mercredi 20 novembre 2024

TITANS #17 (John Layman / Pete Woods)


Neutralisés par Clock King, les Titans sont branchés à une machine qui augmente les capacités de leur ennemi à lire dans leurs esprits. Il espère ainsi découvrir tous leurs secrets et réussir là où Amanda Waller a récemment échoué en éliminant tous les super-héros...


John Layman est un scénariste pressé. En deux épisodes, il a réorganisé les Titans, écartant Wally West/ Flash, réintégrant Roy Harper/Arsenal, remplaçant Nightwing par Donna Troy à la tête du groupe, et les confrontant au Clock King, un adversaire a priori facile mais qui leur a infligé une déculottée éclair.


Pourtant, plus que la rapidité de l'exécution, c'est la densité du propos qui frappe car Layman a visiblement un plan pour les Titans et leur série. Ce que Tom Taylor a péniblement développé pendant moins d'un an et demi, lui compte bien le bâtir sans laisser aux héros et au lecteur le temps de souffler.


Et pour cela il s'appuie sur les événements récents que peut connaître le lecteur sans avoir suivi le run de Taylor, c'est-à-dire ce qui s'est produit dans Absolute Power. Si les Titans n'ont pas été touchés par tout le manège autour des pouvoirs perdus/échangés/altérés à la fin du récit de Mark Waid, il n'en va pas de même pour le méchant à l'oeuvre ici et qui était au premières loges en tant que membre de la dernière Suicide Squad de Waller (sous-titrée : Dream Team).
 

En effet, le Clock King dont les capacités jouent sur le temps a vu ses talents dopés et c'est ainsi qu'il a pu mettre au tapis aussi facilement les Titans. Ce n'est pas Kang le conquérant, mais ça a suffi pour que les héros soit K.O. et installés à une machinerie qui permet à leur adversaire de lire dans leurs pensées et d'y instiller une peur en relation avec leurs phobies les plus profondes.

Pour cela, il va s'appuyer sur le membre le plus impétueux et qui vient juste de revenir : Roy Harper/Arsenal. Une sorte d'ancre émotionnelle qui relie tous les Titans, la clé pour pénétrer leur inconscient. Mais en se servant de l'un d'eux, il va aussi commettre une erreur et révéler son propre secret...

John Layman articule son scénario de la même manière que son méchant articule son plan : il ne s'agit pas ici de créer un suspense artificiel consistant à faire croire au lecteur que Clock King va battre les Titans et arriver à ses fins en découvrant ce qu'ils savent sur la communauté super-héroïque. Ce n'est pas un spoiler de vous révéler qu'il va être battu à son propre jeu (mais sans être capturé pour autant).

Non, en vérité, et c'est pour cela que je parlai de plan dans la démarche de Layman, Clock King est aussi une ancre, une clé pour un autre vilain qui va lui proposer une alliance afin de mettre leurs compétences en commun. C'est aussi une manière assez maline de dire que les Titans ne sont plus une bande de jeunes héros faciles à avoir, ils ont remplacé la Justice League, ils sont aguerris, on ne peut plus les sous-estimer et espérer les prendre par surprise.

Sur l'identité du vilain qui offre une alliance au Clock King, je ne dirai rien, même si je dois avouer avoir été assez perplexe en le découvrant à la toute dernière page. Layman joue une carte qui a fait ses preuves mais il lui faudra quand même expliquer comment ce vilain est de retour car la dernière fois qu'on l'a vu, il était dans un sale état. Et surtout il faudra l'exploiter de manière intelligente car c'est un ennemi familier des Titans...

Pete Woods a été critiqué par quelques fans pour son dessin trop expressif sur le précédent numéro. Personnellement, j'en étais très satisfait mais l'artiste a tenu à répondre sur BlueSky qu'il avait entendu ces remarques et comptait se reprendre. J'espère quand même qu'il conservera le style qu'il a ici car je le trouve très en forme - et pourtant j'ai souvent eu du mal avec ce qu'il a produit par le passé.

Mais il faut avouer que ses planches sont excellentes. D'abord pour leur sens du détail : non que son dessin soit hyper fourni, mais il sait découper avec un vrai brio et insérer des éléments subtils et très bien pensés - comme par exemple quand il montre les yeux du Clock King et que l'iris ressemble au cadran d'une montre avec des aiguilles : superbe.

Plusieurs pages sont consacrées à la fouille qu'effectue le Clock King dans les hantises des Titans et le fan peut ainsi passer en revue des moments forts de toute l'histoire de l'équipe, avec des moments devenus des classiques (la saga de Trigon) ou des épisodes plus récents (Beast World). On voit en tout cas que Woods comme Layman connaissent leur sujet et savent le mettre en scène.

C'est dynamique, inventif, et, mis à part donc l'identité du méchant à la fin, qui peut paraître un peu paresseuse dans son choix, la série confirme son gros potentiel avec cette équipe créative. En attendant le premier épisode de Justice League Unlimited la semaine prochaine, on peut compter sur Titans comme un de ses très bons team books de l'ère DC All-In.

dimanche 17 novembre 2024

THE BIG BURN #2 (of 3) (Joe Henderson / Lee Garbett)


Owen a réuni une équipe pour braquer l'enfer où sont gardées leurs âmes par le diable à qui ils les ont données. Diego et Ava se confient donc sur le pacte qu'ils ont scellé avec le Malin mais Harold s'y refuse. Qu'importe, il faut avant d'aller plus loin sortir Carlie de la clinique psychiatrique dans laquelle elle s'est elle-même fait interner. Mais peut-on organiser tout ça sans que le diable soit au courant ?


