samedi 21 septembre 2024

RED BEFORE BLACK #2 (Stephanie Phillips / Goran Sudzuka)


En détention après avoir été renvoyée de l'armée, Val reçoit la visite de l'agent spécial Charles Lamb qui lui offre d'effacer son casier judiciaire si elle devient son informatrice en se rapprochant de Miles Allen... Aujourd'hui, Val rejoint, comme convenu, Leo dans une cafétéria pour le petit-déjeuner après lui avoir sauvée la vie la veille au soir...


Bon sang, j'ai du retard dans mes lectures et par conséquent dans mes critiques ! Ce deuxième épisode de Red Before Black est sorti il y a une semaine et son exemplaire était resté sous d'autres numéros de comics, attendant d'être passé en revue. A tous ceux qui se fichent de mes articles sur les films, je peux dire que les prochains jours vont être consacrés aux comics.


Donc : Red Before Black. J'ai beaucoup aimé le premier numéro et j'ai aimé ce numéro deux. Voilà. Merci. Bonsoir !... Non, quand même, il y a plus à dire sur cette excellente série ! Mais avant d'aller plus loin, pourquoi lire Red Before Black ? Parce que c'est bien, très bien même, OK. Mais pas que.


J'ai déjà dû le dire, mais pendant de nombreuses années, j'ai passé pas mal de temps sur les forums consacrés aux comics. J'y cherchais comme tous ceux qui fréquentent ces espaces des gens qui partageaient ma passion pour la bande dessinée américaine, super-héroïque en particulier. Plus que pas de temps, j''y ai consacré des heures, des jours.
 

Comme j'étais bavard mais surtout têtu quand il s'agissait de défendre ce que j'aimais (et qui n'était pas apprécié par beaucoup), cette occupation est devenue chronophage. Mes échanges ont souvent tourné à la dispute, car il faut bien admettre que les forums comics ne sont pas des lieux où on partage des avis, où on convainc autrui de quoi que ce soit : ce sont des endroits où chacun campe sur ses positions, jusqu'à la caricature, jusqu'à la rupture.

Est-ce à dire que l'expérience n'a été que négative ? Non. Et pour une raison simple : je m'y suis ouvert aux comics indés, aux comics en creator-owned, un univers à part entière dont j'ignorai à peu près tout. Pour cela, je serai éternellement reconnaissant aux forums. Car c'est grâce à eux qu'aujourd'hui je lis et recommande une série comme Red Before Black (entre autres).

Pourquoi me paraît-il important de lire des comics indés ? Parce que si vous ne lisez que du super-héros, vous risquez de devenir fou ou neuneu. Sérieusement ! Il existe du super-héros intelligent, ce n'est pas la question. Pas plus qu'il ne faut rejeter les comics de super-héros basiques, manichéens. Mais c'est comme pour tout : si vous ne lisez que des romans noirs, si vous ne regardez que des films d'horreur, si vous n'écoutez que de la pop music, vous ne voyez qu'une partie infirme du monde.

Lire de l'indé, c'est voir comment des auteurs venant souvent du super-héros oeuvrent dans un tout autre registre que celui qui domine le marché de la BD nord-américaine. J'ai aussi remarqué que parfois un auteur dont je n'appréciait pas les comics de super-héros me séduisait avec ses créations originales en dehors de ce registre (et vice-versa d'ailleurs). Et à cet égard, Stephanie Phillips est presque un cas d'école.

Rien de ce qu'elle écrit en super-héros ne m'a franchement marqué, c'est au mieux sympa. Par contre, quand elle écrit ce qu'elle créé, c'est une toute autre affaire et Red Before Black en est la brillante démonstration. Phillips, par exemple, écrit superbement des personnages féminins forts, ce qui ne l'avantage pas quand elle fait du super-héros où les super-héroïnes sont minoritaires et souvent écrites par des hommes (qui écrit actuellement Wonder Woman ? Tom King.).

Red Before Black est en surface une histoire aux racines policières, avec Val, une ancienne militaire qui a fait de la taule et qui a accepté de jouer les infiltrés chez un ex-copain de régiment qui trafique, et Leo, une dealeuse qui est dans le viseur de ce copain justement. Ajoutez un agent du FBI et roulez jeunesse. Sauf que, comme on va le voir dans cet épisode (mais sans que je vous en dise plus pour l'instant - je verrai le mois prochain si je suis obligé d'être plus bavard), ce n'est pas aussi simple.

Car Val fait des cauchemars, parfois quand elle est éveillée, où elle revit son temps dans l'armée, lors d'une mission qui a dégénéré. Mais que se passerait-il si elle n'était pas la seule à revivre ça ? Ou plus exactement si quelqu'un partageait cette expérience sans l'avoir vécue avec elle ? Phillips introduit un élément fantastique inattendu qui, du coup, transforme sa série en... Autre chose. 

Je l'ai dit ça aussi mais une qualité que j'aime chez un artiste, c'est sa capacité à ramener sur terre, à hauteur d'homme (ou de femme en l'occurrence), la part de fantaisie d'une histoire. Cette ancrage permet selon moi  de ne pas perdre le lecteur, surtout quand l'élément fantastique n'est pas omniprésent, ou du moins essentiel. Comme Jorge Fornes, Goran Sudzuka a cette qualité.

Sa narration graphique est d'une fluidité irréprochable. C'est peut-être aussi cette forme d'humilité visuelle qui a fait qu'il n'est pas une vedette car le lecteur de comics préfère spontanément les dessinateurs plus spectaculaires. Mais Sudzuka a une longue carrière et il n'a jamais cessé de travailler, pour des indépendants ou les Big Two. Donc il sait raconter une histoire en images, quelle qu'elle soit. Et c'est ce qu'on retient surtout.

L'essentiel de l'épisode repose sur un échange entre Val et Leo dans une cafétéria où elles prennent un petit-déj'. Très vite Leo explique qu'elle sait pourquoi Val et elle se sont rencontrées et ce que Val lui veut. Pour Val alors, autant en finir vite. Et évidemment, ça va déraper. Red Before Black pourrait bien être ça : une histoire de dérapages - ceux de Val, quand elle était soldat, puis infiltrée. Mais le twist final de l'épisode fait basculer tout le récit dans quelque chose de passionnant et imprévisible.

Je vais tâcher de ne plus oublier de vous parler de Red Before Black au moment de la sortie de ses épisodes. Cette série le mérite. Elle mérite aussi votre attention, en vo si vous vous sentez d'y aller tout de suite, en vf quand un éditeur la traduira - ce qui est inévitable.

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