jeudi 9 janvier 2025

STORMWATCH : DOWN WITH THE KINGS (Ed Brisson / Jeff Spokes, Trevor Hairsine, Pasquale Qualano)


Mr. Bones est à la tête de Stormwatch, une organisation au service des Nations Unies, dont le quartier général se trouve dans une station en orbite géostationnaire au-dessus de la Terre. Ce jour-là, il accueille sa nouvelle recrue, Phantom One, qu'il présente et confie à Winter, le superviseur des missions de l'équipe, et au Dr. Zema, chef de la section scientifique. 


Winter briefe ensuite l'équipe au complet (Flint, Ravager, Shado, Peacekeeper-01, et Core) sur la capture du Dr. Huskk, qui détient une machine temporelle convoitée par l'organisation Black Hole et qui veut le sortir de le prison d'Iron Heights... 


Stormwatch enchaîne les interventions : à Puerto Rico l'équipe affronte des Xébelliens, ennemis des Atlantes ; dans le building de l'organisation Halo pour y dérober un malware ; à Athènes pour y voler une arme au dieu Apollon ; dans l'espace contre le dictateur Kantar-Ro...


Mais Flint devine que Bones est aux ordres de quelqu'un d'autre et Ravager comprend que chaque mission correspond à un objectif à la fois précis et global en rapport avec la Justice League, qui s'est pourtant récemment dissoute...

En 1993, Jim Lee créé la série Stormwatch au sein de son label Wildstorm chez Image Comics. Il s'agit d'une équipe de surhumains aux ordres des Nations-Unies. Pourtant, il faudra attendre l'arrivée de Warren Ellis comme scénariste au #37 pour que le titre décolle vraiment. Un volume 2 est lancé au terme duquel l'auteur décime l'effectif et s'en sert comme rampe de lancement pour The Authority, dans lequel il emploie quelques survivants.
 

Jim Lee a voulu relancer Stormwatch quand il est devenu un des cadres éditoriaux de DC lors de la période New 52 en en confiant les rênes à Paul Cornell, mais sans que le résultat ne convainque les fans de la première heure. Warren Ellis, encore lui, avait refondé tout l'univers Wildstorm dans une série éponyme en 24 épisodes, mais que personne n'a jugé bon d'exploiter (sans doute en raison des ennuis du scénariste, impliqué dans une sordide affaire de harcèlement sexuel) : dommage.


Ce run, de six épisodes, dont la fin laissait suggérer une suite (qui n'a toujours pas été annoncée et dont je doute qu'elle se produise, mais j'y reviendrai), a été publié dans le mensuel anthologique Batman : The Brave and the Bold, qui vient de se conclure après 20 numéros en Décembre dernier. Cette fois, c'est à Ed Brisson qu'on a donné le soin de s'en occuper.

Brisson est un auteur qui n'a jamais réussi à percer chez les Big Two, héritant souvent de séries sur lesquelles il n'avait pas de contrôle, qu'il n'avait pas démarrées. Mais pourtant on fait régulièrement appel à lui pour sa capacité à se fondre dans le moule, en particulier quand il s'agit d'écrire des personnages de second rang.

Ici, il a pris le parti de rompre avec le casting original de Stormwatch, à l'exception de Winter dont il fait le nouveau Weatherman, celui qui planifie les missions, et distribue les rôles aux membres de l'équipe (rôle autrefois dévolu à l'infâme Henry Bendix). Il récupère Ravager (Rose Wilson, la fille de Deathstroke), mais aussi Phantom One (qu'il avait utilisé dans son run de Batman Incorporated) ou Peacekeeper-01 (vu dans le Batman de James Tynion IV) ou Shado (ennemie de Green Arrow).

Il a ajouté Core (un réacteur nucléaire vivant, le plus puissant membre de l'équipe, âgé de 52 ans mais en paraissant 16) et Flint (une femme noire invulnérable, qui dirige l'équipe sur le terrain). Mister Bones est le directeur de Stormwatch, dont la base est une station spatiale. Pendant cinq épisodes sur six, on suit ce beau monde en mission à travers le globe et l'espace, avec un intermède au #4 (un tie-in à l'event Knights Terror).