(Spoiler : la réponse est non.) Bon, je ne vais pas vous refaire le topo écrit dans ma critique de Time Waits #2 publiée il y a quelques heures au sujet de DSTLRY, son mode de recrutement d'auteurs, de publication, de prix de vente, etc. C'est exactement la même chose pour The Big Burn, une autre création originale en trois épisodes à la pagination augmentée et à la périodicité bimestrielle.


Ce polar fantastique m'avait beaucoup plus quand j'avais lu son premier chapitre en Septembre car l'idée de Joe Henderson était de celles que tout scénariste aimerait avoir imaginée : un couple de braqueurs de banques vend son âme au diable après avoir été arrêté par la police afin de retrouver la liberté. Problème : sans âme, leur amour dépérit et ils se séparent. Owen imagine alors une solution : récupérer leurs âmes, à sa fiancée Carlie et à lui, en braquant le diable en enfer !


Pour ça, il faut mourir et recruter une équipe. Il s'adresse donc à des malfrats que Carlie avait repérés et qui ont certainement fait la même affaire avec le Malin. Mais, entre temps, Carlie s'est faite interner dans un hôpital psychiatrique, convaincue d'être folle... C'est précisément là que débute ce deuxième épisode quand, lors d'une thérapie de groupe, elle agresse un patient qui ricane en l'entendant raconter son histoire de pacte diabolique. Carlie est placée à l'isolement.


Ce qui va rendre évidemment son évasion encore plus compliquée. Et ça, c'est sans compter sur le fait qu'elle ne veut pas sortir car elle estime avoir été victime d'une hallucination en rencontrant le diable. Ou alors, si c'est vrai, elle mérite d'être enfermée pour tous les délits qu'elle a commis. Owen et ses complices ne sont pas au bout de leur peine...

"Hé, mais il nous raconte tout l'épisode ! Stop !" vous écriez-vous. Même pas, vous réponds-je. Parce que la grande force de The Big Burn, c'est sa manière de déjouer les attentes du lecteur. Oui, on est dans du polar ; oui, avec une dose de fantastique. Mais Joe Henderson a un vrai talent pour camper des personnages qui ont de l'épaisseur et donc réserve leur lot de surprises. Et, parmi le gang assemblé par Owen, il y a un membre vraiment pas recommandable, qui a vendu son âme pour des raisons franchement atroces.

Ce piment va dérégler la machine et compliquer la tâche des héros. Même si le cliffhanger de cet épisode est convenu, il n'en reste pas moins qu'on se demande bien comment la suite et fin au troisième épisode va se dérouler parce que ça s'annonce quand même bigrement compliqué. Mais c'est le genre de complications qui fait tout l'intérêt d'un bon polar car le genre impose aux héros et au lecteur du suspense, de l'inattendu, de la difficulté.

Mais, je le répète, The Big Burn trouve sa singularité dans son idée initiale : braquer le diable, c'est déjà pas commun, mais quand le butin, ce sont les âmes des braqueurs, c'est tout bonnement jubilatoire. Et c'est ainsi qu'on apprend que le polar, c'est un peu comme le jazz, avec ses figures imposées et ses figures libres, mais surtout c'est quand on croit que tout a été fait en la matière qu'un auteur trouve encore une astuce pour relancer la machine.

Ce qui donne au récit une saveur particulière : on sent que Henderson et son dessinateur Lee Garbett (qui est en fait aussi le co-auteur du scénario puisque Henderson et Garbett collaborent comme Waid et Samnee, échangeant des idées comme on joue au ping-pong et s'amusant à se challenger) prennent un plaisir fou. Auparavant, ils avaient réalisé ensemble Skyward, une quinzaine d'épisodes mais auxquels ils auraient volontiers donné une suite si la série avait connu plus de succès commercial (et encore elle a été sauvée de l'annulation grâce au soutien des fans), puis Shadecraft, là aussi pensé comme un projet sur le long cours mais qui a été stoppé net au bout de cinq épisodes.

En signant avec DSTLRY, et en s'alignant sur les standards de cet éditeur, ils ont en vérité changer de logiciel : exit les histoires en plusieurs arcs et en épisodes classiques d'une vingtaine de pages tous les mois. Grâce à une pagination plus proche du franco-belge (presque une cinquantaine de pages par numéro), leur narration peut poser les enjeux plus rapidement tout en ne sacrifiant pas ni au déploiement de l'intrigue ni à la caractérisation des personnages.

Lee Garbett n'est pas un dessinateur à proprement parler ébouriffant : son style est influencé par celui d'Olivier Coipel, mais sans le même niveau de finition et de technique. C'est visible en particulier dans le registre dans lequel est inscrit The Big Burn, où les personnages sont en civil et les décors sont réalistes : Garbett éprouve des difficultés à représenter des environnements très détaillés et les vêtements sont sommairement dessinés, sans plis, sans textures.

Mais Garbett compense par son sens du découpage et de la composition : il sait raconter une histoire et la rendre lisible - ce qui manque parfois à Coipel chez qui on voit bien que le dessin prime sur le découpage, traçant les contours de cases après avoir dessiné ce qu'elles vont encadrer. Garbett, de ce point de vue, fait le contraire : il sait comment organiser l'enchaînement des plans et après il les remplit.

