement impressionnants donnent le la et que l'action domine.

Toutefois, G. Willow Wilson a assez d'imagination pour écrire un duel qui ne soit pas qu'une débauche d'effets inspirés par une esthétique convenue. D'ailleurs la solution que Ivy envisage pour vaincre une fois pour toute Woodrue implique rien moins que son suicide à elle, une forme de sacrifice radical, qui élève donc la bataille à un niveau existentiel.

L'intensité de cet affrontement est parfaitement traduit par les dessins de Haining qui supplée donc Takara avec beaucoup d'efficacité. J'avais un peu peur que sa prestation soit en deçà, surtout qu'on avait été gâté lors du tome 3 par le fill-in de Luana Vecchio (excellente). Mais Haining tient vraiment très bien le coup et devrait logiquement devenir le deuxième artiste de la série.

Je ne vais pas vous spoiler le dénouement, mais Wilson semble l'avoir conçu comme la fin d'un cycle. On pourrait très bien imaginer qu'elle ait voulu conclure son run ici et cela aurait très satisfaisant. Mais heureusement pour les fans, il n'en est rien et Poison Ivy va continuer de plus belle.

On constate d'ailleurs que ce tome se boucle avec le 24ème épisode, soit deux ans de publication. Durant tout ce temps, Poison Ivy sera passé d'une mini-série en six n°, puis en douze, avant que DC ne donne le feu vert pour en faire un titre illimité. C'est une vraie performance, qui rappelle un peu ce qui s'était passé avec Hawkeye de Matt Fraction et David Aja en son temps.

Mais, et c'est peut-être encore plus fort, Poison Ivy est resté cette production hybride qui aurait pu, à une autre époque, briller au sein du label Vertigo (comme Swamp Thing), et rassemble le meilleur des deux mondes : l'originalité d'une série indé avec la régularité d'un titre mainstream, sans être brouillé par des events (même si ça s'est passé durant Knights Terror, une étape négociée avec brio).

Donnez sa chance à Poison Ivy. C'est vraiment une série extraordinaire, atypique, mais brillante, dans son écriture narrative et graphique.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire