samedi 24 août 2024

EPITAPHS FROM THE ABYSS #2 (Matt Kindt & Klaus Janson / Tyler Crook / Jason Aaron & Jorge Fornes)


- Pattern Recognition (Matt Kindt / Klaus Janson) - Matthew, membre du gang de Johnny, tombe sur un homme qui réussit à lui flanquer une raclée, mais en chutant un clou vient lui transpercer sa tempe droite. Opéré, il survit miraculeusement mais revient sur le terrain, obsédé par une nouvelle mission...


- Gray Green Memories (Tyler Crook) - Un virus a transformé les humains en zombies. L'un d'entre eux est une femme qui erre dans les allées d'un supermarché en cherchant à se rappeler ce qu'elle vient y chercher. Soudain, sa réflexion est interrompue par une mère et sa fille contre lesquelles elle bondit...


- Sounds & Haptics (Jason Aaron / Jorge Fornes) - Rex Maxwell conduit en répondant à un message qu'il reçoit sur son téléphone portable. Cette faute d'inattention cause la collision de sa voiture avec celle transportant une famille. Seuls lui et une rescapée de l'autre véhicule survivent...


Ce deuxième numéro de Epitaphs from the Abyss vient confirmer la direction purement horrifique de cette anthologie. Il est aussi moins garni avec trois épisodes au lieu de quatre et une pagination de 30 pages.

Le premier segment est issu de l'imagination sans limites de Matt Kindt et raconte l'histoire d'un voyou violent qui a le malheur de s'en prendre à plus fort que lui. Hospitalisé, il survit à une grave blessure mais il est encore plus fou qu'avant car il devient convaincu que son leader doit subir le même sort que lui pour que son message passe...

Kindt réussit à nous surprendre avec une fin abominable alors que jusque-là on ignorait où il voulait en venir. Son histoire détourne l'expression "tomber sur un os" par un "tomber sur un clou" (ce qui avait déjà inspiré JLA : Le Clou d'Alan Davis dans un tout autre registre) et le traitement a quelque chose d'aussi expéditif que réjouissant. On peut même y lire une réflexion sur le pouvoir des leaders, quels qu'il soient, et l'endoctrinement de leurs fidèles jusqu'au délire.

C'est le vétéran Klaus Janson qui se charge des dessins et comme je n'ai jamais été fan de son travail à ce poste, je ne peux pas dire que j'ai été davantage séduit ici. Les compositions sont souvent maladroites, les personnages saisis dans des positions improbables. C'est quand il va au plus simple que Janson est encore le plus supportable (il suffit de comparer les dernières pages, excellentes, avec les premières, médiocres).

Ensuite Tyler Crook, lui aussi un auteur très prolifique, se frotte aux zombies avec une approche plus mélancolique que purement effrayante. Rythmé par le monologue intérieur d'une femme devenue morte-vivante, le récit interroge la mémoire de façon poignante. Tant et si bien qu'en vérité cela aurait pu être raconté sans avoir recours aux zombies, même si évidemment je comprends que ce cliché serve l'aspect horrifique du projet.

On a droit véritablement qu'à une scène vraiment sanglante et violente qui démontre l'absurdité du monde dans lequel se situe l'action. Crook se révèle aussi bon conteur que dessinateur, ce qui est tout sauf une surprise. Ne lui reste qu'à revenir jouer dans ce domaine avec une idée un peu plus originale.

Mais la vraie pépite de ce numéro, c'est son troisième chapitre, réalisé par l'équipe artistique la plus prestigieuse du lot. Jason Aaron part d'une situation digne d'une publicité pour la prévention routière (un jeune homme est distrait par son portable et provoque un terrible accident) mais la développe d'une manière extraordinaire. Le supplice de Rex Maxwell est absolument terrible, d'une cruauté à la (dé)mesure de son imprudence. Croyez-moi : après avoir lu ça, vous réfléchirez à deux fois avant de préférer répondre à un texto plutôt qu'à regarder qui arrive en face de vous...

Jorge Fornes s'empare de ce script génial en l'illustrant comme à son habitude avec simplicité et intelligence. Son découpage est redoutablement précis, avec des cases noires qui ponctuent le récit d'une efficacité remarquable. Le fait que l'artiste n'ait pas besoin d'en rajouter augmente notre effroi et la détresse du héros face au survivant de l'accident.

C'est malaisant au possible mais aussi curieusement jubilatoire. Le retour de EC Comics par Oni Press est décidément une grande réussite pour laquelle ce petit éditeur, revenu de loin, a su se donner les moyens de son ambition.

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