Trois jours après avoir empêché l'invasion du Jarhnapur par la Boravie, Superman est attaqué par le Marteau de Boravie à Metropolis et subit sa première défaite. Il atteint difficilement l'Antarctique où se trouve sa forteresse de solitude avec l'aide de son chien Krypto. Exposé au rayonnement solaire, il se rétablit et retourne à Metropolis où le Marteau de Boravie le met une fois encore au tapis et prévient que plus aucune intervention extérieure ne sera tolérée.

Mais le passage de Superman en Antarctique n'est pas passé inaperçu : l'Ingénieur, une métahumaine au service de Lex Luthor, a pu localiser la forteresse de solitude où son patron s'introduit. Les robots qui gardent l'endroit détruits et Krypto maîtrisé, Luthor vole l'enregistrement de ses parents biologiques morts dont la seconde partie a été endommagée et que l'Ingénieur parvient à restaurer. A Metropolis, Clark Kent accepte d'être interrogé par Lois Lane sur ses activités en tant que Superman. Mais l'interview se passe mal quand elle le confronte aux conséquences de ses actions.

Le lendemain, un kaiju dévaste la ville et Superman en vient à bout avec l'aide du Justice Gang, composé de Mr. Terrific, du Green Lantern Guy Gardner et Hawkgirl. Mais le combat terminé, les médias diffusent l'enregistrement des parents de Superman révélant qu'ils l'ont envoyé sur Terre pour dominer la race humaine. La population est révoltée et effrayée mais Superman comprend que Luthor a dû entrer dans sa forteresse pour avoir ces informations. Quand il constate que Krypto a été enlevé mais aussi que le gouvernement a lancé un mandat d'arrêt contre lui, il préfère se rendre pour retrouver son chien...
J'ai (enfin !) pu voir Superman en salles hier après-midi. Mais avant d'aller plus loin, évacuons tout de suite l'éléphant dans la pièce, à savoir la comparaison avec la précédente version du personnage par Zack Snyder dans Man of Steel, dont les fans toxiques se sont faits un devoir de démolir le film de James Gunn - avant de le voir et même en annonçant ne pas vouloir le voir !
Je n'ai pas apprécié Man of Steel (ni Batman v Superman, ni Justice League). Mais j'apprécie encore moins les trolls qui, sur les réseaux sociaux, se sont appropriés ces films pour dénigrer tout ce qui est entrepris aujourd'hui par James Gunn et Peter Safran. Ces gens-là n'ont tout simplement rien compris au personnage de Superman dont le message vante la tolérance et la mesure face à la haine.
Je n'empêche personne d'aimer Zack Snyder et de ne pas aimer James Gunn, quand bien même les deux cinéastes se connaissent bien et s'apprécient. Je dis juste que je n'aime pas la vision de Superman par Snyder et son exploitation par les trolls qui sont de sombres abrutis intolérants, hargneux, et qui n'ont pas dû lire beaucoup de comics Superman.
Ceci étant dit, passons au film de James Gunn. Je ne vais pas faire durer le suspense : je l'ai beaucoup aimé, je l'ai même adoré. Il a des défauts, mais l'ensemble est jubilatoire. Surtout, je dirai qu'il a du coeur. C'est le film d'un authentique amoureux du personnage, particulièrement dans son itération du Silver Age, avec sa science-fiction délirante, et une forme de candeur assumée.
Gunn s'est largement exprimé sur ses références et ses objectifs avec ce film, qui doit permettre au DCU sur grand (et petit) écran d'être à nouveau attractif. Ce que j'ai particulièrement retenu, c'est que Gunn et son partenaire Peter Safran refusent de donner le feu vert à un film tant que le scénario ne leur convient pas et qu'il n'est pas terminé avant le tournage.
Cela n'a peut-être l'air de rien mais quand on sait le nombre de superproductions qui démarrent leurs prises de vue alors que le script ne cesse d'être remanié, ce n'est pas un détail. Imaginerait-on une BD qui n'aurait pas un scénario bouclé avant que le dessinateur ne commence à travailler ? Ou une chanson dont la composition de la musique resterait incomplète ?
Et ce point essentiel est au coeur du dispositif de Superman comme film. Gunn a écrit et réalisé ce long métrage (comme tous ses précédents opus auparavant) en sachant que tout y était et que rien n'allait en être retiré ou ajouté en cours de route. Cela donne une solidité à l'ouvrage et évite au spectateur cette sensation que tout a été achevé en post-production.
C'est essentiel donc car, parmi les références citées par Gunn, il y avait la mini-série écrite par Grant Morrison et Frank Quitely, All-Star Superman. Cela en avait surpris quelques-uns puisque l'histoire racontait comment Lex Luthor piégeait son ennemi en l'exposant à des radiations solaires si massives qu'il ne pouvait plus les assimiler et qu'il en mourrait donc à petit feu.
Bien entendu, adapter cette histoire pour commencer une nouvelle ère cinématographique aurait été absurde. Mais Gunn a conservé la structure du récit de Morrison et Quitely qui tournait autour d'ultimes travaux entrepris par Superman avant qu'il ne disparaisse, pour s'assurer qu'après lui le monde resterait sûr.
Dans le film, on voit donc Luthor créer plusieurs diversions spectaculaires pour distraire Superman afin qu'il collecte des informations lui permettant, sinon de l'éliminer, en tout cas de le discréditer, de faire croire au monde, aux autorités qu'il n'était pas ce qu'il prétendait être. Lorsqu'il découvre et restaure un message des parents du kryptonien au sens très préjudiciable pour ce dernier, il prend l'avantage.
Mis hors-jeu, la vie de Superman est entre les mains de ses amis avec, d'un côté, Lois Lane et Jimmy Olsen, les collègues de son alter ego Clark Kent au Daily Planet, et, de l'autre, le Justice Gang, un groupe de métahumains financé par un concurrent de Luthor, Maxwell Lord et composé d'un Green Lantern (Guy Gardner), de Mr. Terrific, et de Hawkgirl.
Il s'agira pour eux tous de trouver où a été enfermé Superman, dont la détention a été confiée à Luthor, mais aussi d'enquêter sur les intérêts de Luthor dans une guerre entre deux pays où est intervenu unilatéralement Superman. Intervention qui a brouillé son image auprès des médias et de l'opinion et qui le place face aux conséquences éthiques, juridiques, géopolitiques de ses actes.
James Gunn affiche des parti-pris très culottés : pas d'origin story, une introduction de plein pied dans un monde déjà peuplé de créatures fantastiques, des dimensions de poche, un kaiju. Il les a justifiés de manière posée : un lecteur de comics démarre rarement par le premier épisode d'une série, et il fait des recherches sur les sources d'un univers fictif a posteriori.
Gunn expédie quelques informations au tout début en nous disant que les métahumains sont apparus sur Terre il y a trois siècles, qu'un bébé extraterrestre a atterri dans une capsule il y a trente ans, que Superman s'est présenté au public il y a trois ans, qu'il a empêché l'invasion du Jarhnapur il y a trois semaines et que le Marteau de Boravie l'a vaincu il y a trois minutes - sa première défaite.
Si, malgré tout, vous avez envie de voir le petit Clark Kent enfant avec ses parents adoptifs, une scène à la fin, en forme d'album de photos de famille vous récompensera. Mais en définitive, ce sur quoi Gunn concentre sa réalisation autant que son écriture, c'est la capacité d'immersion et/par le rythme. Un rythme très rapide (le film dure 129') et grisant.
Ce qui ne signifie pas que ça ne s'arrête jamais. Une des scènes majeures consiste même en un échange à bâtons rompus entre Lois Lane et Clark Kent qui répond à ses questions en endossant son rôle de Superman. La pugnacité de la journaliste envers le surhomme pousse celui-ci dans les cordes comme aucun autre des adversaires ne le fera, mais pour son bien.
A chaque fois que le film se calme, c'est ainsi, non pas pour simplement faire respirer l'histoire et le spectateur, mais pour adjoindre au récit des réflexions sur les métahumains, les conséquences de leurs actes, la redéfinition du monde du fait de leur présence, l'appréciation de ces phénomènes par l'opinion, leur exploitation médiatique, leur appréhension politique.
Mais évidemment, ce qu'on vient cherche avec un film sur Superman, c'est le divertissement, le grand spectacle, l'action, la fantasy. Et Gunn, en imposant un tempo très soutenu à son histoire, veut à la fois nous empêcher de nous arrêter sur des détails qu'on pourra juger rigolos (comme le slip rouge de Superman) et surtout nous plonger dans un flux tendu où même Superman est parfois submergé.