Ce qui est très efficace, c'est que chacune des missions nous embarque dans une aventure inattendue, avec des adversaires vraiment coriace pour un groupe où personne (à part Core, et dans une moindre mesure Flint) n'a de super-pouvoir. L'équipe elle-même est divisée en deux : d'un côté il y a des justiciers intègres, avec un code moral (Ravager, Phantom One, Flint, Core), de l'autre des mercenaires (Shado, Peacekeeper).

Cela produit des étincelles et établit une dynamique très accrocheuse, que Brisson met en valeur grâce à des dialogues ciselés. Les relations entre l'équipe et ses supérieurs, en particulier Bones (qui ne cache pas qu'ils sont tous de la chair à canon), est savoureuse, et prend une dimension supplémentaire quand on découvre qui dirige effectivement Stormwatch (mais je ne vous spoilerai pas son identité).

Surtout, malgré sa structure en épisodes done-in-one, Brisson déroule un fil rouge avec ce que collecte à chaque fois l'équipe. En effet, on comprend progressivement que tout ce que Flint et sa bande ramènent à la station Skywatch a un rapport avec les membres emblématiques de la Justice League (Flash, Aquaman, Superman, etc.). Or celle-ci, à l'époque est dissoute mais il est évident que Bones et celui à qui il rend des comptes se prépare à sa reformation...

A la fin, sans trop en dire, un vrai cas de conscience va frapper l'équipe et les deux clans qui la composent prennent parti en fonction de leurs intérêts ou leurs sentiments : Ravager, qui possède un don de précognition (mais qu'elle maîtrise mal et qui l'amène à ne pas interpréter formellement ce qu'elle voit), hésite à rester mais semble le faire quand même pour s'assurer que Stormwatch ne va pas s'en prendre aux héros...

Visuellement, Jeff Spokes assure les dessins sur l'intégralité des #1, 2, 5 et 6. Son travail est remarquable, même s'il abuse des cases copiées-collées dans les scènes de dialogue, essayant de duper le lecteur avec des effets de zooms qui sont trop visibles. Mais il campe les personnages à merveille (on sent sa préférence pour Ravager et Shado), dans des décors soignés, et quand l'action domine, il fait preuve d'une belle énergie.

Néanmoins, au #3, il reçoit le renfort, sur les ultimes pages, de Trevor Hairsine. Le contraste entre leurs deux styles pique un peu, mais on ne va pas crier au scandale non plus. Pour le #4, qui est donc un tie-in à l'event Knights Terror (dans lequel Flint, Shado, Core et Phantom One sont confrontés à leurs cauchemars), c'est Pasquale Qualano qui s'y colle, dans un registre assez convaincant, même si trop lisse dans ce contexte.

Brisson se montre inspiré même avec ce tie-in puisqu'il en profite pour glisser un questionnement chez Flint vis-à-vis de Bones, qui est ensuite pleinement développé. le seul vrai souci dans tout ça, comme je le suggérai en début d'article, c'est que, à l'évidence, Brisson avait conçu son histoire pour qu'elle s'intègre à Absolute Power in fine... Et que l'event n'en a absolument pas tenu compte. Du coup, si DC lui laisse une chance d'y revenir, ce serait intéressant de voir ce que deviennent les membres de cette équipe (en particulier ceux le plus proches de Bones et de son boss, mais aussi les autres, plus réservés) avec la reformation de la Justice League.

J'ignore si on aura droit à une version compilée de ces épisodes. Batman : The Brave and the Bold a déjà bénéficié de ce traitement pour l'histoire Batman : The Winning Card (par Tom King et Mitch Gerads, également traduit par Urban) dans un premier tpb, et un deuxième doit paraître en Avril prochain (avec une histoire de Superman, superbe, par Christopher Cantwell et Javier Rodriguez, plus une autre sur Wild Dog, par Kyle Starks et Fernando Pasarin). 

Il reste encore beaucoup de matériel pour que DC sorte un troisième (voire un quatrième) album, où Stormwatch aurait sa place. En attendant, ces six épisodes sont disponibles dans les 6 premiers n° de Batman : The Brave and the Bold.

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