CAPTAIN AMERICA : SENTINEL OF LIBERTY, TOME 1 - REVOLUTION
(Captain America # 0-6)
Les deux Captain America (Steve Rogers et Sam Wilson) unissent leurs forces pour déjouer un attentat planifié par Arnim Zola à New York au moyen d'une fusée qui, lors de son explosion, transformera la population en dinosaures...
Victorieux, Steve Rogers convient que le monde a bien besoin en ces temps troublés de deux Captain America et il laisse à Sam Wilson le soin d'incarner le visage de l'Amérique sur le plan international tandis que lui se concentrera sur des menaces à l'intérieur des Etats-Unis. C'est ainsi qu'à la veille de la fête nationale, Steve découvre avec un groupe de vétérans de curieux messages radios indiquant qu'une attaque d'envergure aura lieu le 4 Juillet. Avec Bucky Barnes, il appréhende un jeune homme qui usurpe l'identité du Destructeur qui, avant de mourir, suggère qu'une conspiration de longue date est en marche.
Steve et ses amis vétérans décryptent de nouveaux messages renvoyant au symbole du bouclier de Captain America. En enquêtant sur les origines de son arme, Steve apprend qu'un ingénieur wakadais l'a conçu. Il trouve trace d'une forge en Allemagne où des hommes en armes retiennent le personnel; Captain America intervient et les conspirateurs sont forcés de sortir de l'ombre...
C'est ainsi que Captain America découvre l'existence d'une organisation, le Cercle Extérieur, composée de cinq leaders - la Machine, l'Argent, le Pouvoir, l'Amour et la Révolution - qui envoie pour le tuer le Radié, un cyborg... Cependant Bucky suit une autre piste qui le mène à Madripoor et Peggy Carter dont il soupçonne les liens avec ce Cercle...
Alors que J. Michael Straczynski met un terme à bref run sur Captain America actuellement (après moins d'un an et demi aux commandes) sans avoir convaincu ni la critique ni les fans, il est temps de réhabiliter ceux qui l'avaient précédé dans cet exercice et qui ont été évincés à son profit alors qu'eux étaient parvenus à renouer avec ce que la série proposait de meilleur.
Et par là, j'entends, la période Ed Brubaker, car ni Rick Remender, ni Nick Spencer ni Ta-Nehisi Coates n'ont réussi à faire oublier le scénariste qui rendit ses lettres de noblesse au vengeur étoilé. Brubaker avait mixé des aventures dans le registre de l'espionnage avec des codes super-héroïques au cours d'intrigues sinueuses et de coups de théâtre mémorables (dont le retour de Bucky Barnes fut le plus audacieux).
Remender voulut, lui, renouer avec le run de Jack Kirby à son retour chez Marvel dans les années 70 et qui se termina avec Sam Wilson brandissant le bouclier, Nick Spencer prolongea cette idée tout en développant deux séries (une avec Wilson, l'autre avec Rogers) culminant avec l'event Secret Empire, et Coates signa des épisodes plus politiques (avec à nouveau uniquement Steve Rogers sous le masque). Enfin, Mark Waid revient sur la série avec Chris Samnee, mais trop brièvement (Samnee étant alors en fin de contrat chez Marvel, ne dessinera que six n°).
Quand Collin Kelly et Jackson Lanzing sont appelés au chevet du Captain, tout le monde pense qu'ils sont là pour un bon moment sans savoir quelle direction ils vont prendre. En vérité, leur run sera bref (une quinzaine d'épisodes plus un n° spécial et un Finale). Un vrai gâchis, même si les deux auteurs auront bouclé leur histoire sans la bâcler.
L'idée motrice de Kelly et Lanzing est toute simple : elle repose sur le bouclier de Captain America dont ils imaginent qu'il a un secret révélant une ancienne conspiration. Pour résumer, le symbole qu'incarne Captain America n'a jamais été celui qu'il croyait mais celui d'une organisation secrète qui manipule l'Histoire depuis des décennies en influençant les grands événements.