Ce faisant, on tolère les excentricités de personnages farfelus, choisis parmi les seconds couteaux de DC Comics par le cinéaste simplement parce qu'il les adore (comme il adore tous les outsiders, les freaks), à l'image de Metamorpho, dont il réussit, malgré tout, à nous faire ressentir la condition tragique, ou de l'Ingénieur, extirpé d'une réalité alternative comme son collègue Ultraman.
Le Justice Gang aurait sans doute gagné à davantage contextualisé, notamment via celui qui les a réunis et les finance (Maxwell Lord, campé par Sean Gunn, ne fait qu'une apparition à la toute fin). Mais en même temps, on comprend là aussi ce qu'il faut : il s'agit d'un groupe d'intervention, des électrons libres, formé par des individus collaborant sans vraiment avoir des affinités.
Quant aux personnages "simplement" humains, Gunn a pris soin de leur donner une envergure qui ne pâlit pas de celles des métahumains. Lois Lane est l'incarnation du journalisme intègre, au risque de perdre tout, y compris l'homme qu'elle aime. Jimmy Olsen est son sidekick, fidèle, malin. Et Lex Luthor est mû par la jalousie, mais cette fois sans avoir besoin d'être un bouffon (même Eve Teschmacher qui devient celle qui fait basculer une partie de l'intrigue).
Les effets spéciaux sont soumis à l'épreuve du temps : même les films dotés des trucages les plus impressionnants à leur sortie deviennent datés peu après. Toutefois, on sent que l'équipe chargée de la post-production a eu du temps pour soigner l'ouvrage et des scènes comme celle avec le kaiju ou la dévastation de Metropolis ont une sacrée gueule.
Filmé avec des caméras légères, et avec un grand angle, Superman surprend justement par sa fluidité dans le mouvement, y compris quand les choses sont censées être plus calmes. Le look est effectivement le plus comics accurate possible, avec une palette de couleurs vives, de scènes de jour, mais surtout une constance dans l'animation, les compositions. C'est certainement ce que Gunn a fait de plus mobile et ça colle à ce qu'un tel projet exige.
Néanmoins, cette permanence dans le mouvement,, dans la cadence, ne s'opère jamais au détriment des prestations des acteurs. David Corenswet doit nous faire croire à un Superman faillible, fébrile, et qui apprend (pour lui-même et aux autres) qu'il est devenu humain, parce qu'il a été élevé ainsi, mais surtout parce que son éducation lui laissé le soin de commettre des erreurs et d'en tirer les leçons.
Rachel Brosnhan est, ce n'est pas une surprise, la meilleure Lois Lane : celle qui fut l'inoubliable Midge Maisel a ce charme, ce cran, cet élégance, qui rendent impossible à son personnage d'être éclipsée. Impossible d'imaginer une autre qu'elle ici. Tout comme Nicholas Hoult, réellement mauvais, pathétique, intelligent, dangereux : impressionnant et tellement réjouissant de voir enfin Luthor aussi bien joué.
Du Justice Gang, Isabela Merced/Hawkgirl est celle qui hérité du rôle le plus ingrat. Mais il faut dire qu'entre Nathan Fillion, plus que parfait en Guy Gardner, et Edi Gathegi, excellentissime en Mr. Terrific, c'était quasi insurmontable. Maria Gabriela de Faria manque un peu trop de finesse en Ingénieur. Anthony Carrigan est extra en Metamorpho. Tout comme Skyler Gisondo en Jimmy Olsen.
Gunn parvient à faire briller une distribution très fournie, en donnant à chacun son moment, même si le charisme de certains fait la différence ou que certaines scènes sont de vrais offrandes. C'était un vrai pari, et on peut dire qu'il est honnêtement rempli. Et, oui, à la fin, mais pas dans une scène post-générique (il y en deux, mais très anecdotiques), on voit Supergirl (Milly Alcock) !
Et vous allez adorer Krypto !
Un mot enfin sur la musique, où le thème, fameux, de John Williams est notamment très habilement revisité. Peu de chansons, contrairement à l'habitude de Gunn qui, comme Tarantino ou Edgar Wright, aime les playlists, mais une bande-son très chouette.
J'ai vraiment adoré ce Superman. Il respecte le personnage, il nous plonge dans un univers riche, foisonnant, coloré, positif. Et fait un bras d'honneur jouissif au cynisme ambiant en faisant de la gentillesse un geste punk rock. Son succès commercial est mérité et le DCU est entre de bonnes mains. Vivement la suite !