Il ne les remplit pas toujours beaucoup, on est d'accord, mais il va à l'essentiel sans doute pour préserver la vitalité de son trait et l'énergie du récit. Et, dans une histoire comme celle-ci, ça fonctionne - ça passe. Comme en plus il est soutenu par un coloriste d'expérience en la personne de Lee Loughridge (c'est le gars qui a entièrement colorisé la série Fables), on n'a pas non plus le sentiment de planches bâclées : Loughridge n'est pas le coloriste le plus spectaculaire du monde, mais il respecte le dessin et sait le mettre en valeur subtilement.

Rendez-vous donc en Janvier 2025 pour connaître l'issue de ce Big Burn enthousiasmant.

TIME WAITS #2 (of 3) (Chip Zdarsky & David Brothers / Marcus To)


Blue, Grace et Duke trouvent refuge chez leur ami pâtisser Baker après l'attaque du commando qu'a envoyé Wyatt. Baker met à leur disposition les armes que collectionnait son père. Dans le futur, Wyatt obtient de sa hiérarchie l'envoi d'une nouvelle équipe pour récupérer les graines et Blue. Ces nouveaux mercenaires se séparent en deux groupes : l'un va chez Baker, l'autre au poste de police...


Rappel des faits : il y a deux mois  paraissait le premier des quatre épisodes de Time Waits chez DSTLRY. Ce petit éditeur n'en finit pas d'attirer de grands noms des comics grâce à un deal unique : non seulement ils conservent les droits de leurs créations mais surtout ils deviennent actionnaires de l'entreprise et profitent donc des profits générés par toutes les autres productions publiées.


Mais DSTLRY n'est pas qu'un modèle économique innovant, c'est d'abord et surtout un éditeur qui ne fait rien comme les autres. On peut trouver leurs floppies coûteux mais ils sont imprimés sur du papier de qualité, dans un format plus grand, et souvent pour une pagination supérieure. Chaque numéro de Time Waits compte par exemple une cinquantaine de pages de BD pour 8,99 $, ce qui, comparé à un album de bande dessinée franco-belge reste bon marché.


Pour cette mini série, l'éditeur a réussi à attraper dans ses filets Chip Zdarsky, rien moins que l'actuel scénariste de Batman (mais qui va céder sa place bientôt pour le retour de Jeph Loeb et Jim Lee) et le dessinateur Marcus To, l'artiste de X-Force en ce moment. David Brothers co-écrit le titre avec Zdarsky. Et enfin, et surtout, Time Waits, c'est super bien.


Pourtant les histoires de voyages dans le temps, c'est souvent périlleux mais Zdarsky et Brothers ont trouvé un twist efficace : le héros vient du futur et a décidé de rester à notre époque après une mission au cours de laquelle son équipe devait voler de mystérieuses graines très convoitées dans l'avenir. Wyatt, son acolyte, est rentré bredouille mais tient Blue responsable de l'échec de la mission, convaincu qu'il a conservé les graines en question.

Dans le premier épisode, où on apprenait que Blue vivait désormais en couple avec Grace, la shérif du patelin où il avait atterri, et avec qui il était en train d'adopter un jeune garçon, Wyatt envoyait un commando récupérer les graines et éliminer Blue. L'opération s'est soldée par un nouvel échec. 

De manière certes convenue, on assiste donc à une sorte de match retour. Mais on comprend aussi pourquoi Wyatt éprouve un tel ressentiment envers Blue : les deux hommes n'ont rien en commun malgré une formation identique. Pour Wyatt, la fin justifie les moyens et tant pis si des innocents se dressent en travers de sa route, il est prêt à les sacrifier pour remplir les objectifs, obéir aux ordres de ses patrons (une multinationale dont il est devenu chef de la sécurité). 

Pour Blue, en revanche, tout a changé depuis qu'il a décidé de rester à notre époque : il vit avec une femme qu'il aime et à qui il a confié ses secrets et avec qui il va avoir un enfant. Cependant, il ne laissera personne lui prendre ce bonheur, mais peut-il faire face longtemps face à des commandos surarmés et surentraînés venant du futur ?

L'histoire que développe Zdarsky et Brothers ne fait pas que se concentrer sur le charismatique Blue et son adversaire Wyatt. La personnalité de Grace est bien développée : c'est une femme qui ne s'en laisse pas compter et qui, elle aussi, est engagée maintenant dans une guerre contre ces mercenaires du futur. L'intrigue, ici, se resserre autour de quelques scènes clés, comme l'assaut sur un poste de police très spectaculaire et intense, tandis que Blue, que les interférences temporelles font perdre connaissance doit rester sur le qui-vive pour protéger son fils adoptif.

Il y a quelque chose de grisant dans la lecture de Time Waits, une tension constante qui provient à la fois du danger incarné par Wyatt et ses sbires mais aussi de seconds rôles comme Baker, le bon copain prêt à dépanner et qui a conservé l'arsenal de son père. Son discours est celui d'un survivaliste complotiste attaché viscéralement au 2ème amendement de la Constitution américaine (qui autorise non seulement le port d'armes mais aussi le droit de former une milice pour assurer la sécurité). Cet élément ajoute au climat de peur et de parano du récit, déjà bien fourni en la matière.