Dans ces conditions, Steve Rogers se demande rapidement s'il n'a pas servi une cause différente de ses idéaux sans le savoir, donc si toute son existence n'a pas été un mensonge : il se sent dépossédé. Mais il est aussi déterminé à résoudre ce mystère et à renverser ces comploteurs pour se réapproprier son identité et faire triompher la justice.
On passera très vite sur le n°0 qui ne sert strictement à rien et qui est d'une débilité affligeante, tout ça pour justifier deux séries Captain America : Sentinel of Liberty donc, mais aussi Symbol of Truth (starring Sam Wilson), écrite par Tochi Onyebuchi et RB Silva, très inférieure en qualité. Mattia de Iulis illustre cet épisode dans son style photo-réaliste affreux. A zapper donc.
Puis on entre dans le vif du sujet avec ce premier arc dense et énergique de six épisodes où, malgré une intrigue tortueuse, qui introduit une foule d'éléments, est d'une clarté imparable, riche en action, en émotions, et qui va complètement (et durablement) rebattre les cartes pour certains personnages (même une fois le run de Kelly et Lanzing achevé).
Les bonnes idées sont nombreuses dans ce scénario, comme le fait de montrer Rogers en compagnie de vétérans avec lesquels ils décryptent des messages radios (ce moyen de communication renvoie au côté "out of time" du héros et réintroduit le personnage de Roger Aubrey, le premier Destructeur, un autre super-soldat né dans les années 40, dans un camp de concentration).
Le Cercle Extérieur a d'abord tout de l'énième organisation secrète de conspirateurs et on s'interroge sur sa pertinence. Puis, très vite, les auteurs lui donnent une envergure, une influence, un plan franchement impressionnants. L'emploi des symboles est magnifiquement exploité et les ramifications avec Bucky Barnes assez géniales - oui, rien que ça.
Kelly et Lanzing n'oublient jamais l'action et donnent du biscuit à Carmen Carnero qui, sur ce titre, a pris une autre dimension, qu'elle confirme actuellement avec Exceptional X-Men. Elle fait déjà équipe avec le coloriste Nolan Woodard (qui est épatant) et ensemble ils produisent des planches somptueuses, souvent avec des doubles pages aux compositions extrêmement dynamiques et inventives.
Carnero tient le rythme sans faillir, elle paraît même, chose étonnante, se bonifier d'épisode en épisode. Elle joue sur le flux de lecture comme sur une double page qui se lit dans le sens des aiguilles du montre (voir ci-dessus, image 4). Ou alors elle décompose les mouvements et les déplacements des personnages dans un cadre fixe, avec des effets de perspectives et de valeur de plan époustouflants.
Surtout, Carnero réussit aussi bien à camper Rogers que Captain America. A Rogers, elle donne une humanité, une sensibilité que le scénario rappelle (en le montrant notamment suivant des cours de dessin car c'est un aspect de lui qu'on a oublié mais c'est aussi un artiste), avec des cheveux un peu plus longs.
Quand il est en tenue de super-héros (très légèrement redesignée, mais avec beaucoup de classe), elle n'exagère pas sa musculature avec un costume trop près du corps ni des détails superflus. Il est montré comme un homme athlétique, aux capacités supérieures à la moyenne, mais sans exagération. Il sourit même parfois, sûr de lui, le regrettant aussi ensuite. Et surtout c'est l'éternel grand frère de Bucky, le héros qui doute mais qui résiste : c'est très nuancé, subtil, et le dessin le traduit à merveille.
Bucky est l'autre personnage clé de ce début de run et là encore les scénaristes et l'artiste l'animent avec beaucoup d'intelligence, aboutissant à quelque chose de totalement inédit et novateur dans le sixième épisode (je spoilerai plus tard). Toute la mythologie autour de Captain America va de toute façon être convoquée par la suite avec un soin méticuleux.
Il faut absolument lire ou relire ces épisodes, traduits par Panini Comics, en trois tomes (ce n'est donc ni très cher ni très long). Kelly, Lanzing et Carnero y sont magistraux dans leur lecture du personnage, le développement du récit. Ce sera ma rétrospective du mois, donc stay tuned !
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