Une autre scène voit Blue ramener Duke chez sa famille d'accueil dans le but de lui épargner d'être la cible des hommes de Wyatt. Or cette famille le maltraite et Blue ne peut se résoudre à l'abandonner. Parallèlement, on retrouve Duke, devenu un vieil homme dans le futur, et employé de la firme qui supervise les commandos de Wyatt. Ce dernier se sert de Duke pour savoir si Blue (et tout allié potentiel qu'il a pu se faire) sera bel et bien éliminé cette nuit-là. 

Ce sont des trouvailles narratives simples et qui assurent au lecteur de bien tout saisir de ce qu'il a sous les yeux. Car l'écueil n°1 des histoires de voyages dans le temps, c'est précisément d'égarer le lecteur avec les conséquences de ceux qui s'aventurent hors de leur époque. Zdarsky et Brothers évitent ce piège magistralement.

L'autre atout pour empêcher le lecteur d'être perdu, ce sont les dessins de Marcus To. Son trait clair et son découpage sobre permettent d'avoir un flux de lecture toujours limpide. On sait toujours où, quand et avec qui on se trouve. Aucun risque de confusion. Par ailleurs, l'artiste profite à plein de la pagination plus généreuse pour jouer sur le rythme interne des scènes, faire naître un sentiment de malaise, d'appréhension, de gravité.

Par exemple, dans le passage le plus mémorable de l'épisode, lors de l'assaut du poste de police, To doit jongler avec plusieurs personnages - les mercenaires, les deux adjoints de Grace, Grace elle-même. Lorsque Grace se rend pour s'assurer que son adjointe Sandy qui est blessée va bien, To découpe la séquence de telle sorte qu'on ne quitte jamais Grace des yeux sauf à un moment précis - quand elle réussit à désarmer la mercenaire qui la suit, ce qui va lui permettre de riposter. La fluidité de la narration est épatante, avec zéro effet de manche.

Bref, c'est une réussite dont le cliffhanger donne très envie de connaître la suite. Il faudra pour cela attendre Janvier 2025.

samedi 16 novembre 2024

G.I. JOE #1 (Joshua Williamson / Tom Reilly)


L'équipe G.I. Joe s'entraîne, mais lorsque Conrad "Duke" Hauser fait son rapport au colonel Hawk, il ne cache pas qu'ils ne sont pas prêts et sous-équipés. De son côté, Destro fournit au Cobra Commander de nouvelles armes révolutionnaires alimentées par de l'Energon. Les deux camps se préparent à effectuer un raid dans un laboratoire au Colorado qui a récupéré des pièces d'un Transformer...


Et c'est parti ! Après plusieurs mini-séries destinées à (re)présenter l'univers de G.I. Joe, Joshua Williamson peut enfin entrer dans le fil du sujet. Tout d'abord, à part la mini Duke, je ne crois toujours pas qu'il faille tout lire de ce qui a été édité récemment sur le label Skybound de Robert Kirkman pour apprécier son Energon Universe (qui intègre à la fois Void Rivals, Transformers et donc G.I. Joe).


Ce qu'il faut savoir, c'est que de gigantesques robots, les Transformers, se livrent une bataille dans l'espace et sur Terre. Capables de se changer en véhicules terrestres, marins et aériens, ces robots font des ravages à cause de leur taille et de leur puissance - ce sont eux qui relient tous les titres puisqu'on en a vu dans Void Rivals, et dans les minis Duke, Destro, Scarlet et Cobra Commander, et ils ont leur propre série à leur nom.


En ce qui concerne plus spécialement G.I. Joe, on a pu voir dans Duke que Conrad Hauser a perdu son meilleur ami soldat à cause d'un méchant Transformer (un Decepticon), mais sa hiérarchie a refusé de croire à ce à quoi il a assisté jusqu'à ce que le colonel Hawk, son supérieur, ne le recrute pour diriger un escadron afin de contrarier les plans guerriers de l'organisation Cobra dont l'armement est fourni par M.A.R.S. Industries, dirigées par Destro.


La technologie des Transformers est convoitée par Destro et son chef de guerre, le Cobra Commander : Destro veut dominer le monde, Cobra Commander l'asservir (puisque c'est un alien), deux ambitions similaires pour lesquelles la fin justifie les moyens. G.I. Joe est un projet para-miliaire conçu pour empêcher cela.

Maintenant, dîtes-moi si ça ne vous rappelle pas quand même quelque chose, même si, comme moi, vous débutez G.I. Joe. Deux organisations antagonistes, des espions, des arsenaux redoutables et révolutionnaires... Chez Marvel, c'est le S.H.I.E.LD. contre Hydra. Chez DC, c'est Checkmate contre Kobra.

Mais ni Marvel ni DC n'ont réussi, depuis des lustres, à développer un grand projet aussi habilement ourdi que celui de Robert Kirkman et Joshua Williamson avec G.I. Joe. Ensemble, les deux auteurs ont su, en exploitant les droits des jouets Hasbro, refaçonné un univers pour le rendre abordable tout en ne sacrifiant pas leur ambition. Tout s'est mis en place progressivement et aboutit désormais. 

Ah si seulement Marvel avait laissé Bendis écrire son projet Nick Fury ou si Hickman n'avait pas mis autant de temps à finir sa propre série SHIELD, qui sait... Bendis, encore lui, avait retenté le coup chez DC avec Event Leviathan mais sans être soutenu éditorialement et sans réponse enthousiaste des fans. En fait, ce qui manquait à tous ces projets, c'était un plan cohérent et surtout la volonté de raconter quelque chose auquel le lecteur comprenne quelque chose immédiatement.

Et c'est la réussite de ce premier épisode, comme ça l'était de ceux de la mini Duke : il y a un manichéisme évident dans la formulation du propos, mais il est assumé. Dans la postface de ce premier chapitre, Williamson exprime sa joie d'écrire cette série mais explique aussi que ce n'est vraiment que le tout début : il voit loin et il voit grand, désireux à la fois de garder les bases de ce qui a été fait avant dans les comics GI Joe tout en apportant de nouveaux éléments, en enrichissant cette mythologie.

Il y a donc beaucoup d'action, des personnages campés avec efficacité, une opposition entre deux camps bien marquée. Mais Williamson, on le sent, ne veut pas donner que dans le bourrin : il ménage quelques scènes d'exposition, presque de réflexion. La course à l'armement, l'énergie destructrice qu'a domptée Destro, la soif de revanche de Duke, l'esprit de conquête de Cobra Commander, tout ça dessine un affrontement guerrier mais où les héros doutent - de pouvoir gagner avec un maigre effectif, des équipements limités, de l'impréparation.

Et, sans spoiler, c'est ce qui va arriver inévitablement. D'un côté, on a une équipe, de l'autre une armée, et la fin de l'épisode voit déjà un des membres de GI Joe tomber. C'est expéditif, Williamson n'a pas peur de brûler des cartouches, mais ça introduit aussi un vrai suspense, un déséquilibre, qui donne au lecteur le sentiment que rien n'est joué, que la partie est faite pour durer.

Tom Reilly était déjà sacrément bon, plus qu'il ne l'avait jamais été chez Marvel et DC, sur Duke. Allait-il continuer sur sa lancée en plongeant dans le grand bain, où il devrait animer une quantité de personnages, de situations ? La réponse est : oui. Ce jeune artiste impressionne mais en même temps il donne surtout l'impression d'être complètement dans son élément, comme s'il dessinait le projet de ses rêves.

Il est faux de croire que tous les artistes ne rêvent que de super-héros, encore plus qu'ils peuvent y exceller. Il suffit pour s'en convaincre de penser à John Buscema : c'était un géant, un virtuose - personnellement je le trouve très supérieur à Kirby - mais, ce n'est pas un scoop, il détestait dessiner du super-héros, ça l'ennuyait terriblement. Il s'éclatait par contre sur Conan dont il a figé l'image pendant longtemps.

Sans comparer Reilly à Big John, je crois qu'on a affaire au même type de bonhomme : Reilly a fait ce qu'il a pu avec ce qu'on lui a écrit chez Marvel et DC, et parfois il s'en est mieux sorti que d'autres. Mais fondamentalement, quand on voit ce qu'il livre ici, c'est évident qu'il n'attendait que ça, dessiner des soldats, des fusils, des flingues, des chars, des hélicos, des explosions, et tout le folklore qui va avec. Tom Reilly, c'est un peu Joe Kubert, l'homme qui a immortalisa Sgt Rock, ce qui lui convenait le mieux, là où il exprimait le mieux non pas la fascination pour la guerre et ceux qui la faisaient, mais l'humanité ravagée par elle.

Reilly n'a pas encore l'expérience ni même la philosophie de Buscema et Kubert et GI Joe n'est pas Sgt Rock. Mais il s'éclate avec ce matos, il se révèle vraiment avec ce que lui écrit Williamson. Et si son influence visuelle à lui, c'est indéniablement l'école Alex Toth et surtout Chris Samnee, il n'a, à mon avis, pas fini de nous épater.

Alors, n'ayez pas peur de plonger dans l'aventure. Je n'étais pas un spécialiste de GI Joe, j'aborde ça avec candeur, mais la lecture est jubilatoire, c'est de la belle ouvrage, du chouette divertissement. C'est ce que Marvel et DC n'ont pas été capables de faire dans ce registre.

PSYLOCKE #1 (Alyssa Wong / Vincenzo Carratu)


Arrivée en retard à un brief des X-Men, Psylocke se voit notifier par Cyclope sa mise au repos forcé. Elle passe la nuit avec son amant, John Grecrow. Le lendemain matin, un jeune homme qu'elle a sauvé, Devon, l'informe d'une vente aux enchères organisée par l'A.I.M. à Phoenix, Arizona...


Comme pour Dazzler (de Jason Loo et Rafael Loureiro), j'étais curieux de lire Psylocke. Cette fois, il semble bien qu'on s'embarque dans une série illimitée (si le succès est au rendez-vous), mais il est vrai que depuis son apparition dans Uncanny X-Men 256 (en 1989), le personnage a marqué les mémoires par son histoire complexe et son charisme.
 

En effet, et sans vous raconter toute son origine, à l'origine, Psylocke était le nom de code de Betsy Braddock puis Chris Claremont et Jim Lee orchestrent son remplacement par Kwannon, une autre jeune femme proclamant être Psylocke mais qui a une apparence asiatique après son passage sur le Siège Périlleux. Il faudra des années pour que d'autres scénaristes tirent cet imbroglio au clair en expliquant que Betsy et Kwannon sont deux personnes différentes et que Betsy rende son corps à Kwannon (Betsy étant récemment devenue la nouvelle Captain Britain, lors du run de Tini Howard et Marcus To sur Excalibur).


Fondamentalement, Psylocke est une ninja avec des pouvoirs mentaux, entraînée par la Main, et dotée d'un comportement violent (elle n'hésite pas à tuer). Depuis la relance de la gamme X par Tom Brevoort, elle fait partie de l'équipe de X-Men dirigée par Cyclope et basée en Alaska. C'est d'ailleurs là que débute ce premier épisode.


On apprécie en premier lieu de ne pas avoir à lire X-Men pour suivre Psylocke : Alyssa Wong, la scénariste, fait un remarquable travail pour rendre sa série accessible et poser les enjeux très vite. Mise au repos forcé par Cyclope, qui part en mission avec le reste de son équipe, Kwannon va passer la nuit chez son amant, l'ex-Marauder John Greycrow (qui lui aussi a donc du sang sur les mains et avec qui elle a noué une relation depuis la série Hellions de Zeb Wells et Stephen Segovia).

Wong en profite pour caractériser simplement mais efficacement Kwannon : après avoir rêvé à son enfance traumatisante, elle se confie à Greycrow en se demandant si elle n'est bonne qu'à tuer, si elle peut dépasser ce pour quoi on l'a dressée. La scénariste la rend donc attachante parce que, sous ses airs de dur-à-cuire, c'est une femme qui traîne son passé comme un fardeau. 

On en a fait une tueuse, on a volé son corps pendant des années, elle fait partie d'une équipe dont le chef l'écarte pour la forcer à se reposer, ses collègues ne l'apprécient visiblement guère (Quentin Quire le premier), et son amant est un ancien nettoyeur.

On verra comment Alyssa Wong développera cela par la suite, mais cette entrée en matière est séduisante, surtout qu'elle vient juste après une introduction très musclée où Psylocke a sauvé une jeune fille des griffes de kidnappeurs alors même que son père est un farouche anti-mutant.

En fait, tout l'épisode repose sur la part d'enfance qui hante Kwannon : elle vient au secours d'une jeune fille, accepte la mission que lui déniche un ado qu'elle avait également sauvé précédemment, et elle intervient lors d'une vente aux enchères dont le prix est un trio d'enfants mutants. C'est certes basique mais Wong a le mérite d'avoir trouvé une accroche efficace qui lui permet d'alterner introspection et action.

La scénariste peut compter sur un excellent dessinateur pour la soutenir dans son entreprise puisque Marvel a enfin décidé de confier à Vincenzo Carratu un projet digne de ce nom (après lui avoir infligé des commandes pas folichonnes). Pour résumer et être le plus évocateur possible, Carratu est un émule de Pepe Larraz dont il a le style d'il y a quelques années (quand il illustrait Deadpool vs. X-Force ou Uncanny Avengers).

C'est la force des grands artistes que d'inspirer ses adeptes : voyez combien ont imité Immonen ou Coipel par exemple, comme avant eux tous les copistes de Jim Lee ou de John Byrne et encore plus loin Jack Kirby, Alex Toth et Milton Canniff. Il n'y a pas de honte à imiter les grands : au contraire, on apprend plus vite en les étudiant qu'en restant dans son coin à trouver son identité graphique. Ce qui compte en revanche, c'est de ne pas se cantonner à une imitation et à s'en affranchir pour creuser son propre sillon.

Je crois que Carratu n'en est qu'à ses débuts et ce qu'il montre dans ses pages ici prouvent, sans problème, qu'il a du potentiel. Son découpage est clair, ses compositions harmonieuses, ses personnages sont expressifs, il a une technique sûre, complète. C'est déjà beaucoup. Selon l'investissement qu'il mettra dans son travail et sa capacité à se dépasser, nul doute qu'il fera oublier ses ressemblances visuelles avec Larraz.

En tout cas, voilà une nouvelle série qui a du chien et une personnalité. Les fans devraient lui réserver un bon accueil et Psylocke devrait vivre de longues aventures.

vendredi 15 novembre 2024

HELEN OF WYNDHORN #6 (of 6) (Tom King / Bilquis Evely)


Pour se réconcilier avec sa petite-fille, Barnabas Cole l'enmmène une dernière fois dans l'Autre Monde. Ils atteignent en barque une grotte marine où Barnabas obtient un droit de passage sécurisé pour les profondeurs de l'océan. Là-bas, Helen va rencontrer sa mère...
 

Très souvent, et à juste titre, quand les scénaristes de comics interpellent les journalistes qui critiquent leurs livres ou les éditeurs qui veulent rappeler la sortie d'un album,  ils se désolent que ne soit mentionné que le nom de l'auteur du script et pas l'artiste (ou les artistes) qui les ont aidés à mettre leur projet au jour.


Evidemment on peut penser qu'ils disent ça pour se donner bonne conscience sans oublier que ce sont eux qui fournissent les histoires. Mais je crois quand même à leur sincérité et à leur volonté de partager les honneurs avec leurs dessinateurs. Il en est même qui estiment que sans lesdits dessinateurs, l'idée même du livre qu'ils ont écrit n'aurait pas existé, que c'est la rencontre avec le dessinateur qui a donné sa forme au livre.


Je prêche un peu pour ma chapelle, puisque je suis moi-même dessinateur, mais c'est vrai qu'il y a quelque chose d'affligeant à lire une critique où le travail de l'artiste est seulement survolé - quand il n'est pas carrément oublié. Généralement la critique consiste à dire des platitudes du genre "c'est beau", "c'est efficace", et voilà, emballé, c'est pesé, ça suffit.


Alors que les lecteurs et les critiques peuvent philosopher des paragraphes entiers sur le scénario, le style, le récit, le dessinateur lui n'a droit qu'à quelques mots banals. L'excuse que prononce le lecteur ou le critique quand on l'interroge sur le peu de place qu'il consacre au dessin se résume souvent à un "j'ai pas les mots, je ne connais pas suffisamment le vocabulaire du dessin pour en parler autrement".

Bon, admettons que vous ne connaissiez aucun terme technique. Est-ce que vous en avez besoin ? Bien sûr, ça aide, ça permet de formuler un avis mieux défini sur les compétences du dessinateur, les émotions qu'engendre son dessin chez vous, la lisibilité de sa narration graphique, etc. Mais en vérité, ça n'a rien d'essentiel car le vocabulaire technique n'est souvent compris que des initiés et on peut se cacher facilement derrière l'excuse de ne pas le connaître, même s'il existe bien des ouvrages de vulgarisation à ce sujet (l'exemple le plus évident : L'Art Invisible, de Scott McCloud).

Non, ce qui compte, c'est le coeur - comme disait Saint-Exupéry : "on ne voit bien qu'avec le coeur. L'essentiel est invisible aux yeux.". J'ai ma propre devise à ce propos : l'art, c'est l'évidence, il s'impose à vous. Vous trouverez les mots, ne vous inquiétez pas, même si c'est laborieux. Il suffit de dire, simplement, ce qui vous touche dans un dessin, une planche. Pas la peine de faire de grandes phrases, laissez-vous aller, comme quand vous parlez d'une chanson, d'un morceau de musique - où vous n'avez pas besoin de sortir du conservatoire pour savoir en parler.

Pourquoi je vous dis tout ça ? Parce que Helen of Wyndhorn est une bande dessinée qui a été écrite pour une artiste. Tom King a demandé à Bilquis Evely, avec qui il souhaitait retravailler après leur somptueux Supergirl : Woman of Tomorrow, ce qu'elle aimerait dessiner, raconter en images. Et elle lui a donné un carnet de croquis dans lequel il a puisé son inspiration pour lui livrer une histoire sur mesure.

Tom King a fait mieux que rappeler aux critiques et aux lecteurs l'importance de l'artiste, il a précisé dès le départ que leur projet était ce qu'il avait tiré de ce carnet de croquis. Ainsi, plus moyen de rabaisser, d'oublier Bilquis Evely : si vous vouliez mentionner, parler de Helen of Wyndhorn, vous seriez obligé de parler de la dessinatrice, co-autrice à part entière (et pas seulement parce qu'il s'agit d'une oeuvre en creator-owned).

Sur le dénouement de cette histoire, je ne vais, volontairement, rien vous dire. Sauf ceci, qui serait la morale de l'intrigue : nous sommes tous les histoires que racontent nos parents, nos proches, nos amis racontent à notre sujet. Nous sommes faits de mondes, le notre bien sûr, mais aussi celui qu'imaginent les autres sur nous. Ce que ceux qui ne nous connaissent pas apprennent de nous, c'est autant ce qu'on leur confie que ce qu'ils entendent à notre sujet. Et cela forme un résumé parfait à Helen of Wyndhorn, où fiction et vérité s'entremêlent jusqu'à ne plus être distinctes.

Mais ce que je veux vous dire sur la fin de cette série, c'est que, comme toutes les bonnes séries, on en aurait aimé davantage. Plus d'épisodes, pourquoi pas même une ongoing sur Helen Cole, son grand-père, sa gouvernante, ses parents, sa vie (peut-être rêvée, fantasmée) dans l'Autre Monde... Et quand ça se produit, ça veut dire qu'on a adoré ce qu'on a lu. Donc que c'est excellent.

Mais ça veut aussi dire que cette bande dessinée, si belle, si touchante, si épique, elle vient donc de Bilquis Evely et que Tom King l'a en quelque sorte synthétisée en six épisodes. Vous serez ébloui en lisant ces pages, vous serez dépaysé, vous serez heureux, ému aussi. Vous vous en souviendrez longtemps. L'éditeur français qui traduira Helen of Wyndhorn a intérêt à mettre le paquet sur la publicité qu'il consacrera à cette mini-série parce qu'elle le mérite, il faudra que le plus de fans l'achètent, des fans de King, de Evely, de belles BD, de bons comics.

Et surtout cet éditeur, ces lecteurs, ne pourront pas oublier Bilquis Evely au moment de parler de Helen of Wyndhorn. Ce ne sera pas une mini série de Tom King. Ce sera une mini-série de Bilquis Evely ET Tom King, avec le scénariste en second pour une fois parce que, je suis sûr qu'il serait d'accord avec ça, il s'est mis au service de sa dessinatrice et c'est elle, cette fois, la vedette, l'argument de vente n°1.

Et vous, les lecteurs, qui achèterez cet album, quand vous le lirez, vous saurez que j'ai raison. Mais surtout, vous aussi, vous ne pourrez pas en parler autour de vous, sur des blogs, des forums, sans mentionner en premier Bilquis Evely. Vous trouverez facilement les mots pour ça parce que ses planches vous laisseront sidérés et vous serez naturellement motivés pour partager cette sidération aux gens à qui vous recommanderez cette lecture. Vous direz la beauté bien sûr, mais aussi la magnificence, le luxe de détails, la fluidité, l'expressivité, l'élégance, vous ne pourrez plus vous arrêter.

Et alors, vous ne citerez peut-être plus jamais une BD en l'associant seulement à son scénariste.

jeudi 14 novembre 2024

THE UNCANNY X-MEN #5 (Gail Simone / David Marquez)


Tandis que Sarah Gaunt tabasse Malicia, Gambit, Diablo, Jubilé et Wolverine font face à la horde. Les jeunes mutants décident de se mêler à la bataille pendant que Malicia découvre le secret de Sarah avec l'aide d'un allié inattendu...


Ce sera donc le dernier épisode de The Uncanny X-Men que je critiquerai. Cette relance avait, sur le papier, beaucoup pour me plaire, mais ça n'a tout simplement pas pris. La série n'a pas besoin de moi de toute façon, c'est un énorme carton qui se place en tête des ventes à chaque semaine quand un nouvel épisode paraît. Tant mieux pour tous ceux qui la réalisent.


Pour ma part, ça ne fonctionne tout simplement pas et je ne vais pas revenir sur ce que j'ai déjà dit dans mes précédents articles à ce sujet. Il me semble tout de même que les séries X se divisent clairement en deux camps : il y a des titres qui affichent ouvertement leur désir de plaire au plus grand nombre en ne lésinant pas sur les moyens, et ... Il y a le reste.


Et ce reste vit clairement dans l'ombre de X-Men, The Uncanny X-Men et Wolverine, avec Tom Brevoort qui, aux commandes, guide certainement les scripts de Jed MacKay, Gail Simone et Saladin Ahmed... Et s'intéresse certainement moins à Geoffrey Thorne (X-Force), Mark Russell (X-Factor), Eve L. Ewing (Exceptional X-Men) et tout le reste de la bande (sauf si un de ceux-là créent la surprise en attirant aussi un max de lecteurs). Et, ma foi, si ça reste ainsi, ça me convient puisque je souhaite à Exceptional X-Men et X-Factor de vivre leurs vies tranquillement.
 

Toutefois, il semble clair que Brevoort a misé gros sur des séries clairement conçues pour rompre avec le modèle Krakoa, flattant plutôt le fan nostalgique des années 90 et du cartoon X-Men'97 sur Disney + (qui a conquis un large public...Mais pas moi). Avec une scénariste qui attire la sympathie, grâce à sa bonne communication sur les réseaux sociaux, comme Gail Simone et un artiste ponctuel et efficace comme David Marquez, il a bien joué le coup.

Dans cet épisode qui conclut le premier arc de la série, on comprend comment Malicia pouvait récemment entendre les pensées d'autrui et même guérir de sévères blessures infligées par Sarah Gaunt. Toutefois, les explications fournies par le script sont réellement grossières et larmoyantes au possible, attestant que la fin justifie les moyens pour la scénariste - et ce n'est pas très glorieux.

L'action mise en scène par David Marquez est indéniablement efficace et spectaculaire, mais l'issue des combats est archi convenue, sans aucun suspense. Le dénouement est même sacrément expédié, comme si Simone avait hâte de boucler cet arc et de passer à autre chose. Marquez ne fait alors que suivre le train en marche mais lui aussi signe des planches qui témoignent d'un relâchement certain (les décors sont de plus en plus vagues, les personnages sont tracés à la va-vite).

Toutefois la question qu'on peut se poser, même en ayant décidé de ne pas poursuivre l'aventure, c'est : quel est le concept, la ligne directrice de tout ça - pas seulement de The Uncanny X-Men mais de toutes ces séries ? Les bonnes relances (de l'univers mutant ici, mais de toute franchise en général) sont celles qui s'appuie au minimum sur un concept, une idée directrice globale. A part revenir à des mutants parias persécutés, on a plutôt le sentiment d'une régression.

On n'est pas obligé de faire comme Hickman et de penser à une nation X, mais là, Tom Brevoort a lancé un tas de séries et mini-séries que rien ne relie. Les X-Men de Cyclope en Alaska, ceux de Malicia en Lousiane, la X-Force de Forge un peu partout dans le monde, X-Factor là où on lui dit d'aller, les Exceptional X-Men à Chicago, Wolverine dans la nature (et simultanément en Lousiane donc), Dazzler en tournée, etc. Tout ça pose question d'autant que plein d'autres mutants semblent avoir disparus (par exemple le populaire Colossus ou les New Mutants). Krakoa rassemblait les mutants géographiquement et pour une cause, mais apparemment quelque chose a motivé leur éclatement... Sauf qu'on a oublié de nous dire quoi !

Et puis commencer accepter le fait que les X-Men, en général, ait laissé le manoir de Westchester devenir une prison ? Pourquoi et comment les actes criminels de certains sont restés sans suite (dans la mini Fall of the House of X, on a quand même vu le massacre de centaines d'agents d'Orchis resté impuni : d'accord, c'étaient les méchants, mais personne ne demande de comptes ? Pas même les Avengers ?). On nous avait pourtant promis que l'époque Krakoa et sa chute et les répliques des mutants contre leurs adversaires ne seraient pas oubliées...

Tout ça n'est pas que la faute de The Uncanny X-Men, même si Gail Simone et quelques-uns de ses collègues, et surtout Tom Brevoort ont complaisamment mis la poussière sous le tapis. Pour cette série en particulier, en tout cas, rien de ce qui s'est passé avant ne paraît compter beaucoup, sinon de contenter les anti-Krakoa qui souhaitaient, en masse apparemment, lire des mutants "comme avant". Mais n'était-ce pas les mêmes lecteurs qui trouvaient avant 2019 que les séries X n'étaient pas si bonnes ?